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« Ma patrie, c’est la langue française » *

Rentrée solennelle de l’ « Alliance française », où je représentais Philippe Madrelle. Cette association fait un très beau travail de diffusion et d’enseignement du français et de la culture française. Elle est très connue à l’étranger, plus que dans nos murs où pourtant, spécialement à Bordeaux, elle est fort active. Ce n’est pas anodin, je cite quel fut l’objet de sa création en 1883 : « Association nationale pour la propagation de la langue française dans les colonies et à l’étranger ». J’y reviendrai…

Le français est parlé aujourd’hui par 175 Millions de « locuteurs », comme on dit savamment. En septième position des langues les plus parlées, loin derrière … le mandarin, utilisé par 1,3 milliards de Chinois ! Nous avons tous en tête l’hégémonie de l’anglais qui atteint moins de la moitié de ce chiffre et se situe en troisième position (la deuxième appartient à l’hindi, un milliard de locuteurs).

L’intérêt de ces chiffres est évident : ils mettent en perspective la position du monde occidental et la nôtre dans le monde. Ils sont issus du discours de l’actuel président, M Vialla, qui a mêlé très opportunément, dans cet exercice de style souvent creux qu’est un discours officiel humour, hommages et connaissances que l’on a envie de retenir et de noter.

Je crois, je crois très fort que la langue, les langues, leur rôle dans le partage et la cohésion des groupes, leur valeur à la fois d’identité et de prise de conscience de la diversité, sont plus que jamais essentiels. Un reproche que les plus féroces « nonistes » n’ont pas pensé à faire au traité de constitution européenne (appelons-le ainsi même s’il était bien plus un traité qu’une constitution) est de n’avoir nullement abordé la question des langues. L’enseignement mutuel des langues « voisines » est un des enjeux de notre Europe et cet engagement mérite de figurer dans une constitution prochaine. La langue française a aujourd’hui un statut tout différent d’il y a un ou deux siècles : elle n’a aucune prétention hégémonique et la défendre c’est défendre la diversité linguistique et donc la diversité culturelle sans laquelle notre terre ne sera plus que tristesse et désolation.

J’ai glissé en aparté au Président de l’Alliance française ce que je crois être un nouvel enjeu (et quel enjeu !) pour cette belle association. La langue est un facteur de partage. Je n’aime pas trop le mot « intégration », trop unilatéral. L’objet réel est de faire prendre conscience à tous de leur communauté de destin et de la nécessité d’œuvrer pour la communauté autant que de recevoir d’elle. Une langue commune, défendue ensemble, aimée ensemble est un ciment considérable. Je dis souvent de manière provocatrice que les « minorités visibles » sont en réalité des minorités audibles, maniant mal le français et transformant en violence ce qu’ils ne peuvent exprimer à l’égal des autres. Ce que l’on qualifie à tort de « racisme » est en réalité un problème social et éducatif. Je travaille à l’hôpital avec des soignants et des médecins de tous pays : nul racisme, au contraire, une sympathie naturelle à l’égard de ceux dont on se doute qu’ils ont peut-être fait un peu plus d’efforts que les autres.

Je reviens à mon Alliance française : elle doit se fixer un nouvel objectif. Enseigner et faire aimer la langue aux jeunes –et moins jeunes- issus de l’immigration. Appuyer l’effort de l’école, proposer des objectifs ambitieux (ateliers d’écriture, de communication, de journalisme…). Manière très élégante de « revisiter » son objectif d’il y a cent vingt ans.

  • « ma patrie, c’est la langue française » est une réponse d’Albert Camus que l’on interrogeait un peu perfidement dans le contexte de la guerre d’Algérie. Ce contexte n’est pas indifférent au sens de la phrase, ni à ma proposition dans ce texte.

Instantané de campagne

Tout petit instantané de campagne. Charmant. Fin d’après-midi, cours Portal. Trois messieurs dans un salon de coiffure masculin, deux qui officient et le troisième, très vieux monsieur à l’oeil malicieux, sur le fauteuil de coupe.

Toujours Bon Chic, Bonne Gauche « Puis-je me permettre de vous donner notre programme pour les élections municipales de dimanche.. »

Gentillesse des deux artisans coiffeurs qui m’avaient reconnue et me font bon accueil. Le vieux monsieur prend l’air bougon : – Ben, je sais pas si j’irai voter… Ces politiques… Enfin, on verra.. »

J’enfourche mon antienne favorite – C’est très important de voter. Si des hommes comme vous, qui savent l’importance du vote, s’abstiennent, que feront les jeunes? … et bla, et bla..

Le vieux monsieur très malin ajoute : – Vous savez, je vote pour le front national

Ayant perçu un peu de malice dans son propos, j’embraye aussitôt – Vous savez la météo ne me dit rien qui vaille, je vous parle en médecin, une pneumonie est vite arrivée ! Et s’il venait à pleuvoir, n’allez pas vous fracturer les deux fémurs pour le bon plaisir d’Alain Juppé !

Comme je l’espérais, le vieux monsieur (les deux autres aussi) a ri de bon coeur. J’ose espérer qu’il ira voter dimanche…pour notre liste.

j’embrasse pas ! Je…

Par les trois points de suspension, je fais basculer ce blog dans la licence. Petite revanche de femme, ces femmes dont on s’interrogeait, dans des temps très reculés et qui évidemment n’ont plus cours, « est-ce qu’elle…? ». Le titre d’Isabelle Castéra, faisant ce matin dans « Sud-Ouest »* un portrait d’Alain Juppé est porteur d’une charmante fraction d’ambiguïté. Je ne lui reproche pas bien au contraire : il est grand temps que nous ayons un peu de cette désinvolture qui fût longtemps l’apanage des messieurs.

Je reviens au portrait. « Ses adversaires l’indiffèrent. « Pierre, Paul, Jacques ? », ironise-t-il ». Je laisse cette phrase sans commentaire. Elle n’en serait qu’affaiblie. De la même manière, Alain Juppé avait traité Gilles Savary, alors chef de l’opposition à Bordeaux, d’ « Olibrius », et refusé un débat avec lui, comme il vient de le faire avec les quatre autres candidats aux municipales actuelles.

Plus grave, et c’est en fait la raison de mon billet. Il se plaint que ses adversaires manifestent à son encontre des « attaques personnelles ». Y en a-t-il eu aucune ? Que se permet-il d’appeler « attaques personnelles » ?

Est-ce que réclamer la transparence des comptes publics, exiger que les citoyens soient informés du coût d’un scrutin, vouloir qu’aucun candidat, comme la loi l’exige, n’utilise les moyens de la République à des fins de campagne électorale, est une attaque personnelle ?

Seul Louis XIV, disant « l’Etat, c’est moi ! » pourrait répondre positivement. Défendre le respect et l’information des citoyens est tout le contraire. La défense d’un principe n’est l’attaque que de celui qui le bafoue.

  • Sud-Ouest, édition locale de Bordeaux du mardi 3 octobre.

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