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En Afrique, le SIDA est une maladie majoritairement féminine (61,5% des cas) et sa contamination est très majoritairement hétérosexuelle, bien qu’il n’existe sur ce point aucune vraie statistique (nous en reparlerons).

C’est pour cela aussi que c’est une maladie éminemment politique.

Politique parce que les femmes restent en grande partie en dehors des campagnes de prévention, de l’accès aux soins et aux médicaments et surtout que les femmes atteintes sont touchées d’opprobre et bien souvent mises au ban de la famille et de la société. Elles sont plus pauvres, plus vulnérables, plus dépourvues de ressources légales et c’est pour les Africains un premier challenge d’aborder le problème sans tabous et avec pleine conscience de la gravité des enjeux.

Un handicap supplémentaire est la précocité de la fécondité chez les adolescentes. Un quart d’entre elles, entre l’âge de 15 et 19 ans, ont déjà commencé leur vie féconde et 17% ont déjà un enfant (statistique du Burkina mais approximativement partagée par les pays d’Afrique de l’ouest). Cette précocité de la fécondité chez les adolescentes s’explique par la sous-scolarisation des filles et la tradition nataliste des pays. Dans cette même tranche des 15-19 ans, 64% des filles (et 53% des garçons) n’ont jamais été à l’école.

Parmi ces très jeunes filles, 70% n’ont pas utilisé de préservatifs, avec le double risque que l’on conçoit. Quand la grossesse survient et qu’elle s’ajoute à un contexte de malnutrition aigüe, de carence énergétique chronique, d’insuffisance d’accès aux visites prénatales, elle constitue une importante cause de mortalité maternelle.

La scolarisation retarde l’entrée en vie féconde des adolescents et la lutte contre le SIDA passe par la mise en place d’une scolarisation pour tous et d’une éducation affective et sexuelle des filles et des garçons dans les programmes.

L’aspect le plus marquant de cette spécificité de genre du SIDA africain, est la stigmatisation et le risque de mise à l’écart des femmes atteintes. Sans ressources personnelles, sans éducation, ni emploi, elles sont souvent condamnées à une vie misérable. Ce risque diminue leur accès au dépistage et c’est un des arguments plaidant en faveur du dépistage obligatoire. S’il touche tout le monde, il aura plus de chance de concerner les femmes et la stigmatisation risque aussi d’être moindre.

Jusqu’à une période très récente, les femmes refusaient de parler de leur maladie et cela constituait un frein supplémentaire à la diffusion des messages de prévention et d’accès aux traitements. Cette barrière est en train d’être franchie, et j’ai été reçue dans une association où les femmes prennent la responsabilité de témoigner, d’accueillir d’autres femmes, d’aller dans les familles.

C’est peut-être la plus grande leçon du SIDA africain : le rôle-clef des femmes, la prise de conscience que rien n’est possible si leur statut n’évolue pas. D’année en année, nous voyons des lois se mettre en place dans un pays puis dans l’autre, des politiques spécifiques, des associations, des réseaux… Les femmes parlementaires ou élues de tout niveau font bouger les lignes, certainement plus rapidement que si l’infection n’avait pas été là pour brusquer les mentalités.

Dans un bel élan d’optimisme, il n’est pas ridicule de dire que le SIDA joue un rôle d’accélérateur dans l’évolution de la situation de la femme. Acceptons-en, pour le moins, l’augure.

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