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Le principe pollueur-payeur inscrit dans l’acte unique européen en 1986, puis dans le code de l’environnement et enfin transcrit dans le droit français a constitué une authentique avancée dans la réflexion politique : il est simple, juste, indiscutable. Basé sur l’éthique de la responsabilité , il consiste à faire prendre en charge par les acteurs économiques les effets négatifs de leur activité  et à établir la vérité des prix.

Il a un petit (grand?) frère que personne n’a encore osé inscrire dans quelque constitution que ce soit : le principe « tueur-payeur ». Pardon du caractère un peu raide du mot « tueur » : je n’en ai pas trouvé de plus clair. Il englobe bien sûr des dommages à la santé n’allant pas jusqu’à la mort. Dans tous les cas, il s’agit de dommages démontrés, connus de celui qui les produit au moment où il les produit.

Les deux principes sont  étroitement liés : le pollueur, en fin de compte, nuit non seulement à l’environnement mais à l’homme qui y vit. Et si l’homme n’était pas là pour en souffrir, qui serait là pour s’en plaindre ?

La question n’est pas légère. L’écologie environnementale vaut d’abord au travers de l’écologie humaine . Voilà qui paraît pour certains une évidence, mais que d’autres n’ont pas saisi dans tous ses développements. Si nous voulons sauver l’ours Balou dans les Pyrénées, ou la pimprenelle des ruisseaux, c’est parce que nous craignons qu’in fine leur disparition nuise à l’homme lui même.

On l’a compris : pour moi, écologie de l’homme et écologie environnementale sont indissociables et égales en dignité et raisons de les défendre. Pour autant, ils ne faut pas les confondre. Les cancers environnementaux (dus à des causes exogènes), n’ont rien à voir avec les cancers comportementaux. Exemple qui m’est cher : le tabac. Les cancers dont il est la cause sont des cancers comportementaux (dus au fait de fumer) et non des cancers environnementaux. On peut s’endormir tous les soirs à côté d’un champ de tabac, nul risque du moindre effet pathogène. Evidence ? Dans bien trop d’études ou de déclarations péremptoires de professeurs très médiatisés, le tabac vient enfler à tort les  risques environnementaux.

Je reviens au principe « pollueur-payeur » : qui détruit, abîme, pollue, pervertit l’environnement doit payer le coût des dégâts qu’il cause. Parfait, évident, y’a qu’à…  Personne pour autant n’a pensé à étendre cette indiscutable logique à l’écologie humaine : qui nuit (directement et en connaissance de cause) à la santé de l’homme, doit en supporter les frais. Ceci ne concerne pas les « effets indésirables » considérés comme admissibles au regard des bénéfices, thérapeutiques ou autres. Ce point doit être souligné : ce serait sinon la totalité des médicaments qui en relèveraient.

Beaucoup d’exemples pourraient être donnés. Les « produits de santé » dont les effets nocifs entraînent  des lésions, voire des décès, alors que ceux ci n’ont été ni signalés, ni rangés dans les contre-indications du produit, peuvent être considérés comme relevant de ce principe. Le Mediator a causé des dégâts cardiaques, parfois mortels : le « pollueur » (c’est à dire le fabricant si sa responsabilité est démontrée -et en particulier le fait qu’ « il savait »- ) doit en assumer les coûts. Mais il y a des produits, légalement disponibles sur le marché et qui sont pour autant dépourvus d’effets bénéfiques. Le tabac constitue de ce point de vue un « cas d’école », puisqu’il ne connait d’autre bénéfice que la satisfaction d’un besoin, lié lui même à une addiction.

Dans le cas du tabac, tout le monde sait  sans qu’aucune contestation scientifique ne soit plus possible ses dangers et son risque mortel : le fabricant, le vendeur (en France, l’Etat, via les buralistes), le consommateur. Tous sont informés. Inégalement cependant : quel fumeur sait, qu’en plus du pouvoir additif du tabac lui même, des substances addictogènes sont ajoutées aux cigarettes.

J’interroge en ce moment même les juristes : y a-t-il faute si le consommateur est informé ?  La faute ne concerne-t-elle que les risques pour lesquels l’information est déficiente ? Le sujet n’est pas mince mais une chose demeure certaine : le producteur est informé de TOUS les risques et ceci dans tous les pays et depuis longtemps.
Cette réponse impose, selon le principe de responsabilité, que le prix de vente du produit couvre le coût des dégâts et préjudices causés par le produit. Il n’y a pas de raison à penser que c’est aux non-fumeurs, à l’égal des fumeurs, des vendeurs et des fabricants, à assumer cette charge.

C’est en raison de cette logique que j’ai proposé* que le prix de vente du tabac soit indexé sur le coût pour la collectivité des dommages causés. Aucune atteinte à la liberté dans ce principe, aucune discrimination portant atteinte à l »universalité des soins et des secours. Toute personne doit être soignée et assurée  avec la même exigence. Simplement, le prix de vente du tabac -et le bénéfice pour la structure qui assume la dépense, en France l’assurance sociale- viendra couvrir le coût de ses dommages.

Elémentaire, mon cher Watson,  et j’ajouterai : conditionnel pour que notre système de protection sociale perdure et que tous y aient accès.

 

* Vous pouvez consulter les amendements que j’ai déposés dans le cadre du Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2015 et du Projet de loi de finance rectificative (PLFR) pour 2014 :

https://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/2252/AN/661.asp

https://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/2252/AN/794.asp

https://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/2455/AN/22.asp

https://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/2353/AN/421.asp

https://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/2455/AN/21.asp

https://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/2353/AN/418.asp

 

Comments 6 commentaires

  1. 14/02/2015 at 18:07 Loic F

    Si seulement ce principe était appliqué et pas seulement affirmé sur le papier et dans les discours ! Trop d’intérêts en jeu sans doute. Environnement = santé de ce point de vue aussi

  2. 15/02/2015 at 14:32 Michele

    Le principe pollueur/payeur constitue une vraie avancée politique. Malheureusement toujours difficilement appliquée (cf le rapport de la cour des comptes sur l’eau) et plus encore pas souvent saisi dans son essence et dans tous ses champs d’application. Il s’agit bien du principe de responsabilité de toute personne qui est en connaissance de cause. Sans doute, ne sommes nous pas encore capables d’assumer ni le principe, ni la responsabilité

  3. 15/02/2015 at 14:53 Klaus Fuchs

    pollueur-payeur, principe de précaution et d’autres jolies innovations: le principe est merveilleux, mais son application rigoureuse , c’est là le problème. Prenons l’exemple du tabac et transposons ce que Michèle propose à l’alcool – même problématique, mais avec un élément majeur, encore bien plus « majeur » et généralisé que pour le tabac: il est quasiment impossible de réduire sa consommation à des quantités non nocives, voire à son abolition. Car cette consommation est un « acquis culturel » depuis la préhistoire jusqu’à ce jour, et cela dans toutes les civilisations du monde.
    Autre exemple de ces difficultés de faire payer celui qui cause des dégâts: l’utilisation des voies publiques par les automobiles et camions: faire payer le coût total par les utilisateurs et pas très majoritairement par les contribuables déclencherait une révolution et n’est donc politiquement impossible.

  4. 15/02/2015 at 15:21 Michèle Delaunay

    je n’ai pas mis de lien concernant « écologie de l’homme ». Il y a bien des nuances à ce concept, certaines fortement teintées de politique partisane
    La mienne est simple : comme on parle de protection de l’environnement, je pense à la protection de l’humain, de sa santé, de son fonctionnement cérébral, de son intégrité, de sa dignité. Protéger l’ours Balou est une bonne chose, protéger l’Homme ne me parait pas non plus mauvais..

  5. 15/02/2015 at 15:29 Michèle Delaunay

    Pas tout à fait d’accord, Klaus. Pas facilement possible, pas toujours possible, oui, mais certainement pas impossible
    le principe d’un péage sur les autoroutes venait au départ de cela : aux utilisateurs de contribuer à leur entretien. A ceux qui traversent de part en part notre pays avec leurs camions de contribuer à la lutte contre la pollution et à l’entretien des routes. Je dis bien : contribuer. Il ne s’agit pas d’une écologie punitive, comme le redoute @segoleneRoyal mais d’une écologie participative et responsabilisante.
    Particulièrement vrai dans le domaine de la santé : il ne s’agit pas de faire payer leurs soins aux fumeurs cancéreux comme je l’entends trop souvent mais d’augmenter les recettes du tabac (cigarettiers et fumeurs) à l’énormité des coûts sanitaires dont il est responsable.
    Au passage : seule cette augmentation de prix ferait diminuer la consommation. Gagnant, gagnant…

  6. 18/02/2015 at 16:57 Laurent

    Je ne suis du tout contre l’idée de faire payer plus cher le paquet de tabac afin de couvrir au mieux les dépenses de santé afférentes aux pathologies du fumeur.
    Mais je trouve dommage que soit passé sous silence le fait que le sevrage tabagique par des patchs à la nicotine ne soit remboursé qu’à hauteur de 50 euros SEULEUMENT par AN!!!
    Le sevrage peut durer 6 mois, c’est en gros sa durée. Il faut donc que la sécurité sociale rendent aussi des comptes et surtout le corps soignant qui souhaite éviter le pire à ses patients: en accordant la chance de réussir « sans » frais le sevrage tabagique versus payer plus cher son paquet de clopes ET faire faire des économies supplémentaires à la sécu puisque de telles pathologies coûteuses seraient moins fréquentes! ça me paraît la moindre des choses que parallèlement à une augmentation des clopes le sevrage de 6 mois (une centaine d’euros en grande pharmacie, plus dans une petite) soit intégralement rembousé…

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