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Salle des fêtes du Grand Parc : 24 ans et quelques heures de pur mépris

24 ans de fermeture, dont 21 au cours des 4 mandats d’Alain Juppé, faut-il encore s’étonner des trois heures de retard de notre grand Maire qui devait « lancer » le début des travaux de réhabilitation de la « Salle des fêtes »,  mon combat de dix années ?

Malgré la chaleur plombante (31°) et l’âge avancé des quelques poignées d’habitants attendant l’arrivée du 1er édile, lazzis et quolibets allaient bon train devant la façade toujours emmurée de cette construction de 1965 inscrite à l’inventaire des monuments historiques de notre ville. L’un avançait qu’Alain Juppé espérait profiter des crédits de notre dernière loi sur l’archéologie, un autre s’amusait d’entendre l’adjointe de quartier exprimer son « impatience » à voir ce bel équipement ouvert aux habitants, un autre encore y allait franchement d’un grand rire quand l’adjoint à la culture assura se souvenir des concerts mythiques donnés dans cette salle … alors que celui-ci était à l’âge des premiers vagissements.

Pour ma part, j’ai quitté la scène à 15 h 40 (soit une heure 10 après l’heure programmée), suivie de peu de la députée Sandrine Doucet et de Vincent Feltesse. Les fronts perlaient et rougissaient et, petits groupes par petits groupes, les plus fervents admirateurs du Maire ayant épuisé les réserves de boisson du buffet, rejoignaient des cieux plus cléments..

A l’heure où j’écris, je ne sais rien de l’apparition ou non du Maire, non plus que des motifs évoqués pour excuser son retard ou son absence. Ratage complet donc pour ce « lancement des travaux » dont on se demande d’ailleurs comment il aurait pu être matérialisé, le lieu demeurant obstinément fermé, et quel en était le sens autre que de pure communication.

Triste pour ce quartier si longtemps abandonné, dont Alain Juppé n’a découvert l’existence qu’à la suite de deux, puis trois, campagnes départementales perdues malgré un long ancrage à droite. Triste pour la « salle des fêtes », expression positive d’un temps où Bordeaux croyait à la culture dans les quartiers (le Grand Parc est un quartier à 80%  social) et où Jacques Chaban-Delmas avait installé tous les équipements dont Alain Juppé n’a toujours pas vraiment compris le caractère structurant.

« Ma » salle des fêtes et sa fresque aux 28 848 petits carreaux de mosaïque, désertée une fois encore, abandonnée sous le soleil comme dans une scène de western après le passage des indiens, attendra bien quelques mois encore. Mais plus que jamais, je déplore qu’Alain Juppé ait refusé ma proposition (2012) qu’elle soit achetée par le Conseil Général : elle serait aujourd’hui ouverte aux Bordelais et aux habitants de ce quartier de grande et ancienne mixité sociale.

La démocratie empêchée

Ces derniers mois nous ont démontré, non que les civilisations sont mortelles, nous le savions, mais que la nôtre, ici et maintenant, était menacée. C’est dans cette crainte et autour de la République et de ses valeurs, que j’ai ouvert ma 10ème lettre de députée et mon compte rendu de mandat ce 15 septembre.

Quelques personnages installés les premiers dans la salle, parmi les Bordelais -nombreux- qui s’étaient déplacés, et un groupe d’une trentaine de perturbateurs tentant d’entrer de force, m’ont confirmé dans l’idée que notre démocratie était aujourd’hui empêchée. Je n’avais prévu pour cette réunion annuelle ni filtrage, ni le moindre appui policier, tellement cet exercice, relevant du devoir des élus envers leurs électeurs, me paraissait ne pouvoir cette année comme les précédentes, être la cause d’aucun trouble.

Cette trentaine d’individus faisant un forcing bruyant à la porte de « la maison du combattant » m’a obligée à demander l’appui de la police pour que la salle ne soit pas envahie. Je l’ai fait à un extrême contre coeur, après qu’un de mes assistants parlementaires, a été frappé par derrière, à la tempe et sur le côté de la tête Le public, fait de « vrais gens » de tous âges, commençait de s’inquiéter, l’atmosphère jusqu’alors et comme toujours respectueuse, quelquefois vive mais sans remous, était rompue. Nous avons pu mener la réunion mais sans la liberté, la gaieté mêlée au sérieux, l’intérêt réciproque aux échanges, de tous mes compte rendus de mandat.

