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Le mur

Il y a 60 ans aujourd’hui a commencé la construction du mur de Berlin qui s’étendit ensuite à toute la frontière de la RDA séparant de fait notre continent en « est » et « ouest » et marquant le début très concret de la guerre froide

La presse en fait aujourd’hui peu de cas de cet anniversaire et pourtant en plus de la puissance politique du fait, le mur fit des centaine de victimes tentant de fuir la RDA.. Il fallut attendre 1989 pour le voir tomber aussi concretement qu’on l’avait vu s’ériger..

Deux souvenirs très concrets s’attachent à ce mur. Le premier fut un voyage à Berlin avec les jeunesses européennes fédéralistes. Nous résidions à l’ouest dans une auberge de jeunesse et je me souviens d’une discussion avec un Allemand de l’ouest venu nous rencontrer et plaider bien sûr pour la réunification qu’il n’était pas sûr de connaitre de son vivant*. C’était pour lui une blessure bien compréhensible et nous fîmes avec lui la « visite » du mur et d’un musée du mur où plein d’images et de souvenirs des franchissements dramatiques qu’il avait causé.

Le deuxième souvenir est celui de la soirée où le mur a commencé de tomber*. J’étais alors à Marseille pour un congres médical. Et quand la nouvelle arriva ainsi que les premières images télévisées nous dinions dans un restaurant sur le port. Mon voisin, le Pr Bernard Ackerman, américain juif, dont la famille avait émigré aux Etats-Unis dans la période de la guerre, fut pris d’inquiétude et ne se leva pas pour voir les images des premières traversées du mur.

La réunification ne fut pas immédiatement vécue par tous comme un soulagement. Mauriac lui même eut cette phrase inoubliable « Je n’ai jamais autant aimé l’Allemagne que quand il y en avait deux.. ».

Heureusement, l’avenir a donné tort à ces craintes…

  • Cet Allemand avait une trentaine d’années. Il est plus que probable qu’il ait vu ses souhaits exaucés comme nous le souhaitions tous.
  • 9 novembre 1989

Algérie, suite (ou plutôt, prémices..)

Mon attirance pour l’Algérie avait une raison plus souterraine : la « guerre » que l’on n’osait nommer ainsi.

Pendant la presque totalité de cette guerre, nous vivions à Pau où mon père était Préfet, et je me souviens avec une très forte précision des coups de téléphone qu’il recevait quand un jeune appelé issu des « Basses Pyrénées » * avait été tué sur le terrain. Sa voix changeait, il demandait des précisions sur le lieu du drame, les circonstances… Cela marqua dans ma mémoire le nom des villes d’Algérie, voire des rues dAlger. Ces noms étaient évidemment exotiques à mes oreilles mais ils devinrent familiers*, la radio complétant la marque faite par les appels téléphoniques.

Mon père se faisait un devoir de téléphoner personnellement aux familles qui étaient parallèlement visitées par un militaire ou un officier de police (je ne sais plus) lequel bien évidemment se déplaçait au domicile de la famille.

Sur place quelques années plus tard, j’ai découvert que chacun des noms de ces « villahias » avaient changé tout en restant pour la quelques unes reconnaissables** et les dénominations nouvelles se superposèrent presque naturellement aux anciennes sans les effacer. L’Algérie a, depuis lors, conservé dans ma mémoire quelque chose de familier. Je n’y avais eu aucun parent ni ami, si ce n’est le nom de quelques préfets ou fonctionnaires qui avaient exercé dans ce pays du temps qu’il était français. A proximité de la fin des hostilités, il avait été question que mon père soit nommé à Alger. Cela n’a pas eu lieu, et si je ne peux dire que je l’aurais souhaité, cela ne m’était pas indifférent… A la place, il a été un peu plus tard nommé directeur général de la RTF (qui ne s’appelait pas encore ORTF) et l’Algérie a continué à être fortement présente puisqu’il y eût à ce moment le putsch d’Alger et l’information (ou la censure) sur le sujet ne constituaient pas une question légère…

*Bougie, Constantine, El Golea, Montebello, Duquesne… Avouons que beaucoup de ces noms étaient ceux de militaires français ou de lieux d’anciennes victoires, ce qui sonne aujourd’hui comme quelque peu malencontreux..

** Bougie, par exemple, est devenu Bejaia

Kabylie

J’ai fait deux séjours en Algérie, dont le premier en solitaire sur les traces de Camus, les maisons qu’il avait habité, les lieux qu’il avait aimé et décrit … Ce qui m’a amené en Kabylie. On ne peut pas oublier le texte poignant « Misère de la Kabylie » qui est d’une grande force malgré le jeune âge de celui qui l’a écrit alors comme journaliste.

Si je n’utilise pas aujourd’hui ce titre, c’est évidemment parce que la situation est toute différente et que ce rappel pourrait blesser les Kabyles eux-mêmes, légitimement très fiers de leur identité.

Lors de mon séjour, deux amis de rencontre, l’un qui avait servi dans l’armée française pendant la 2ème guerre mondiale où il avait médaillé, l’autre qui avait participé aux « événements » comme Moudjahid. Tous les deux m’ont chaperonnés, me faisant par exemple découvrir des cachettes de Moudjahidin, en effet non identifiables par qui ne les connaissait pas, arpenter des chemins de fortune mais aussi visiter Tizi Ouzou, en insistant sur une grande librairie, remarquablement achalandée et où l’on trouvait toute l’oeuvre de Camus ** et la quasi totalité des journaux nationaux français. Accueil partout comme une visiteuse que l’on respectait et que l’on informait avec plaisir, je dirais même avec fierté.

Aujourd’hui, la Kabylie brûle et j’ai été frappée que le Gouvernement d’Alger refuse initialement l’aide française et j’ai cru percevoir (via des abonnés de twitter et des journalistes algériens en France) que les kabyles eux-mêmes le regrettaient tellement leurs besoins sont grands.

Aujourd’hui, heureusement l’envoi de deux canadairs a été officialisé et ils seront très utiles, tous les villages n’étant pas accessibles par route. Localement, des appels sont faits pour la venue de… vétérinaires. On ne comprend pas initialement que ce soit une priorité, mais la réponse est vite venue : une grande partie du cheptel, ressource majeure du pays, a été brûlée et l’enjeu est de soigner et sauver tous les animaux qui peuvent l’être…

Je pense à mes deux amis (de l’un, je ne sais rien, l’autre*, gros fumeur, est mort d’un cancer du poumon). Je pense à ce pays rude et fier où je ne retournerai sans doute jamais..

* Il est venu à Bordeaux et je lui ai fait rencontrer selon son souhait des amis qui avaient fait leur service militaire en Algérie pendant les événements, des pieds noirs … Des conversations passionnantes et passionnées, mais toujours très respectueuse et presque fraternelles ont eu lieu..)

** et aussi tous les livres des écrivains algériens en langue française

*** Mon 2 ème séjour a été pour me mêler à l’atmosphère incroyable de l’enterrement de Boumédienne. Je n’ai rien compris au discours du pdt Bouteflika mais la diction et le chant de la langue étaient remarquables de grandeur. J’avoue avoir obtenu de la direction d’alors de « Sud Ouest », une mission qui ne faisait pas de moi une porteuse de carte de presse mais qui m’a permis de nombreux contacts

Hossegor, coeur d’été

Longtemps à Hossegor, je suis partie de relatif bon matin marcher le long de la côte, au plus près de la ligne blanche et écumeuse où le déferlement des vagues s’épuise. Magnétophone en main, je marchais sans effort, mue à la fois par la beauté des lieux et une réserve d’énergie qui s’écoulait naturellement au fil de la marche/promenade.

Je marchais pour écrire, j’écrivais parce que je marchais. Dans le vent certes et de nombreuses cassettes restent sans avoir été réécoutées et traduite en vraie écriture. Aujourd’hui, la marche n’est plus si aisée mais surtout le moteur énergétique s’épuise. Je m’assois sur le lit, fenêtre ouverte aux bruits comme au vent, ordinateur ouvert sur mes jambes repliées.

J’écris, certes, mais j’écris pour ne pas rien faire. L’écriture n’a ni but, ni projet, elle occupe les lignes pour ne pas laisser l’écran sans traces.

Dépression, vieillissement, épuisement de l’imaginaire, je ne sais. Les trois sans doute se rencontrent comme des complices qui attendaient leur heure.

Premier jour de grand beau pourtant. Le monde extérieur, vagues, cris d’enfants, lumière violente, rien n’a changé de ce que je retrouvais comme un décor fidèle que rien n’a jamais décoloré. La maison, reblanchie est au mieux de ce qu’elle a jamais été. Je n’ai pas violemment vieilli, comme après une maladie grave ou une épreuve insurmontable. Je sens seulement une sorte d’usure, d’indifférence à soi et aux autres, d’indéfinissable lassitude.

La blessure d’avant l’arrivée ici a sa part. La perspective d’une rentrée sans objet aussi. Aucun livre possible, capable de trouver un écho, ne se dessine. Tout est vague et vacant.

Messi ou Messie ?

Non, il ne s’agit pas d’écriture inclusive -ou pas- mais d’un simple commentaire après l’écoute des informations de 13 heures sur FranceInfo. La disproportion m’a choquée entre la place donnée à l’arrivée du footballeur Messi à l’aéroport de Paris et « le Messie » qui a inspiré le père Olivier Maire lorsqu’il a accueilli son futur assassin m tout en le sachant suspect et malade mental. J’en conviens : le jeu de mot est à la fois faible et facile..

Pour le premier, la majeure partie du journal d’informations, pour le second, le bref rappel du crime et ce commentaire lapidaire « il devrait y avoir une messe sur les lieux ».

La sobriété des commentaires de ce drame abject ne manque pas d’interroger. Le propos d’Emmanuel Macron lui-même a été succinct. Nulle annonce d’un hommage national, pas d’avantage d’une minute de silence, bref, « passons à autre chose » était le noyau du propos.

Interrogeant aussi, l’absence de tout détail sur les circonstances du meurtre. En général, en trouvant un corps, on sait au premier coup d’oeil s’il a été tué par arme blanche ou par balles, assommé, roué de coups et, au moindre doute, une autopsie fait la preuve des faits.

Est-ce le contexte religieux qui tient les politiques à distance ? Il en allait de même s’agissant Samuel Paty , une religion était en cause mais elle guidait le meurtrier et non la victime. Identiques par contre, la personnalité des victimes : les deux étaient ce que j’ose appeler des hommes « majuscules », soucieux d’accomplir leur mission et assassinés pour cela.

Pour ma part, je considère que la puissance symbolique et morale des deux crimes est également forte et ceci pour la raison exprimée plus haut : les deux victimes accomplissaient leur mission humaine et rien que cela.

Je plaide, de mon petit strapontin médiatique, pour qu’une cérémonie nationale ait lieu. Que l’inspiration de ce prêtre ait été religieuse est probable et j’imagine que l’on redoute « en haut lieu » qu’un lien puisse être fait entre les assassins des journalistes de Charlie Hebdo, par des religieux fanatiques qui ne concevaient pas que l’on pût caricaturer le Prophète. Il n’est pas certain que ce soit le cas du meurtrier du père Olivier, dont on sait qu’il était mentalement fragile.

La différence, ô combien fondamentale, est que le père Olivier (il l’a démontré par son accueil fraternel) n’avait aucun rejet d’aucune religion qui ne fût pas la sienne. Pas d’avantage la communauté auquel il appartenait. Ce crime ne concerne pas que les Chrétiens, mais l’ensemble des Français sans exception, et c’est à ce titre que doit s’exprimer leur plus haut représentant.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel