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Le cerveau est un muscle

Bien sûr, il s’agit d’une image mais je la trouve parfaitement stimulante. Je n’ai cependant pas fait 40 ans de médecine, pour ne pas savoir que ce gros paquet gras, visqueux et fragile qu’est le cerveau n’a rien à voir avec les fibres musculaires. Mais, le malin, il se comporte comme lui : plus il est entrainé, mieux il fonctionne et surtout plus durablement.

On sait déjà, après l’étude des grandes cohortes populationnelles issues de l’Université de Bordeaux, que le fait d’avoir fait des études prolongées puis exercé des métiers à forte composante intellectuelle, retarde l’apparition des signes de la maladie d’Alzheimer chez la femme. Pourquoi chez la femme, parce que la comparaison a pu être faite à partir des « Boomeuses », génération qui a été à l’origine d’une explosion scolaire et universitaire, puis de l’exercice de pratiquement tous les métiers qui étaient jusqu’alors réservé aux hommes. Nous n’avons ainsi pas seulement gagné notre indépendance financière mais plusieurs années de répit en face du déclin cérébral.

L’affaire n’est pas légère. Certes, une étude récemment publiée montre la pratique de jeux mobilisant le cerveau peut retarder elle aussi la maladie d’Alzheimer de cinq années. Une autre montre qu’il y a une corrélation entre l’état cérébral à la retraite et l’âge de départ dans cette même retraite (on ne parle pas ici des métiers à forte pénibilité corporelle). 

Question d’une force incroyable, qu’il convient d’analyser davantage. On sait par exemple, que la première année après la cessation d’activité est souvent cause de dépression et, par ailleurs, que la dépression fait souvent partie des signes avant-coureurs (voire moniteurs) du déclin cérébral.

Oui, je crains pour ma part, que nous soyons complètement à côté de la plaque dans nos politiques de prévention du vieillissement. Ce billet n’a aucune prétention scientifique (je pourrais cependant donner la référence des études scientifiques citées et de bien d’autres). Il s’agit ici seulement d’inciter à la réflexion.

Le cerveau est un muscle dans ce sens que s’il n’est pas entrainé, s’il ne se heurte pas à des problèmes, à des efforts de concentration, il s’étiole, il réagit moins bien et moins vite. J’ose une comparaison assez enfantine contrairement à la pile Wonder, le cerveau ne s’use que si on ne s’en sert pas assez. 

Quelques grands écrivains*, philosophes, penseurs, n’ont-ils vécu longtemps que parce qu’ils ont eu la chance de ne pas rencontrer des maladies mortelles ? D’autres, comme Clemenceau, que parce qu’ils n’ont cessé de combattre contre l’adversité ? Je suis persuadée au contraire, et c’est plutôt encourageant, que l’effort est bénéfique à condition qu’il soit choisi.

*Hugo, Tolstoï, sont les exemples les plus cités. Accordons à l’un comme à l’autre qu’ils n’ont pas mobilisés que leur cerveau et que leur vitalité concernait leur organisme tout entier.

Merci de ce moment, Brigitte

Je lis avec émotion le livre de Brigitte Ayrault « Un chemin de femme ». Avec émotion parce que j’ai eu la chance de la connaître et de travailler avec elle ; la chance aussi de faire partie du Gouvernement de Jean Marc Ayrault, Premier Ministre de 20012 à 2014. Deux années qui furent importantes, pour bien sûr, mais aussi pour moi, importantes et heureuses, dans une atmosphère de travail toujours positive avec le Premier Ministre et son cabinet et, plus proche, avec mon équipe ministérielle, unanimement transformée en « gang » de militants de l’âge et de la transition démographique.

Son livre ressemble à Brigitte : sérieux, précis, parfaitement écrit, totalement dépourvu de portraits assassins comme de révélations de coulisses (amateurs de scandales, s’abstenir absolument) ; il est vrai et naturel, comme elle l’est aussi, mais toujours à la hauteur de la fonction d’épouse du second personnage de l’Etat qu’elle fut pendant deux années. Pour autant, il n’est pas lisse et pour qui saura le lire, révèle les contrariètés, les regrets, d’une vraie femme politique, engagée très tôt et engagée toujours.

Pendant ces deux années ministérielles, nous avons essayé d’aborder les questions cruciales liées à l’âge, des EHPAD à la « siver économie ». Dans le groupe de tête de ces questions, celle de l’isolement social des âgés et pour cela nous avons lancé une « MObilisation NAtionale contre L’ISolement des Agés » que la structure des mots fit évoluer en « MoNaLisA ». MonaLisa prit d’abord la forme d’une association (elle l’est toujours) mais était appelée à devenir une politique publique si le temps nous en avait été donné. De nombreux associations furent engagées de même que des structures publiques comme l’Union des CCAS. Je proposai alors de demander à l’épouse du Premier Ministre d’être l’ambassadrice de cette mobilisation. Bien que jusqu’alors principalement engagée auprès des jeunes, elle accepta.

Nous firent donc ensemble des déplacements nombreux et variés, service civique, grandes firmes d’informatique, lieux culturels ouverts spécialement à des âgés isolés, tout fut l’occasion d’embaucher des acteurs très différents dans cette mobilisation nationale. Les jeunes diraient « que du bonheur » et en effet ce fut le cas.

Je ne raconterai qu’un de ces déplacements, auprès d’âgés (majoritairement des femmes) dont la vie s’était presque exclusivement déroulée en milieu minier. Accompagnés chacune de « leur » jeune du service civique, elles ont témoigné du rôle essentiel qu’ils avaient désormais dans leur vie et, tous ensemble, nous avons visité le musée de Laens, récemment inauguré et dont la ville de s’enorgueillissait avec raison.

Moment exceptionnel que Brigitte transforma en aventure en invitant les participants à déjeuner à l’Hôtel Matignon. Ce qui fut dit fut fait et un petit autobus débarqua quelques semaines plus tard dans ce lieu prestigieux. 

Visite du palais et du jardin, déjeuner détendu sans formalités, ni familiarités excessives, où les langues se délièrent. Je crois me souvenir qu’aucun des convives de n’avait précédemment visité Paris mais tout le monde se sentait à l’aise autour de la « Première Ministre ».

Brigitte évoque ce souvenir et notre émotion commune devant les simples témoignages d’une vie laborieuse mais fière.  j’y ajoute une phrase qu’elle n’a pas entendu. En rejoignant le bus du départ, une des visiteuses se retourna vers la façade de l’admirable hôtel Matignon, puis vers moi avec ces mots

– « On peut pas dire, mais c’est quand même beau Paris ».

Merci, Brigitte, pour ce moment …

Mauriac

Retour comme à peu près chaque été au « Bloc notes » de Mauriac*, hélas dans une édition de poche où la petite taille des caractères fait de la densité du texte une peine. Dans les années 65-67, il parle déjà souvent de la vieillesse mais toujours aussi du curieux dialogue entre écriture et politique :  » Je prendrai la politique et je la baptiserai littérature, elle le deviendra aussitôt »..

Heureux homme, non, mais d’une densité de pensée, même dans ses écrits journalistiques, que je ne crois atteinte aujourd’hui par personne. L’époque y est-elle pour quelque chose ? Sans doute : pas de querelle philosophique, ni littéraire dont j’ai la moindre connaissance. Pas non plus de querelle politique que l’on puisse baptiser de « littéraire » malgré quelques tentatives du Président de la République.

Post Scriptum. La technique, elle aussi, y est pour quelque chose. Voulant écrire directement dans ce blog, lui même d’une actualité dépassée, j’ai perdu en chemin la fluidité qu’aurait eu le stylo et le papier. Les manoeuvres, même minimes, coupent le fil et quelquefois le texte lui même. Un ultime paragraphe l’a expérimenté à ses dépens. Et pourtant je continue à faire semblant d’être un digital native…

  • Publié alors régulièrement dans « le Figaro Littéraire »

« Désarroi »

Je me souviens comme un flash du titre de la première critique littéraire que j’ai reçue : « Michèle Delaunay et l’art du désarroi ». Merci aux archives numériques, je n’en retrouverais certainement pas la trace autrement.

Critique signée Gabrielle Rollin dans « le Monde » et qui m’avait frappée : elle résumait d’un mot le sentiment éprouvé alors en écrivant « la ronde droite »* ; sentiment que je retrouve dans ce dimanche pluvieux, rôdant d’une pièce à l’autre sans savoir m’appliquer à rien d’utile. C’était en 1975 : le désarroi ne m’a jamais vraiment quitté malgré la médecine et la politique qui ne lui vont guère. Près d’un demi-siècle d’une vieille familiarité, d’inquiétude, d’incertitude et de tous ces mots en -ude qui désignent des états subis mais dont ont fait quelquefois fierté, ou raison d’être. Ce fut le cas de Leopold Sedar Senior et d’Aimé Césaire avec leur « négritude ». On pourrait dans cette ligne promouvoir « féminitude » ou, plus proche du moi d’aujourd’hui « vieillitude ».

Wikipedia m’apprend que Gabrielle Rolin, écrivaine et traductrice en plus de critique littéraire, est morte en 2013. Je ne l’ai jamais rencontrée si ce n’est au travers le lignes d’écriture, d’elle ou de moi, et d’un désarroi qu’elle savait aussi bien lire qu’écrire.

  • Gallimard, 1975

Vous avez dit « inclusif » ?

Il y a pire que l’écriture inclusive… La parole inclusive ! Et ce matin sur France Inter, le candidat vert à l’élection présidentielle, Yannick Jadot en a fait la démonstration en s’essayant à cet exercice.

A chaque phrase de l’entretien avec Lea Salamé et Nicolas Demorand venait la répétition « ils et elles », « chacun et chacune »… A titre d’exemple : « Chacun et chacune a conscience des effets du dérèglement climatique »… « Les Parisiens et les parisiennes mesurent les dommages d’une gouvernance éloignée du défi écologique… Ils et elles m’en font part « . Le souci de bien préciser dans le discours que notre humanité se compose de deux sexes, n’est pas en soi une découverte, mais surtout il plombe assez vite le propos le mieux compréhensible. Notons cependant que « Ils » venaient majoritairement en premier, comme d’ailleurs « chacun » et , bien entendu, les Parisiens l’emportaient sur leurs homologues féminines.. Inclusion, peut-être, parité, pas vraiment.

Reconnaissons-le, le Général de Gaulle ouvrait bien souvent ses discours par « Françaises, Français.. » mais n’allait pas plus loin dans l’inclusion. La parole du Général était d’ailleurs si belle, son vocabulaire si riche, sa voix si forte et assurée, qu’il n’avait point besoin de redondances pour gagner l’intérêt de tous ses « chers compatriotes » masculins ou féminins. Yannick Jadot n’a pas atteint la même verdeur de langage (ce qui est en soi fâcheux), et après peu de phrases son discours s’est changé en vil plomb.

Réfléchissons au demeurant à cette noble intention d’inclure à tout va… . En bonne défenseure des personnes d’âge , trop souvent oubliées des décisions politiques, je serais fondée à exiger que l’on précisât « Français, Françaises, jeunes et âgés … » . Les minorités sexuelles, elles aussi, pourraient prétendre à voir inclure les mentions de « trans » et « LGBTQI » . Pas un signe, pas une prise en considération de tous ces oubliés et oubliées dans le discours de Yannick Jadot et je ne voterai pas pour lui tant qu’il ne les inclura point.

A trop vouloir inclure, je crains fort qu’on sépare. L’écriture inclusive est de ce point de vue d’une efficacité redoutable. Les élèves invité-e-s à une dictée, risquent bien de n’y comprendre rien et de faire de la dite dictée un cimetière orthographique et/ou de la rallonger de plusieurs lignes. « Tous » se muant difficilement en tous.tes , il faudra bien préciser « toutes et tous » … Nombreux et nombreuses seront en tout cas ceux qui décrocheront de l’apprentissage du français et de son bon usage

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel