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L’abbé Pierre

La page informatique du monde ouvre ma journée avec la mort de l’abbé Pierre. Sa soutane, son béret, cette silhouette austère qui paraissaientt d’un autre temps ont ouvert et profondément marqué le temps que nous vivons, celui de la prise de conscience médiatique de la misère. L’ abbé Pierre ne préchait pas du haut d’une chaire dans une cathédrale, mais dans le froid, suivi d’ un micro et d’une caméra.

Il a gardé cette austérité de moyens qui a été pendant plus de cinquante ans la condition de sa force. Même dans les émissions à grand spectacle où il apparaissait quelquefois, il était ce petit abbé sans luxe, à la voix cassée, que l’on imaginait repartir dans le froid comme en 1954. Nous sommes tristes. Le monde est ce matin un peu plus désenchanté.

Ecologie : la défense des paysages (13)

« Le paysage ne nous appartient pas, nous le recevons et nous le transmettons, c’est tout ». Cela a été l’objet de la première partie de mon intervention lors de la présentation de « la charte de l’écologie urbaine »*. Car c’est bien sûr vrai pour les villes, et vrai pour Bordeaux qui dispose d’un atout naturel incomparable : l’arc de son fleuve.

L’arc de son fleuve, sa double courbe, sa couleur mordorée et l’admirable écrin de pierre que le XVIIIème siècle a offert à sa rive gauche.

C’est bien davantage sur ce qui aura été apporté ou définitiment enlevé à la beauté de cet écrin que le temps jugera les mandatures d’Alain Juppé. Economiser les ramettes de papier, fermer la lumière en sortant des bureaux de la mairie, tout cela est bien et relève du simple bon sens. Respecter, magnifier le paysage, lui apporter la marque du XXIème siècle au plus créatif de son art et de ses moyens de construction, voilà qui est d’un autre ordre.

Je ne connais pas un Bordelais, mais ce blog est là aussi pour que la discussion s’engage, qui ne soit pas affligé de ce qui est déjà sorti de terre rive droite. Petit empilement de bâtiments sans envergure, loupés complets comme le millenium, où est l’ambition d’une ville, quelle marque laisserons nous d’un XXIème siècle pourtant O combien créatif en la matière ? Qui a vu le jeu de couleur des bâtiments de Houston, l’opéra de Sydney, l’intégration à son écrin vert de Vancouver, ne peut qu’être attristé de ce que nous réalisons à Bordeaux. Au moment même où nous demandons le classement de la ville au patrimoine de l’humanité.

Le décor de nuit n’est pas meilleur : voir briller au dessus de la Bastide l’énorme enseigne de la Banque Populaire, est comme un signe de ce qui domine à Bordeaux -comme ailleurs j’en ai peur- : la banque. De même, voir du haut du cours de Verdun, l’enseigne lumineuse verte de l’hôtel Ibis couronner l’Intendant Tourny nâvre tous ceux qui l’ont remarquée. Quoi de plus simple qu’un arrêté municipal astreignant la mise en place d’enseignes à des contraintes paysagères. Imaginez le Louvre dominé par une enseigne Mac’Do..

C’est pour ma part aussi pour cette volonté de respecter le paysage, que j’ai émis des réserves fortes au projet de pont Baccalan-Bastide. Nous n’avons pas même obtenu une exposition comportant une maquette de taille significative implantée sur le relief du territoire. Cela seul pourrait donner aux Bordelais une idée du rapport des volumes et de l’impact paysager de cet édifice considérable.

En 1998, lors d’une exposition semblable, les Bordelais ont découvert concrêtement ce que représentait le pont au droit des Quinconces que voulait imposer Alain Juppé. Et c’est à la suite de cette exposition qu’ils ont massivement rejeté le projet.

Sans doute la mairie de Bordeaux ne voulait pas renouveler l’expérience.

  • Conseil municipal du 15 janvier ; voir aussi « ma grand-mère, l’écologie et la bêtise durable ». (janvier, 11)

« Il faut tenir ! »

Le « Monde » et sa page électronique s’invitent décidément de manière régulière dans le blog. En ouvrant mon ordi à l’instant, les premiers mots de Ségolène Royal devant le bureau national du PS, transformé en conseil de campagne. La salle était pleine, discours, conseils et commentaires avaient commencé avant son arrivée . Trois mots : « il faut tenir ! ».

Tout est dit. Pas un mot des petits débats, des interrogations qui planaient ici ou là, un ordre simple, et pourrait-on s’amuser à dire, un ordre juste. En tout cas, un ordre, de ceux que l’on se fait à soi même volontiers par gros temps ou ciel de cafard.

Un micro avait été ouvert dans la salle, l’enregistrement a été transmis au journal « le Monde » qui en restitue l’essentiel. Elle a dit ce qu’il faut dire, fait ce qu’il faut faire : ne pas s’attarder, poser des actions, être soi.

Soyons nous-mêmes. Rien de moins et, si possible, un peu plus.

Ma grand-mère, l’écologie et la bêtise durable

Ma grand-mère était une formidable écologiste et ne le savait pas. En réalité je suis de parti pris : mes deux grands-pères l’étaient aussi, comme leurs parents respectifs. Tous savaient qu’il faut une réserve de pluie quand on est agriculteur, qu’on éteint la chandelle quand on sort d’une pièce et qu’on couvre l’âtre pour la nuit. Tout ce monde, campagnard pourtant, aurait souscrit à « La charte de l’écologie urbaine » qui nous a été présentée aujourd’hui en Conseil Municipal par le premier écologiste de l’UMP, Alain Juppé.

Le vocabulaire est important, et permet d’habiller de vêtements nouveaux ce qui s’appelait autrefois tout simplement le bon sens. Les trente pages de cette charte ne contiennent à vrai dire aucune innovation. Nous avions sur notre banc d’élu la charte de la ville de Rennes près de dix ans plus tôt, les propositions qui nous sont faites aujourd’hui y étaient incluses. A Rennes comme à la municipalité de Bordeaux on va réduire désormais le nombre de milliers de ramettes de papier qu’on utilise dans les services, on luttera contre les fuites d’eau (c’est mon ami Gaüzère qui a souligné cette démarche innovante), on conseillera de rouler à pied ou en vélo… Excellent, aurait dit ma Grand-mère l’écologiste ! Excellent, mais certainement pas élémentaire puisque tout cela est « durable ».

Ca, ma grand-mère n’y avait pas pensé : elle appelait économie ce qu’on appelle « développement », mais pas n’importe quel développement, celui qui est « durable ». Ma grand-mère ne parlait pas anglais, et d’ailleurs ceux qui ont traduit le mot « sustainable », pas beaucoup mieux. D’accord « soutenable », traduction littérale de « sustainable » (qu’on peut porter sans risque, qu’on peut assumer) n’est pas bien compréhensible en français. Mais « durable » est carrément un contresens. Il y a dans le document municipal que nous a soumis Alain Juppé une phrase dont je cherche désespérément toujours le sens « il faut faire la ville durable sur elle même ». Dessus, dessous, j’ai cherché, je n’ai pas trouvé ce qu’était une ville durable sur elle même et j’en appelle aux amis du blog. La bêtise durable, ça oui, je sais ce que c’est, et je garantis qu’elle est non seulement durable, mais éternelle.

Je ne suis pas restée en reste question « bon sens durable ». Plusieurs pages du document municipal sont consacrées à la gestion des bâtiments. En éco-langue « comment faire qu’une maison ou un bâtiment soit durable sur lui même ? ».

Bonne question… Pas un mot dans le doc, des ascenseurs de plusieurs tonnes pour élever d’un étage une pimprenelle d’un dizième de quintal. J’étais juste avant le conseil municipal dans un bâtiment public où personne ne savait où était l’escalier. Juré ! Et donc la pimprenelle, ça a été moi. Ma grand-mère n’aurait pas été contente.

Pas un mot non plus, du principal économiseur d’énergie que procure la construction la plus simple (type la maison de ma grand-mère) ou le bon sens le plus simple encore…

Vous brûlez ? Vous donnez votre langue au chat ?

Et bien cet économiseur d’énergie incroyablement efficace, c’est l’éco-volet! Je n’ose pas dire « le volet », car j’aurais carrément l’air d’une pomme, d’une qui a rien compris à l’écologie durable. En ce moment même, on dépose des volets dans les bâtiments du quartier du Grand Parc malgré les alertes que j’ai faites à plusieurs reprises après la grande canicule. Ce soir encore, je suis passée devant plusieurs bâtiments publics, largement chauffés qui ne disposent d’aucun moyen d’obturer de vastes parois vitrées pendant les nuits d’hiver ou de protéger de la chaleur l’été.

J’ai donc demandé que le document comprenne un chapitre des bonnes pratiques de la construction et de la gestion des bâtiments incluant l’existence de volets et l’incitation à les fermer chaque soir. C’est moins cher que la géothermie, moins encombrant que les panneaux solaires, moins bruyant que les éoliennes, plus sûr que le bio-carburant 3/4 choux-raves, 1/4 jus de carottes. Et pour peu qu’on les prenne en bon bois de chez nous, c’est garanti durable.

Chiche, qu’avec des trucs comme ça, si Jacques Chirac était informé, il me nommerait moi aussi sa grande écologue. Et ma grand-mère avec moi.

Discours de Sarko, suite

Plus que jamais, il faut affirmer, réaffirmer et démontrer par les faits, les mesures prises, la négociation avec les forces syndicales : le travail est une valeur de gauche *. On a maintenant accès au texte écrit du discours de Nicolas Sarkozy et pas seulement aux notes prises par les journalistes. Il en donne la preuve.

Ses choix pour la « valorisation du travail » (la formule est décalquée de celle de Ségolène, au moins il sait lire) laissent pantois. Le premier exemple qu’il donne est le bouclier fiscal à 50%. Exemplaire, en effet, de la révalorisation, version UMP.

Mais qu’est-ce que « revaloriser le travail » ? A quoi est due cette « dévalorisation » fustigée par Sarkozy ?

Un premier point, dévastateur pour le moral de tous les travailleurs, c’est le différentiel des salaires. Que le PDG d’un grand groupe, avec ou sans stock options, puisse gagner 500 et jusqu’à 700 fois plus que son salarié au SMIC n’est pas acceptable. Qui en effet peut croire, peut accepter qu’une heure de la vie d’un homme vale 500 fois plus qu’une heure de la vie d’un autre ? Qui en effet peut demander au petit salarié de se retrousser les manches s’il sait que son travail est, à ce point, méprisé ? Rien n’a plus de valeur, la société vacille à être compréhensible.

Les exemples de cette dévaluation du travail ne sont pas à chercher dans les 35 heures, dont je n’ai pas été et dont je ne suis pas une fanatique. On y trouvera de petits éléments (mes infirmières devant trouver 10 minutes là, un quart d’heure ici pour arriver à absorber la diminution du temps de travail, alors qu’elles dépassent bien souvent leurs horaires, et qu’elles continuent de le faire).

Les exemples sont dans les conditions de travail et les bas salaires .

Ils sont dans cet irrespect du travail qui accompagne la politique de la droite, ou du moins que la politique de la droite ne cherche aucunement à freiner. Où est la valeur travail quand une jeune femme habitant Cenon a 20 heures de travail par semaine comme caissière à Auchan ; deux heures le matin, deux heures en milieu d’après-midi ? Où est le respect ?

Nous devrons nous battre sur les conditions de travail et le juste salaire. Oui, le travail est une valeur de gauche. Il a permis à l’ascenceur social de fonctionner, il a permis l’émancipation des femmes, il est notre place dans la société, comme le logement est notre place sur terre.

De l’amusement que j’évoquais dans le billet précédent, je suis passée en lisant le discours entier à ce fond de révolte qui est à l’intérieur de nombre d’entre nous. Nicolas Sarkozy parlant de morale et d’exemplarité dans l’exercice républicain.. Je n’aime jamais trop ces simplifications, mais Johny Hallyday, son ami, son soutien affiché, dont la fortune a été faite par les Français de tous niveaux qui achètent ses disques et qui délocalise cette fortune pour n’avoir rien à leur rendre…

nb : « Le travail, une valeur de gauche », était un des trois thêmes de ma campagne pour les élections législatives en 2004 (voir commentaire 4 du billet précédent)

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel