« Il y a de saines colères »
Après avoir écouté le discours du Trocadéro, je voulais partir tracter. J’ai marché un peu et puis j’ai pensé qu’il valait mieux que je DISE. « L’acte le plus révolutionnaire, c’est de faire ce pourquoi tu es le moins mal fait »
Garcia Marquez, l’auteur de « cent ans de solitude », auquel on reprochait de ne pas avoir été dans les maquis. Il s’en excusait. Cette excuse, finalement d’une immense modestie, a toujours été dans le petit bouquet de ce qui m’aide à vivre. Je suis rentrée et je dis.
Traumatisée, violentée, par le discours de Sarkozy au Trocadéro, « je ne sais plus que dire ». La formule a deux sens : « je ne trouve rien à dire » et « je ne sais plus rien faire d’autre que dire ». Le deuxième est celui qui m’emplit.
On relira un jour ce discours. Pour sa forfaiture d’abord : citer Jaurès et faire huer le socialisme. Guaino, auteur du texte, le sait sans doute : Jaurès n’est pas une station de métro, comment a-t-il osé une fois encore, dans un même discours écrire ces deux phrases qui s’offensent l’une l’autre : les mots mêmes de celui qui est mort pour la paix, et la dénonciation des socialistes. Honte à lui qui l’a osé !
« Honte à toi qui le premier m’a appris la trahison ». C’est Musset qui m’est venu quand Sarkozy embaucha en début de discours Lamartine à son triste service, moins inspiré je le reconnais quand il chanta la République que son âme souffrante au bord d’un lac. Mais plus que jamais, comme il y a désormais un véritometre pour les chiffres avancés par les politiques, je suggère un comité d’éthique pour l’utilisation des citations. Zut, c’est quand même cela aussi, non pas nos racines mais la pâte meme dont nous sommes constitués ! Les citations ne sont rien, l’esprit de ceux qui en furent les auteurs mérite un infini respect. Ces morts sont une part de notre vie et nous ne pouvons plus supporter de les voir malmenées, galvaudées, trainées dans le ruisseau boueux de cette fin de campagne.
Plus insupportable encore d’entendre l’hymne au patrimoine fait par Sarkozy et la honte implicite à ceux qui n’en ont pas. Les larmes m’en sont venues aux yeux. Quoi, n’y a-t-il d’autre ambition, dans une France exsangue, que d’hériter ?
Je me méfie des meetings et de l’émotionnalité excessive qu’ils peuvent générer. De quelque côté qu’ils se situent. Pourtant, « il y a de saines colères » comme le disait Ségolène en 2007, et la mienne l’était.
Combien de Français hériteront d’un patrimoine supérieur à 100 000 euros, que Sarkozy qualifie de « petit » pour évoquer la loi qu’il nous a fait avaler avec le paquet fiscal en août 2007 ? La proportion de ces « petits héritiers » était-elle la même dans les spectateurs du Trocadéro ?
Et l’entendre parler de « mérite » ! Oser cela aussi ! Pour lui même, je n’en parlerai pas, la justice tranchera. Mais pour son fils Jean, censé être promû à la tête de l’EPAD de la Défense, ce que j’ai été la première à dénoncer, quel fût le mérite, autre que celui d’être né?
Tout cela m’a bouleversée. L’écriture, une fois encore, a remis en ordre ce qui devait l’être. Ce meeting qui devait être celui « de ceux qui ne réclament rien » (sic), a été celui de ceux qui ont tout. L’éternelle revanche des riches contre les pauvres.
François Hollande -et nous avec lui- relèvera l’honneur des sans-patrimoine et de ceux qui ont d’autre ambition que d’hériter.
Ceux-là ont la véritable force.