Non, ce n’est pas la première expérience, mais c’est la première période où cette expérience se renouvelle systématiquement. Un café politique en mai, la réunion « Pour la France, pour la gauche » autour de Stephane le Foll en juin, la réunion de Colomiers fin aout qui n’a pu se tenir que grâce à d’importantes mesures de sécurité, et jusqu’à ce modeste compte rendu de mandat, ont été systématiquement perturbés, sans autre fin que d’empêcher les élus ou les Ministres en responsabilité de s’exprimer. Peut-on encore parler de démocratie ? Le « vivre ensemble », c’est aussi le « parler ensemble », expliquer et s’expliquer, et pour les élus, rendre compte.

Il n’est pas concevable pour moi de m’exprimer, de tenir une réunion, sous protection de la police. D’autant que cela ne correspond nullement, en tout cas à Bordeaux, à l’atmosphère des relations au quotidien entre les élus et leurs concitoyens. Dans la perspective de ce compte-rendu de mandat, j’ai consacré des heures à distribuer ma « Lettre » dans sa version papier qui contenait l’invitation à la réunion, la remettant directement à tous ceux que je croisais où qui m’ouvraient leur porte, répondant à ceux qui venaient vers moi pour me saluer, me dire qu’ils aimeraient discuter davantage, dire ce qui n’allait pas, pas une fois, je n’ai rencontré l’hostilité ou l’insulte, telle qu’elle s’est exprimée aux occasions évoquées précédemment.

Car qui sont ces perturbateurs, utilisant des méthodes que je croyais révolues ? Le 15 septembre, avait lieu la manifestation contre la loi travail : les responsables syndicaux ont à Bordeaux dû l’interrompre car elle était perturbée par des agitateurs. Ce sont les mêmes -et en aucun cas les militants syndicaux- qui le même soir ont assiégé la pacifique « maison du combattant » et qui condamnent aujourd’hui la démocratie à n’être plus, sous la baguette de « communicants », que surenchères et propos clivants ou, en réaction, de prêches sans contenu, les uns et les autres amplifiés et repris par les médias comme des balles au tennis.

Cette forme de démocratie, qui empêche les contacts et les échanges directs, où l’on fiche, via des logiciels, les électeurs pour pouvoir les abreuver de mails et de messages, me fait peur. Je suis en politique pour 1-mériter la confiance 2-etre utile, 3-rendre compte.

En médecine, ces « 1,2,3 » étaient applicables facilement. En politique, ils sont aujourd’hui brouillés, empêchés, ou pire, bafoués. Aux électeurs de les exiger.

 

 

 

 

Juppé, entre ascèse et ivresse

Alain Juppé porte ces derniers mois à une sorte de sommet le soporifisme maîtrisé et bien souvent élégant de son discours politique. En ce moment, plus qu’à tout autre car il s’est habilement paré (en contrepoint du petit Nicolas) du manteau de Grand Rassembleur, de la droite évidemment, de la gauche éventuellement, et du milieu naturellement.

Ces derniers jours, le désormais candidat aux Primaires, épuisé de tourner cent fois dans sa bouche sa petite phrase désastreuse, prononcée après qu’un camion de 19 tonnes a roulé à Nice sur 84 personnes : « Si tout avait été fait, ce drame aurait pu être évité », s’est aussitôt rétabli dans son habituelle sémantique.

Sitôt ses conseillers consultés, sitôt fait : le voilà qui convoque à Paris une conférence de presse. Le Point reprend largement la dépêche de l’AFP « ni angélisme, ni surenchère » . On pourra juger dès le premier paragraphe de la force du discours et de l’opérationnalité des propositions. Les « arguties » sarkoziennes sont pour tout jamais effacées comme sont réduites au néant depuis longtemps les positions « abracabrantesques » d’un Jacques Chirac.

Devant une telle maîtrise, indispensable de passer le verbe juppéen sous une lunette barthésienne. Pour précision, il s’agit bien du verre de lunettes de Roland Barthes et non de la lunette du terrain de football que gardait avec vivacité Yohan barthes(se) , comme l’avait suggéré par sa prononciation le même petit Nicolas.

A Bordeaux, où hors ministère ou temps de campagne nationale, il donne toute sa mesure, Juppé prône en tous lieux la « modération ». Pour exemple, le vin de nos prestigieux vignobles, constant dénominateur de la politique locale. Juppé, qu’il s’agisse de la « fête du vin » ou de celle de la « Fleur » de haute tradition girondine, de la « cité du vin » ou même, lors d’un écart, de Carlsberg, sponsor de l’Euro2016, se situe « entre ascèse et ivresse ». Je condense, j’en conviens, une pensée exprimée sur un même ton égal au cours de centaines de discours, mais en aucun cas, je ne la trahis. Entre ascèse et ivresse, il y a, je le confirme, un long chemin et une position médiane, et celle-là est la bonne !

Reconnaissons-le, mes sources sont moins riches, concernant la sexualité ; ceci malgré une parole osée au moment où l’opinion française a basculé sur le mariage entre personnes de même sexe. Juppé a exprimé devant une France médusée, « qu’après y avoir longuement réfléchi », sa position avait sensiblement évolué et qu’il ne s’y opposait plus, mais conservait toute sa réserve s’agissant de l’adoption par les  personnes susdites.

Sur la sexualité elle même, en l’absence de sondages récents sur l’opinion publique française qui a depuis longtemps oublié le rapport Kinsey, sa parole est plus rare. Je la traduis pourtant  avec confiance : il se situe à mi-chemin « entre débauche et abstinence » mais, pour éviter tout soupçon de radicalisme, ajoute que « la question mérite attention, au regard des différentes pratiques, situations , qualités des personnes concernées ». La sexualité doit-elle être regardée d’un même oeil entre sujets masculins, féminins ou de même sexe ? Eh bien, là aussi d’autres paramètres (signalés plus haut) doivent bien évidemment  être examinés avant de se prononcer.

A son arrivée à Bordeaux, plus encore son retour du Québec (« J’ai changé ») Juppé a confirmé sa position générale de n’être jamais, dans son expression , violemment de quoi que ce soit, fût-ce du centre C’est un homme du « juste milieu » sans l’être tout à fait  et s’il prône régulièrement le « changement de braquets », cela demeure une métaphore ou plutôt un conseil à ceux qui sont affrontés au lourd quotidien de la réalité.

Après cet éclairage néo-barthien, vous ne lirez Juppé d’un même oeil, ni ne l’écouterez d’une même oreille ; jamais plus vous ne vous brancherez lors de ses discours, en mode « vie intérieure ». Et vous aurez raison… Car à tout moment, à la moindre occasion, vous pourrez le découvrir, sortant de ses gonds, le verbe haut et le teint pâle, vouant aux gémonies quelque membre de son opposition ou quiconque ayant pu le contrarier. Le Juppé nouveau est plus contrôlé qu’il n’était déjà au collège de Mont-de-Marsan, mais il n’a pas changé. « Supérieur », il était, supérieur, il demeure.

Comme le Bordeaux…

 

 

 

 

La base sous-marine, sanctuaire d’histoire contemporaine

S’il y a bien à Bordeaux un monument chargé d’histoire, c’est la base sous-marine. Ce monumental bâtiment, indestructible par n’importe quelle technique, a été construit en 22 mois entre 1941 et 1943 par l’Allemagne nazie pour y accueillir des sous-marins allemands et italiens et nous devrons un jour consulter les archives militaires allemandes conservées à Fribourg, pour en écrire toute l’histoire.

Des milliers d’ouvriers, réquisitionnés dans le cadre du Service du Travail Obligatoire (STO) et de l’organisation Todt, ainsi que des prisonniers de guerre ont contribué à sa construction ; ce furent en particulier plus de 3000 républicains espagnols dont 70 y périrent.

C’est ce monument au béton noirci que la ville de Bordeaux vient d’acheter au Grand Port maritime pour l’euro symbolique. Jusque-là rien que de très favorable. Plus discutable la décision qui vient d’être prise en conseil municipal d’en faire une Délégation de Service Public et de le confier au secteur privé. C’est le cas déjà dans notre ville pour de nombreuses structures comme par exemple et de plus en plus souvent des crèches mais la DSP à enjeu culturel est une nouveauté. Elle est d’ailleurs très sélective car elle suppose un droit d’entrée de 7 millions d’euros (pour réalisation de travaux) qui élimine de fait tous les acteurs culturels associatifs.

Le « contrat de concession » qui est proposé aux candidats délégataires (en fait, l’un est déjà ciblé, comme souvent), volumineux et pesant ouvrage, n’aborde pourtant qu’en quelques lignes le caractère mémoriel du lieu et ne dit pas un mot de l’ardente obligation de le respecter et de le magnifier.

Le monument des Républicains espagnols, édifié à leur initiative en 2012 à proximité de la base, est cité avec la mention « à ménager dans la mesure du possible (…) ou le cas échéant proposer des hypothèses de relocalisation satisfaisante ». C’est bien maigre : l’histoire et la mémoire de ce lieu devraient constituer un chapitre entier des obligations culturelles imposées au futur délégataire. Tout incite pourtant à la mémoire et au symbole : sa massivité de plomb de la construction, la noirceur du béton enfoncé dans l’eau invitent à parodier Baudelaire: « l’Histoire est un temple où de vivants piliers/ laissent parfois sortir de confuses paroles/ l’homme y passe à travers une foret de symboles .. ».

Tous ceux qui ont vu ces massives alvéoles de béton, le petit clapotement sombre de l’eau qu’elles dominent ont été frappés de l’étrange magie de ce lieu. Il y a dans le souvenir mêlé de la guerre, du combat des Républicains et de ces eaux tristes quelque chose de wagnérien bien propice à un lieu culturel mais où la dimension mémorielle doit être instamment conservée.

On dit (je ne sais si cela a jamais été confirmé) que des ouvriers ont été emmurés dans ce béton. En tout cas, la base sous-marine a quelque chose d’un sanctuaire. Nous ne devons jamais oublier le sacrifice et la souffrance des hommes.

Pour la France, pour la Gauche

Élue à plusieurs reprises sous le dossard du Parti Socialiste, je suis fière de le porter, aujourd’hui comme députée, hier comme ministre déléguée. Je pense même que c’est dans les périodes difficiles qu’il faut le porter d’autant plus haut et avec plus de force.

Dans une Europe fragilisée par les difficultés économiques et la crise des réfugiés, tous les partis de gouvernement sont aujourd’hui secoués. L’un vient aujourd’hui même d’être gravement désavoué, entraînant la sortie – plus grave encore – du Royaume Uni de l’Union Européenne.

De tous ces gouvernements, le nôtre est sans discussion celui qui se situe le plus à gauche. Ses engagements sont clairs mais il a, comme cette fois tous les autres, à affronter le poids de la réalité. La faible croissance (la nôtre se situera cette année dans la moyenne européenne) n’autorise pas autre chose qu’un grand sérieux budgétaire. Pour autant la courbe du chômage s’inverse enfin, malgré les stratégies politiques de deux syndicats et en premier lieu du MEDEF.

Les critiques sont plus aisées que l’effort, plus aisées aussi à traduire dans les médias que les résultats. Avec la grande majorité des élus socialistes, je ne suis pas prête à les subir sans non seulement résister, mais réagir, c’est à dire expliquer, démontrer, porter ce qui a été fait au Gouvernement comme au Parlement.

Que l’on ne croit pas que chacun d’entre nous n’ait pas de réserves sur tel point ou sur un autre : nous ne serions pas socialistes sinon. Mais ce qui nous unit, hier comme aujourd’hui, est sans commune mesure plus fort que ce qui nous divise ou même ce qui nous interroge

C’est pourquoi les 13 parlementaires PS de la Gironde* ont choisi de s’exprimer autour de plusieurs ministres du Gouvernement ce mercredi 29 juin à Bordeaux,  fief de l’un des 13 candidats aux primaires de la droite dont les propositions ultra libérales suffisent à démontrer que notre ancrage est, lui, bien à gauche.

Je vous invite à venir nombreux pour cet enjeu collectif (Athénée municipal de Bordeaux, 18h 30). Les interventions seront suivies d’un débat avec la salle, républicain et respectueux de chacun, ce qui est l’esprit même de notre Gironde et de la Nouvelle Aquitaine toute entière.

Soyons unis, soyons forts, soyons libres.

 

*Florent Boudié, Michèle Delaunay, Sandrine Doucet, Martine Faure, Pascale Got, Conchita Lacuey, Arnaud Leroy, Philippe Plisson, Marie Recalde, Alain Rousset, Gilles Savary (députés)
Alain Anziani, Françoise Cartron, Philippe Madrelle (sénateurs)

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel