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L’accompagnement de la fin de vie est un droit

De retour du procès du Dr Nicolas Bonnemaison, j’ai une fois encore plus de questions que de réponses. Quand le Président de la Cour m’a demandé de dire « la vérité, toute la vérité » et de jurer, j’ai eu la fugitive envie de dire: « La vérité, je serais bien contente de l’avoir.. ». J’ai juré et finalement, j’ai en effet UNE vérité : l’accompagnement de fin de vie est un droit.

Nul ne doit mourir seul, sans une main amicale sur la sienne ou une voix familière pour l’accompagner, fût-il dans le coma. Nul ne doit mourir sans le secours de l’apaisement de la douleur mais plus encore de la souffrance. S’étouffer est horrible, ne laissons personne seul avec cette souffrance ultime.

On se souvent (de moins en moins) de Bossuet : « Madame se meurt, Madame est morte ! ». A ceux qui disent « c’était mieux avant », je rappelle les terribles souffrances, les odeurs putrides, les vers commençant de dévorer le corps, de la mort d’avant la médecine efficace.

Comment se décline, dans la pratique, au quotidien, cette vérité ?

Pour les grands âgés, qu’ils soient au domicile ou en maison de retraite, doit être offert le même secours que je pouvais donner aux malades qui m’étaient confiés (qui se confiaient à moi) au CHU de Bordeaux : le rassurement de soins de qualité, d’une équipe tout de suite réactive, de l’appui de soins palliatifs si souhaité et nécessaire. Vingt cinq mille de ces grands âgés, résidents d’EHPAD, meurent aux urgences, lieu particulièrement impropre à un accompagnement humain calme, posé, privilégiant le « care » au « save » puisque le « save » n’a dans bien des cas (pas tous) plus de sens. Soixante-quinze % de ces grands âgés, brutalement transférés et hospitalisés, n’atteignent en effet pas la deuxième nuit.

Même exigence pour les patients en fin d’évolution d’une « maladie longue et douloureuse » selon la formule pudique des faire-parts. Toute mort prévisible, anticipable, attendue doit être accompagnée et soulagée s’il en est besoin. Nous sommes nombreux à dire que nous voudrions mourir chez nous. Moins nombreux à savoir combien c’est difficile, quelle organisation cela suppose, quelle solidité cela exige de la part des proches. Ceux-ci ne doivent pas être laissés dans la solitude. Des soignants expérimentés doivent pouvoir être appelés, donner appui, soins et conseils, avant, pendant et après le deuil. Nous sommes loin encore de cela. Réseaux et équipes mobiles de soins palliatifs sont encore trop peu nombreux et bien souvent épuisés et inquiets de n’être pas en mesure de répondre aux besoins.

Cela au moins est une certitude, une vérité maintes fois confirmée par l’expérience, autant celle de médecin que celle de ministre : nul ne doit mourir seul, sans la main d’un proche, sans le secours d’un soignant et si possible avec l’un et l’autre. Le soignant n’est pas toujours nécessaire mais il est très souvent nécessaire qu’il accompagne l’accompagnant, l’appuie, le rassure sur la qualité de ses gestes, ne le laisse lui non plus pas seul.

Cela suppose « des moyens », comme on dit : développer les équipes mobiles de soins palliatifs, soutenir les réseaux de gérontologie et de soins palliatifs, faire qu’aucun EHPAD ne soit sans lien avec une structure de soins palliatifs, et ne puisse bénéficier de l’appui d’une infirmière la nuit, fût-ce dans le cadre d’une mutualisation entre 2 ou 3 EHPAD ou avec un service hospitalier. Je n’ai pu inscrire ces mesures dans la loi que j’ai élaborée autrement qu’en écrivant « favoriser », « développer » .. Mais ce doit être le prochain pas dès que la contrainte financière se désserera.

Le Defenseur des Droits aura-t-il un jour à se prononcer sur la bonne  observance de ce droit suprême ? Est-il besoin de dire que je le souhaite, que je l’attends et que dans mon mandat de député j’inclus cette exigence et le devoir d’y concourir.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel