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Visite ministérielle

J’ai longtemps refusé d’écrire à partir de mes souvenirs, simplement parce que ce n’est que trop souvent l’acceptation qu’il n’y a plus d’avenir. Et puis un jour vient la crainte de les voir s’effacer comme le fait quelquefois un nom propre au décours d’une phrase ou d’une rencontre. L’écriture alors sert de dépôt de garantie mais peut être aussi de coffre-fort que personne n’ouvrira jamais…

Tant d’événements, petits ou grands, poussent pourtant à se réfugier dans le passé. Aujourd’hui la visite à Bordeaux de la Ministre déléguée au personnes âgées me fait retrouver ces moments qui pour moi ont toujours été heureux. Je faisais en 2013/14 un « déplacement », comme on dit, au moins une fois chaque semaine. Les journées étaient chargées et constamment positives : visites d’EHPAD ou de ce qu’on appelait alors « foyers logements »*, d’entreprises, de structures sportives en direction des âgés, rencontres avec des municipalités ou des conseils départementaux… C’était à chaque occasion apprendre, créer des liens, annoncer ou expliquer une action.. Des journées de 12 heures ou davantage, dont on revient fourbu mais généralement satisfait d’avoir réalisé ce qu’on avait prévu de faire.

On m’en donne à l’occasion le souvenir : un courrier, une rencontre (ces jours-ci en Limousin), l’envoi d’une photo… Je crois que je n’ai oublié aucun de ces « déplacements ». Chacun était l’occasion d’un dossier, rapporté à mon domicile comme il est de règle à la fin du mandat. Ce qu’on appelle « faire ses cartons ». Ces documents sont aujourd’hui rangés sans avoir été ré-ouverts encore dans une énorme armoire, qui outre qu’elle est installée dans une pièces non chauffée et sombre, a quelque chose d’effrayant en elle-même.

Aujourd’hui la Minsitre des « PA » est à Bordeaux pour une réunion à l’agence régionale de santé sur le sujet des « métiers de l’autonomie ». Elle (son cabinet) a refusé que j’y sois présente**, attitude qui n’a jamais été a mienne dans le cas un ou une de mes prédécesseurs, avait habité dans le territoire où je me déplaçais. En visite dans le Département où habitait Paulette Guinchard Kunstler, elle a toujours été à mes côtés et je n’ai cessé de m’en féliciter publiquement.

Le « plan des métiers de l’autonomie » a été en 2014 le dernier de mes actes de Ministre. Le remaniement eut lieu quelques jours après la signature officielle mais le texte complet est toujours disponible en ligne. La rédaction en est très administrative car elle devait convenir à 4 ministères qui eurent à en approuver chaque terme. Les actions qui y sont prévues, demeurent hélas aujourd’hui des projets. Espérons que les mois à venir et la loi GrandAge sauront en faire des actions.

  • *les « foyers-logements » dont le nom ne faisait guère envie sont devenus à mon initiative les « résidences autonomie ».
  • **Je le souhaitais, car outre la tradition entre ministres de mêmes attributions, ses annonces et surtout la présentation du rapport de Michel Laforcade, eurent bénéficié à ma nouvelle fonction à la tête du gérontopole nouvelle-aquitaine

Une si profonde blessure

Je m’étais promis de ne pas en parler avant cinq années. Elles sont largement passées, le Gouvernement comme le Président de la République ont changé, je m’y autorise aujourd’hui.

C’était en Mai 2014, le jour même où je devais présenter en Conseil des Ministres la « loi d’adaptation de la société au vieillissement » qui était le fruit du travail de mon équipe ministérielle et de moi-même. Elle était entièrement rédigée et passée par toutes les épreuves que subit un texte de loi, ne serait-ce que les redoutables « RIM (réunions inter ministérielles) qui accompagnent dangereusement chaque article de la loi. J’ai appris le remaniement par la radio, alors que j’étais à la Mairie de Paris pour parler du sujet. Bien sûr, comme sans doute les autres Ministres, je n’avais aucunement été informée, ni prévenue. Normal, du moins en France car c’est tout différent en Allemagne.

Cette blessure profonde est d’abord personnelle. « D’abord » ne veut pas dire loin de là qu’elle est la plus importante, mais c’est celle que l’on reçoit la première, presque physiquement. De retour, au Ministère, je constatais que le café et les tasses à café à disposition de l’équipe ministérielle avaient déjà été enlevées. A ce même moment, la Ministre de la Santé présentait son « équipe de choc) (sic) sur twitter, avec le nom et l’image de ces trois nouveaux Ministres délégués. Marisol Touraine a certainement été en grande partie décisionnaire dans ce remaniement, en particulier me concernant. Le jour choisi (celui de la présentation de la loi) l’assurait que mon nom ne serait présent à aucun stade de l’officialisation de la loi, ni dans le texte lui-même mais c’est bien sûr surtout la décision du Président de la République.

La blessure la plus durable concerne la loi GrandAge appelée désormais de ce nom ainsi mais dont ne connait à cette heure que cela. La loi dite « ASV » que nous avons faite devait comporter 2 actes, elle n’était que le premier et devait être suivie du loi portant sur le grand âge et les établissements. Si nous l’avions faite, l’ensemble des 2 actes eût constitué le totem social de François Hollande et il aurait durablement marqué son quinquennat. Nous avions bossé le sujet avec nombre de propositions autant sur le financement, l’évolution du modèle des EHPAD, et la prééminence qui devait être donnée au domicile, ne serait-ce qu’en prévention de l’entrée dans le grand âge de la génération du baby boom. On ne construit pas en dix ans un nombre d’EHPAD et autres structure correspondant aux 4 millions d’âgés qui commenceront ou seront déjà en perte d’autonomie.

Ce remaniement concernait bien sûr en premier lieu, le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault, sans lequel la loi ASV n’aurait jamais existé. Son successeur ne s’est pas intéressé au sujet. Qu’il soit rendu hommage à sa ténacité ainsi qu’à la part prise par Brigitte Ayrault dans la mobilisation nationale contre l’isolement des âgés (MONAlIsA. J’y reviendrai bien sûr

Tourmente sur twitter

Un « tire bouchon » du journal Sud Ouest titré « Delaunay dans la tourmente » est consacré au déchainement qui a suivi un de mes tweets. Ce tweet qui venait après la publication du livre de Camille Kouchner* sur l’inceste subi par son frère dans l’enfance a bien déclenché de multiples critiques et insultes. Mais ayant l’habitude de préciser et de soutenir mes opinions, j’ai expliqué la nature de mon tweet en posant plusieurs questions

– l’inceste qui est dénoncé (à raison) n’aurait-il pas dû faire l’objet d’une plainte dans la période de trente années où cela était possible ?

– si le livre ne citait pas nommément une famille dont de nombreux membres ont une grande notorieté, aurait-il eu le même écho ou – plus grave encore- aurait-il même été publié ? Aurait-il aussi soulevé un appétit aussi grand ?

– la jeune victime d’alors (aujourd’hui adulte) se sent elle «libérée », «apaisée » depuis la mise en lumiere des faits ? Voir toute sa famille au pilori, qu’on l’aime ou qu’on en déteste certains membres, constitue difficilement un sujet d’apaisement.

– enfin, l’on m’a accusée de « défendre ma caste », de participer de l’ « entre soi d’une bourgeoisie dépravée ». Cela m’a gravement blessée, pour moi même et mes parents, si éloignés que possible de ce milieu. Je ne connais personnellement aucun des membres de la famille qui est dénoncée, ni ne veux connaître leurs drames.

J’ai tiré plusieurs leçons de ce tollé : la première, il est toujours risqué de ne pas hurler avec les loups surtout sur Twitter. La deuxième leçon est seulement la confirmation du fait que je préfère de beaucoup le tribunal de la justice au tribunal populaire qui enfle et prend feu bien souvent jusqu’à tuer ceux qu’il vise.

* »la granda familia » éditions Gallimard

« Notre destin est d’abord en Europe »

Décisives, incontestables, ce sont les paroles les plus importantes des voeux du Président de la République. Mais que faisons-nous pour les concrétiser et les rendre évidentes, familières et désirables ?

La génération d’après-guerre l’avait perçu comme une évidence : allions-nous tous les 20 ans nous battre et nous détruire ? Le beau projet de l’Europe s’est imposé, pas à tous, mais à ceux qui avaient la vision du lendemain. Le temps n’est plus à ce type de bataille, mais la vision est toujours nécessaire : les dangers ne sont pas moins grands qu’hier. Ils sont plus insidieux, géographiquement plus éloignés, mais pas moins conquérants, ni moins destructeurs.

Le départ de l’Union européenne du Royaume-Uni, la volonté des Etats- Unis de n’être plus le gendarme du monde mais de se concentrer sur l’ « America first » peuvent curieusement être un atout. La guerre qui nous liait à eux est loin aujourd’hui. L’enjeu, pour nous aussi, est sur le continent.

Le premier et sans doute le plus bel outil est linguistique. Que faisons-nous pour que de plus en plus d’enfants et de jeunes parlent les « langues voisines » comme les nommait le linguiste Claude Hagège. Erasmus y a beaucoup contribué mais trop souvent au profit de l’anglais. Il faut aujourd’hui introduire plus tôt dans la scolarité l’apprentissage d’une des langues européennes majeures et le poursuivre à l’université et dans l’emploi. Tous les pays reconnaissent qu’Erasmus a été le succès majeur de l’Europe, facilitant l’accès à l’emploi y compris à l’étranger, facilitant des carrières internationales … En outre, il est à l’origine d’un million de bébés européens qui le resteront toute leur vie.

J’attendais à la suite de la phrase d’Emmanuel Macron, l’annonce d’une initiative ou d’une innovation. Il n’en a rien été. Et pourtant, le terrain est favorable : les chefs d’Etat des deux pays les plus puissants et les plus peuplés sont d’authentiques européens. Laisserons-nous partir dans quelques mois la chancelière Angela Merkel sans marquer ensemble son engagement européen d’une initiative puissante aussi forte que, très récemment, le plan de relance européen et les emprunts européens ?

L’environnement est une autre opportunité forte : on ne le voit jamais sous ce jour. La bataille qu’il suppose est obligatoirement européenne, sinon mondiale, mais commençons par le possible. Comme le nuage de Tchernobyl, le réchauffement climatique ne connait pas les frontières. Là peuvent naître des initiatives qui seront partagées et applaudies par tous les pays. Le mot « Europe » n’a jamais été prononcé; au cours ni après la convention citoyenne pour le climat. L’engagement des jeunes dans ce domaine est un facteur incroyablement positif et nous avons un magnifique enjeu de joindre les deux enjeux : se battre pour l’écologie mais pas à l’échelle de son jardin. Je voudrais par exemple que les jeunes Bordelais germanophones ou désireux de le devenir aillent étudier à Munich les innovations qui y sont faites et les mesures qui y sont prises. Bordeaux et Munich sont villes jumelées et, même si je peux le regretter, les progrès environnementaux risquent de mobiliser davantage cette génération que la lecture de Goethe.

Bref, chacun de nous doit explorer le possible à dimension européenne. Des transports à l’énergie, de la culture à.. l’agriculture: notre destin, en effet est d’abord européen.

Fin d’année

Combien d’années nouvelles ai-je déjà salué, mon stylo dans la main, souhaitant que l’écriture, une année encore, ne me quitte pas tout à fait ?

Mais cette année (nous sommes encore en 2020), c’est bien sa fin que nous sommes nombreux à saluer. Pandémie, morts en série, crises diverses, l’année 20/20 n’a pas répondu aux pouvoirs particuliers qu’on voulait bien lui attribuer. Mon souhait demeurera le même et j’espère lui préparer le terrain en retrouvant mon blog, jamais totalement abandonné mais si souvent, si longtemps délaissé.

Les blogs ont presque tous disparus. Il ont pourtant mille avantages, dont celui de ne pas dépendre des Gafa(s). Ce sont aujourd’hui des chemins de traverse, où tels le petit poucet, les plus résistants sèment des cailloux blancs. Pour quoi, pour qui, pour le plaisir de marcher encore et d’en prendre conscience.

Temps gris, humide et froid, rien ne dispose à d’autres marches. Bordeaux, au delà des fenêtres, garde le silence du confinement. Mon chien me rejoint sur le lit sans que je sache jamais de quoi il est conscient. Il est là, important, conciliant, silencieux lui aussi, sans inquiétude, ni certitude, il respire, il attend, il entend, le temps qui passe.

C’est sur un autre chien que je voudrais écrire : un chien abandonné deux fois : la première par la mort de celle que je ne sais pas nommer : propriétaire, maîtresse, rien n’est probablement juste. La seconde est la narratrice, qui l’a elle aussi abandonnée, mais parce qu’au contraire elle avait sa vie à faire. L’histoire est si triste, si culpabilisante, que je répugne chaque fois à la poursuivre.

Ce « post », je dis plus volontiers le « billet » est le 3825ème ; pourtant il est comme un brouillon, sans objet véritable sinon celui d’exister et de donner signe. Puisse-t-il être le premier d’un chapitre nouveau.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel