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Le défilé du 1er mai a convergé pour notre groupe de militants au miroir d’eau, le mal nommé. Manière, dirait le Maire de Bordeaux, de rendre hommage à son oeuvre. Manière en réalité de célébrer l’esprit malin qui a complètement détourné ce « miroir » de son objet. La lisse surface où la ville était censée se contempler, comme l’histoire du haut des pyramides, est devenue une piscine mono-moléculaire pour les pieds des enfants, les roues des skates et les pattes des chiens. On patauge, on déjeune, on bronze, on s’éclabousse sans façons, ni manières, dans un désordre social qui n’était sans doute pas inscrit dans la conception de Monsieur Corajoud.

J’ai employé intentionnellement, avec un peu de malignité, le mot « désordre » social. Une voisine de ma permanence m’a abordée il y a quelques jours: « Ces quais, décidément, ce n’est pas si mal, si ce n’était cette place de la bourse, défigurée… Avez-vous vu ce qui s’y passe ? Des vélos, des loubards, des gens déshabillés, vautrés ! On mange, on boit ! »

C’est vrai qu’on boit un peu trop la nuit, mais ce n’est pas à l’instant le sujet. En bonne politique, j’essaye de trouver entre elle et moi, le meilleur dénominateur commun. Pour les apprentis en politique -que je suis encore, mais pas sur tout.. – je me permets un conseil éprouvé : il y a deux sujets qui passent partout et qui n’obligent à trahir aucun engagement de fond : la santé et les enfants.

Donc, j’embraye sur le second : « Mais c’est un bonheur pour les enfants ! Vous savez comme moi, combien ils aiment les jeux d’eau ! Quel spectacle ravissant de les voir jouer et taper de leurs petites mains quand ils soulèvent autour d’eux une broderie de gouttelettes ! »

Comme d’habitude, ça marche. Quelle maman, même au coeur du XVIème (arrondissement, pas siècle), qui a vu son bambin taper dans l’eau de son bain, pourrait réfuter qu’il aime l’eau ?

J’apaise donc mon interlocutrice, qui entre-temps avait dénoncé les hordes descendant de la rive droite. Elle convient que les enfants sont heureux. Pour les adultes, il n’y a pas d’espoir de la convaincre, mais ce n’était pas l’objet de l’entretien.

Je reviens à notre pique-nique. Le temps n’était pas clément, le joyeux groupe de militants socialistes (« socialiiistes ! » aurait dit ma voisine) était moins nombreux que s’il avait fait le temps de rêve de ce matin de dimanche. Mais le style y était ! Ma voisine aurait été contente.

Un de nos amis fêtait de cette manière débonnaire son cinquantième anniversaire. Un autre, de Caudéran, y venait dans cet esprit joyeux et frondeur que j’aime tant. Nous avons donc pique-niqué (en évoquant à plusieurs reprises soeur sourire et Dominique-nique-nique), sablé le champagne en l’honneur du cinquantenaire de notre ami. Quelques-uns (que je condamne, pour la forme) ont fumé un cigare. Une boite de caviar aquitain a été ouverte pour l’ensemble de la troupe.

Et nous avons décidé que l’an prochain, si le temps était plus clément, nous amènerions des chandeliers, comme les aristos pique-niquant avec valets et malles d’osier sur le terrain de course d’Ascott.

Chiche que ma voisine nous rejoindra…

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