En mémoire des Républicains espagnols
Rarement manifestation ne m’a parue aussi forte, venue du plus profond du coeur, ce drôle d’organe qui concentre tout ce qu’on a vécu d’heureux et tout ce dont on a souffert.
C’était, samedi 14 à Bordeaux, l’inauguration du mémorial aux Républicains espagnols qui ont, dans des conditions atroces, de jour comme de nuit, construit la base sous- marine de Bordeaux. Ils n’étaient pas seuls : des Français sous contrainte y ont participé, d’autres prisonniers, mais ils étaient la majorité. Soixante-dix y sont morts d’épuisement, d’accidents, de mauvais traitements. Ils sont enfermés dans les tonnes de béton, emmurés pour l’éternité dans ce bâtiment indestructible que seul l’art peut aujourd’hui peut sauver de la honte et de l’inutilité, puisqu’ aucun sous-marin n’y trouva jamais abri.
Trois survivants étaient présents. L’un, mort l’avant-veille, peut-être plus encore que les autres. La maladie en avait décidé ainsi. C’est à eux que revint l’honneur de fleurir aux couleurs de la République espagnole le beau monument percé de fers, comme le béton, réalisé par Regis Pedros.
Les Républicains espagnols sont ancrés dans l’histoire de Bordeaux. Ils constituent avec leurs descendants une communauté très ouverte et active de 8000 personnes. Ils ont animé, marqué de leur empreinte des quartiers entiers. Ils sont une part de notre fierté de Bordelais.
Les images du photoblog rendent compte de l’atmosphère mais elles ne peuvent rendre notre émotion en écoutant un quasi centenaire chanter d’une voix forte l’Internationale en espagnol, ou une interprête très talentueuse dire un poeme de Machado dont on comprenait les paroles sans avoir besoin de savoir les traduire tellement la voix portait de force et d’émotion.
Je dépose ce court billet au pied du monument, petit hommage à la mémoire de ces hommes brutalisés sur un chantier comme ils l’avaient été dans une guerre qui a été le vrai creuset de la Résistance en Europe.