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Peine de mort : mais comment est-ce possible ?

55% des Français favorables à la peine de mort, mais comment est-ce possible ? Une enquête annuelle* mesurant les « fractures françaises » réalisée en collaboration de plusieurs instituts** fait état de ce pourcentage effrayant et ceci, 39 ans après le vote de l’abolition de la peine de mort et du discours implacable autant qu’éblouissant de Robert Badinter.

J’ai dû relire plusieurs fois. Je ne croyais pas notre pays revenu à ce conservatisme d’un autre temps, alors même que, de par le monde, on lutte pour une abolition universelle de la peine de mort, laquelle marquerait un pas considérable dans l’histoire de notre humanité, à tous les sens de ce beau terme. Lors du vote de 1981, l’opinion était à 62 % opposée et deux ans après le demeurait à 59%. Nous n’avons donc guère progressé depuis lors.

C’est pour moi aujourd’hui un véritable choc. Mon premier « combat » politique fut contre la peine de mort. Il avait un champ d’action très réduit mais ne me valut pas moins quelques soucis. J’avais initié au sein du lycée de jeunes filles Camille Jullian à Bordeaux une pétition en soutien à Caryl Chessman dont la condamnation à mort était entourée d’incertitudes et de débats. L’initiative fut tout de suite suivie d’une convocation solennelle et d’une menace d’expulsion de la part d’une Proviseure particulièrement revêche. Les « lycées de jeunes filles » d’alors portaient blouse à carreaux et étaient peu ouverts aux débats humanitaires.

Je croyais l’assentiment à l’abolition désormais obtenu. Elle demeure la gloire du quinquennat de François Mitterrand et une preuve remarquable de courage politique. Apparemment, nous sommes encore loin d’un consensus et tout peut être craint. Il suffirait de l’élection d’un Président de la République populiste pour que la question d’un rétablissement se pose. Gardons nous-en et essayons de voir dans cette alerte une mise en garde salutaire…

*publiée dans « le monde » en date du 15 septembre, soit à trois jours près le jour anniversaire du vote de l’abolition (18 septembre 81)

**ipsos, sopra storia, cevipof, fondation jaures, institut Montaigne. Peut-être est-ce cette collaboration qui rend difficile de donner le nombre de personnes sondées. Regrettable cependant.

« Old lives matter »

A partir du mois de mai 2020, après la mort de George Floyd, nous est parvenu des USA un slogan ressemblant à un cri « black lives matter ! » (les vies noires comptent). Quand l’épidémie de Covid a commencé de décimer les grands âgés et en premier lieu les résidents d’EHPAD, j’ai été bouleversée (le mot n’est pas excessif) par l’émotion très tiède que ces morts ont soulevée. Imaginons qu’une école ou une résidence étudiante ait connu 25 morts en 3 jours, notre pays aurait été autrement secoué, l’école aussitôt vidée… etc

A ce moment, j’ai voulu lancer un appel, utilisant cette même forme de slogan « Old lives matter ! » . Que n’ai-je entendu sur les médias sociaux ? Ce n’était pas les mêmes causes, il ‘y avait pas de violence dans la mort des vieux, bref je faisais fausse route et détournait de manière coupable la cause du racisme..

Aujourd’hui et c’est une formidable nouvelle, à l’initiative des gériatres français, se développe un mouvement « Old live matters » qui réunit déjà plus de 50 000 personnes, médecins, soignants, ou simples citoyens, pour dire qu’en effet, la vie des âgés compte et qu’il faut en finir avec cette discrimination qui s’appelle l’âgisme et qui est la seule à n’être pas pénalisée.

La vie d’un grand âgé compte d’autant plus que ses années à vivre sont peu nombreuses. Plus elles sont incertaines, plus elles sont précieuses. Le dernier été d’un résident d’EHPAD, ses dernières rencontres avec sa famille, son dernier anniversaire sont des trésors qu’il ne faut pas lui voler…

Je me réjouis de ce mouvement. Puisse-t-il embraser nos pays jusqu’à installer une prise de conscience du respect et bien souvent de l’admiration dont il faut entourer les agés. Jamais, ils ne seront assez valorisés, protégés, salués, sauvés de la dépression, de l’isolement et bien trop souvent, du suicide.

« Un agenda, quelle merveille! »

Proche de sa fin* , François Mauriac, trouvant son grand âge un peu désert, écrit ces mots: « Un agenda, quelle merveille ! ». Parole qui n’est pas celle d’un écrivain mais d’un homme qui perçoit sa fragilité et mesure le vide relatif de sa vieillesse.

Mauriac ne consultait pas alors les prescriptions des psychologues ou des médecins en matière de longévité ; ils étaient d’ailleurs, les uns comme les autres, beaucoup moins nombreux qu’aujourd’hui à l’évoquer et à la mesurer. Ce n’est guère qu’à partir des années 2000 que cette formidable nouvelle qu’est le gain de 20 années d’espérance de vie en moins d’un demi-siècle a multiplié les prises de parole, les émissions et les livres. Ce serait la génération suivant celle de Mauriac qui en aurait tout le bénéfice.

Aujourd’hui, au contraire, l’exclamation de Mauriac a pris son plein sens. L’âge a besoin d’un programme et d’objectifs à l’égal de tous les autres temps de la vie. Les journées paraissent d’autant plus longues et vides que l’on ne fait qu’y répéter des actes automatiques, des rituels sans variété, et plus encore sans échanges avec d’autres personnes. La vie s’anime, les journées s’identifient quand on peut les marquer d’événements, petits ou grands, d’obligations et de l’exécution de quelques buts que l’on s’est proposé. Exactement ce que l’on note sur un agenda : réunion, prise de parole dans une assemblée, même réduite, mais que l’on doit préparer, déjeuner amical, réponse à un courrier, invitation… ». Ces « rendez-vous » sont d’autant plus moniteurs de prévention et de stimulation qu’ils s’accompagnent d’un effort quelconque et pas seulement d’une attitude passive. Les trois mots de Mauriac, sociologue de l’âge avant l’heure, contiennent tout cela.

Mon agenda, n’est dans cette rentrée que trop plein et les déplacements dans cette période épidémique me coûtent quelque peu. Et pourtant, je sais qu’il est un ami, non pas un maître à penser mais un maître à ne pas oublier : le cerveau est un muscle comme tous les autres : ils ne s’usent que si on ne s’en sert pas.

*il est mort à 85 ans le 1er septembre 1970

Cadeau !

« Au jour d’aujourd’hui », comme on disait et comme on dit sans doute encore, plus rien ne se donne : on vend, on loue, et des sites entiers dont le célèbre « Bon coin » se sont emparés avec succès de ce commerce. On ne donne plus qu’en catimini, en allant porter de gros sacs à des associations, ce que je ne saurais appeler vraiment des « cadeaux » puisqu’on n’en connait pas le bénéficiaire.

Je le regrette en réalité. Allant pour la première fois dans une boutique de « mode durable » (traduisez « friperie »), la maîtresse des lieux voyant mon intérêt pour un vêtement ancien dont le tissu était spectaculaire, m’a proposé de déposer dans sa boutique mes « belles pièces ». J’ai répondu que, belles ou moins belles, je les donnais par envois groupés à une association qui en faisait bon usage. Elle en a été aussi surprise que… choquée.

Cette histoire, de modeste intérêt, me fait souvenir d’une chanson ravissante de Marie Laforêt où sa voix est couplée avec celle d’un enfant (supposé le sien) qui lui demande quelques centimes pour avoir contribué à une petite tâche ménagère. En bonne pédagogue, elle évoque les nuits où elle a veillé cet enfant et tant d’autres marques de soin et d’amour maternel en ajoutant « cadeau ! après l’évocation de chacune ». L’enfant comprend et finit par accepter le micro job qui lui a été proposé en ajoutant lui-même « cadeau ! ».

Le charme tient tout entier dans la voix de Marie et dans celle de l’enfant. Mais la pédagogie perdure. La morale est simple : ce qui a sans doute le plus de prix, n’a pas de coût.

Voilà, c’était mon quart d’heure « béni, oui, oui »

Faire parler les arbres (2)

Il y a 12 ans (déjà..) je proposais au Maire de Bordeaux, Alain Juppé, de faire parler les arbres et rendre l’écologie lisible c’est à dire de mentionner le nom de chaque espèce sur le tronc des éléments les plus spectaculaires de nos jardins publics, mais aussi d’ajouter sous les plaques des rues, cours ou allées, bordées d’une seule espèce, quelle était cette espèce. Ainsi les Bordelais sauraient qu’ils sont abrités par des hêtres, des micocouliers de Provence ou autres platanes et leurs noms leur deviendraient familiers comme les arbres eux-mêmes.

On n’aime et on ne connait vraiment que ce qu’on sait nommer. J’ai aimé bien davantage les micocouliers de mon voisinage en connaissant leur nom, ravissant au demeurant et en les reconnaissant en d’autres lieux. Ce principe est universel et c’est tant mieux : c’est une grand part de ce qui fait de nous des humains.

Que fit le Maire d’alors : il se pencha sans doute sans en rien dire sur la première partie de la proposition et, après quelques mois, afficha sous forme de QRcodes, lisible avec une téléphone portable, le nom des plus spectaculaires éléments de nos jardins publics. Sympathique et instructif mais malheureusement, sélectif, car le grand père qui se promène avec son petit fils n’a pas forcément son portable sur lui et pas d’avantage l’envie de déchiffrer ce qu’il pourrait lui apprendre. De même le gamin qui traverse le jardin avec son cartable ne jouera sans doute pas au détective, alors qu’il aurait sans effort enregistré le nom d’un platane ou d’un cèdre simplement et sobrement écrit.

Cher notre nouveau Maire, cher Pierre Hurmic, apprenons le nom des arbres et des plantes aux jeunes -et moins jeunes- Bordelais. Ce sera un trésor pour toute leur vie, enrichira leur vocabulaire et développera leur curiosité. Quand aux vieux Bordelais , ils seront réconfortés de découvrir qu’un cèdre a été planté il y a un siècle et demi et parait se bien porter.

Que du bonheur. Les plantes, les parfums, les couleurs, sont des amis que l’on apprivoise comme le petit Prince a apprivoisé sa rose.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel