Les mots de la presse
Dimanche matin, régulièrement consacré à la revue de presse hebdomadaire. Heureux moment à essayer de saisir le durable derrière l’écume des jours, à s’aventurer dans des « papiers » de fond sur des sujets qui me sont peu familiers.
L’agrément vient aussi de la langue, de saisir sa mobilité, ses tendances, ses modes où le journalisme a une grande part. Certaines évolutions me séduisent, d’autres m’amusent et quelques-unes m’irritent. Celle que je vais évoquer se situe à mi-chemin entre amusement et irritation.
Elle est surtout présente dans les interviews où les interviewés se sont sans doute donné le mot, qu’ils appartiennent au monde de la politique, du spectacle ou des faits de société. Plus aucun n’ « affirme », ne « souligne », n' »assure » quoi que ce soit ; pas davantage, les uns ou les autres ne « regrettent ». Rares sont ceux qui s' »inquiètent » ou tout simplement s' »interrogent ». Non, les interviewés sont désormais plus dynamiques et leurs expressions (supposées) de visage se lisent dans le vocabulaire journalistique.
Les deux stars qui tiennent la corde sont « lâche » et « glisse ». Dans le Monde, Mme Trierweiler « glisse » qu’elle ne rechigne pas à choisir la couleur des nappes à l’Elysée. L’aurait-elle affirmé plus fortement que nous en serions sans doute restés saisis. Les Ministres quant à eux « lâchent » volontiers le coût d’une réforme et les parlementaires une opinion peu amène sur un de leurs collègues. Le choix de « lâche » laisse entendre que cette petite (fausse) bombe est sortie presque hors de la volonté de son auteur.
Mais c’est dans l’insatisfaction que le vocabulaire donne de la voix. Ces dernières semaines, entre amis de l’ump, on a beaucoup « fustigé » et on ne s’est pas moins beaucoup « irrité ». « Fillon est un irresponsable et met en péril l’unité de notre parti » fustige un copéiste, tandis qu’un filloniste s’irrite de voir l’aiglon de Meaux s’accrocher à son siège.
Mme Trierweiler, encore elle et dans le même article « martèle qu’elle ne fait plus de politique ». On l’imagine le poing sur la table assénant cette vérité qui nous importe au plus haut point.
Pourquoi cette évolution ? Sans doute pour remplacer l’image et rapprocher l’article papier de l’interview « live ».