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Instruire ET informer

Instruire est aujourd’hui plus indispensable encore qu’informer. Et plus indispensable encore, de le faire simultanément. Ce billet s’adresse à tous mais il concerne d’abord les médias et la profession de journaliste.

C’est le journaliste Brice Couturier qui, dans le contexte de la médiatisation des Gilets Jaunes, en a appelé à l’expertise de ses confrères et au travail préparatoire à leurs interviews. J’y ai ajouté sur twitter mon souhait que les journalistes politiques consolident leurs connaissances en histoire contemporaine et en sciences politiques pour sortir de la répétition pure et simple de ce que véhiculait le brouhaha médiatique. De même pour les journalistes santé, économie, travail, qui commenteront et interrogeront d’autant mieux que leur bagage sur ces sujets sera solide.

Faisons l’expérience : à l’issue de la lecture d’un article ou d’un interview, posons-nous la simple question: « ai-je appris quelque chose ? » . La réponse est rarement positive, à charge conjointe d’ailleurs concernant l’interview du journaliste et de l’interviewé. Les papiers des journaux, les informations en boucle, les interviews où l’on interrompt sans cesse les malheureux qui risquent une réponse dépassant dix mots, véhiculent, reproduisent, démultiplient, mais ils n’apportent pas de données nouvelles, ni de raisonnements fondés. Ils roulent une grosse boule de mots, qui s’épaissit sans cesse et s’alourdit en vrac de proclamations, d’invectives et de contre-vérités.

Des chaines dites culturelles, des journaux ou magazines spécialisés, instruisent, c’est vrai, mais qui regarde une émission sur Carthage, le front populaire, ou le tsar Nicolas II, qui ne soit déjà instruit ? Ces émissions sont fort intéressantes et ne renions aucunement leur utilité, mais l’instruction populaire, celle qui se fait sans avoir l’air, ou plutôt sans y prétendre de manière exclusive, est-elle assez présente ?

Les médias plus que l’école forment aujourd’hui le bagage des jeunes et sont pratiquement seuls dans cette « instruction tout au long de la vie » qui est si indispensable à la citoyenneté et au développement de la personnalité. Etre journaliste est une forte responsabilité et dans la déontologie de cette profession, cette mission a sa place. Je n’ai pas dit bien sûr que tous en étaient dépourvus, mais que trop nombreux étaient ceux pour lesquels cette dimension n’était ni évidente, ni même décelable. Plus de « pédagogie » (osons le mot, malgré l’abus qui en est fait actuellement) ne nuirait pas.

 

 

 

Les mots des médias ont un poids

Je déteste que les journalistes utilisent des mots qui impliquent un jugement. C’est particulièrement le cas dans les médias non écrits mais les textes écrits peuvent aussi y succomber.

L’affaire Bénalla et les auditions qui s’en suivent en donnent malheureusement force exemples. J’ai entendu déjà de nombreuses fois que Pierre ou Paul « se défaussait sur telle institution ou telle personne » ; c’est en soi une faute: un journaliste rapporte des faits, mais il n’a pas à les juger, moins encore de cette manière subreptice (ou alors il le fait à l’occasion d’une tribune, voire -et encore je n’en suis pas sûre- d’un éditorial signé)

Les auditions qui ont lieu en ce moment à l’Assemblée se font sous serment, dire que l’un ou l’autre « se défausse » en vient à dire que celui-ci ment et trahit son serment, ce qui passible de peine.

« Se défausser » veut dire à l’origine « abandonner (se débarrasser) d’une carte encombrante ou sans intérêt ». Il est utilisé aujourd’hui pour dire que l’on se débarrasse de sa responsabilité ce qui est grave quand il s’agit d’une personnalité détentrice d’un pouvoir au nom de l’Etat.

Si le journaliste a des doutes sur la sincérité de la personne entendue, il peut dire ou écrire « Selon lui .. » ou « selon ses affirmations.. » , mais exprimer que Pierre ou Paul a, a priori, l’intention de se décharger de sa responsabilité est une faute.

J’ai eu ce type de remarques quand le hollande bashing était à son comble, je l’ai de la même manière sous un autre gouvernement et concernant des Ministres ou des hauts fonctionnaires qui engagent leur honneur dans des auditions publiques et sous serment. Et si on assermentait aussi ceux qui les commentent ou, pour le moins, s’ils se sentaient eux-aussi tenus par un devoir de vérité et de neutralité ?

Qu’est-ce qu’une opinion ?

C’est un article du quotidien @sudouest en date du 29 décembre qui m’a amenée à poser la question. Sitôt posée, sitôt cherchée, dans ma tête d’abord puis dans l’inestimable « Trésor de la Langue Française » dont la consultation devrait être sinon remboursée par la Sécurité Sociale, du moins élevée au rang de document pédagogique de première grandeur.

« TLF » ne néglige aucun aspect du mot ; le noyau dur de la variété des acceptions  se résume à « manière de penser sur un sujet » ou encore « jugement personnel que l’on porte sur un sujet ».

L’essentiel est dit et le droit consacre la « liberté d’opinion » , à une exception près : « qu’elle porte atteinte à l’ordre public » ou encore qu’elle enfreigne la loi. Dans le viseur : racisme, discriminations, propos injurieux.

Rien n’est pourtant dit d’une opinion qui atteint à la vérité scientifique et à l’exactitude des faits. Nous ne sommes plus au temps de Galilée, condamné pour avoir dit que la terre était ronde.

Doit-il en être exactement de même de l’opinion publiée, soit par un média lui même, soit à l’occasion d’un interview ? A-t-elle le « droit » d’aller au contraire de vérités démontrées ? Il en va bien sûr d’abord de l’éthique journalistique. Quel média titrerait aujourd’hui « la ceinture de sécurité ne sert à rien », « le monde a été créé en 7 jours » ou encore « le tabac bon pour la santé ». Je prends à dessein des exemples d’actualité, les deux derniers relevant de l’ « opinion personnelle » de Donald Trump et de plusieurs membres de son équipe, le dernier -le tabac- étant celui de l’article que je citais en première ligne.

Un journaliste interrogeant Donald Trump ne manquerait pas de lui dire « vous ne croyez pas aux méfaits du tabac mais avez vous examiné la presse scientifique depuis 50 ans qui démontre sans que plus personne ne le conteste le haut niveau de mortalité et de morbidité du tabac ? ». Donald répondrait ce qu’il veut, mais le journaliste aurait fait son boulot.

Cet article rapporte l' »opinion » d’un buraliste sur le paquet neutre, alors que celui-ci n’est que très partiellement entré dans les linéaires de vente (première apparition le 20 novembre), les débitants ayant le droit d’écouler leurs stocks jusqu’au 31 décembre. On comprend à l’évidence que, utile ou non, il n’a aujourd’hui aucune chance d’avoir pesé le moins du monde sur le volume des ventes.

Or notre buraliste affirme le contraire. Il a le droit, mais le journaliste a deux devoirs : 1-de l’interroger sur la brièveté du délai et son manque de signification 2- de ne pas mettre son affirmation en encadré au coeur de l’article « nous ne constatons pas de diminution de la vente de cigarettes depuis le paquet neutre ».

Le contenu de l’interview est, « as usual », un résumé des éléments de langage fournis par les cigarettiers : approximations (« des milliards.. »), vérités falsifiées (1000 fermetures de bureaux de tabac par an alors que beaucoup sont des regroupements ou des relocalisations et que les bureaux de tabac sont les 3èmes commerces de sécurité les plus florissants), déformations de faits (l’efficacité de la prévention en Allemagne), contradictions (sur les ventes illicites)…

Tout cela, sans avis contraire mis en face à face, comme on le trouve de plus en plus souvent dans les médias écrits, sans droit de réponse, sans question demandant des précisions ou opposant des faits°. Le paquet neutre n’est pas LA solution contre le tabac, mais il ne sert certainement pas à rien.

Pourquoi je râle ? Parce que le sujet est trop sérieux pour qu’on accorde une demi-page à un buraliste sans aucun rétablissement des vérités démontrées, ni sans aucune mise en perspective. Parce que, tout simplement, le tabac tue en deux jours autant que l’insécurité routière en un an. Tous les médias aujourd’hui -à raison- insistent sur les risques encourus dans la nuit du 31 décembre et alertent les conducteurs. Devons-nous laisser « l’opinion » d’un seul peser sur l’Opinion en toute impunité ? Les médias ont aujourd’hui une considérable responsabilité concernant les grands enjeux de santé publique qui détruisent nos sociétés de l’intérieur (addictions en tête). Responsabilité qu’ils partagent avec les politiques et dont, les uns et les autres, ils devront répondre. « Vous saviez et vous n’avez rien fait ».

 

 

 

 

Mon chien Dixie

Oui, mon chien Dixie a griffé la lèvre supérieure d’un enfant de 9 ans sur la plage d’Hossegor dimanche 11 aout à 13h 30. Hier, c’est à dire 48 h après, la petite blessure, longue de 7 mm, superficielle, ne justifiant aucun point de suture, était parfaitement cicatrisée, sans inflammation périphérique, ni aucun autre signe fâcheux.

L’enfant, que j’ai longuement rencontré depuis, faisait du skin board et glissait sur une fine lame de bord de mer à toute vitesse. Dixie a voulu courir après lui, L’attache de sa laisse s’est rompue et il a échappé à la main de Klaus qui le tenait.

Il y a quelques mois, sur le pas de ma porte à Bordeaux, Dixie a sauté sur le bras d’un agent municipal qui s’avançait vers moi, tenant dans sa main un talkie walkie que le chien a considéré comme inamical. Nulle blessure, nulle éraflure du vêtement de l’agent, pas même une trace de poussière.

Dans les deux cas, des gros titres, des gros mots : morsure, canines .. Ce matin sur France Inter, le temps consacré était égal à celui attribué à l’Egypte et à l’évacuation sanglante des pro-Morsi.

Être Ministre des personnes âgées justifie-t-il une telle intrusion dans de si modestes événement de ma vie, de la très petite tranche de vie que l’on puisse encore considérer comme personnelle ?

J’assume complètement mes responsabilités.  S’il n’en fût rien pour le policier municipal, l’enfant a eu très peur et à posteriori sa Maman aussi. Le chien, dont je suis séparée toute l’année, venait me rejoindre sur la plage à la fin de ma marche matinale. On se doute que s’il avait mordu l’enfant  comme le policier municipal, l’affaire serait tout autre. Mon chien rivalise de poids avec moi et me dépasse largement en puissance. Sa denture est celle d’un berger allemand et ses canines ont plus de 2 cm, les traces en seraient dramatiques. Mais Dixie n’a jamais mordu. Ses « papiers » sont en règle. Sa nouvelle laisse ne risquera pas de rompre. Pourrai-je encore lui permettre de me rejoindre dans ma promenade, sans recevoir invitations à la faire piquer, à m’euthanasier moi-même ou à démissionner séance tenante, comme en ce moment sur twitter ?

La réponse est malheureusement non.

 

 

 

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