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« La mort, cette aventure horrible et sale ». Cette toute petite phrase des Carnets de Camus, je l’ai rencontrée incidemment dans le jardin d’un hôtel en Irlande. Sans doute y étais-je préparée, il y a depuis peu de jours où je n’y pense et où je la répète intérieurement.

La mort, que j’ai choisie de mettre toute nue en titre de ce billet, la mort est de moins en moins parlée, prononcée et peut-être pensée. Absente des faire-part de deuil, des lettres de condoléances, des pages entières de journaux où de longues colonnes de petits encadrés qui ressemblent à des tombes de dimension proportionnelle à l’importance du défunt, relatent « décès » et « disparitions », nulle mort, rien de cette brutalité de l’aventure horrible et sale qu’anticipait Camus.

Plus qu’une autre sans doute (encore que, même de cela, quelle certitude ?), par mon métier, ma spécialité, aujourd’hui mon Ministère, j’ai été familière du mot et de la chose. Aussitôt écrite cette phrase d’ailleurs, j’ai envie de corriger « moins qu’une autre sans doute, j’en ai été éloignée ».

Chaque Toussaint, comme tant d’entre nous, j’ai avec elle un rendez-vous particulier. Hier sur une route drue de pluie en direction de la Vendée, à Bordeaux, j’avais en tête une autre phrase  d’Hugo à sa fille Adèle: « Vois-tu, je sais que tu m’attends… »

La crémation le dispute aujourd’hui à l’inhumation. Un très beau papier du « Monde » s’interroge sur le(s) sens de ce brutal virage d’une tradition multi-séculaire à une pratique qui demeure peu coutumière des villages mais majoritaire dans les villes. Volonté  de manifester plus brutalement l’irrémédiable de la mort, désir secret de la soustraire plus vite au regard, au souvenir, de n’être plus engagé à un rendez-vous, un lieu pour ce rendez-vous, une tradition, presque un rite ?

Il pleut dans mon jardin. Pluie d’automne, pas encore froide, déjà triste. Dans la nature, tout est rite. Les roses trémières ne sont pas disparues qu’on en sème les graines généreuses. Le bois des arbres morts donne à la maison une chaleur crépitante et vive qui prépare longtemps à l’avance la fête très païenne de Noël.

J’avais envie de partager cet instant.

 

 

 

 

 

Comments 15 commentaires

  1. 02/11/2013 at 18:30 Michèle Delaunay

    l’instant d’après, j’apprends que deux journalistes français viennent d’être exécutés à Kidal, au Mali.

  2. 02/11/2013 at 20:28 Lecteur

    « La mort, quel déshonneur! » (Emil Michel Cioran).
    Toujours, hélas, d’actualité.

    Très beau billet Mme Delaunay.

  3. 03/11/2013 at 08:50 KMarcel

    Et Antigone, patiente, qui attend son heure. Las, elle observe ceux qui lui prendront cet ultime privilège de la vie. Elle sait ce qui l’attend. Elle sait qu’elle n’aura qu’une vie dédiée à la Mort.
    Quelle vie aurait-été la sienne si les pierres ne s’étaient pas fermées sur son souffle d’existence?

    Pensée émue pour nos deux journalistes, pour toutes ces âmes destinées bien trop vite à la mort.

  4. 03/11/2013 at 15:00 Lisa

    La politique, ce n’est pas de la littérature , c’est avant tout des actes ! Des milliers de familles restent sans solution car elles ne savent que faire de leur parent dépendant ou de leur enfant handicapé, faute de structures adaptées pour les accueillir, alors qu’ils ont perdu toute autonomie ! Nous n’avons pas voté pour F.Hollande pour que les ministres se fassent plaisir en dissertant, aussi touchants que soient leurs écrits, qui devraient d’ailleurs les occuper à temps perdu, mais pour qu’ils agissent ! Seulement voilà, les handicapés et les personnes âgées dépendantes ne votent pas ou peu… Alors, bougez-vous, Madame ! Ne vous contentez pas de mots !

  5. 03/11/2013 at 23:12 citoyen

    @ Lisa: je trouve que vous imputez là à Michèle Delaunay d’avoir remplacé l’action par des écrits pour se « faire plaisir ». Informez-vous un peu, un tout petit peu sur ses activités et vous serez vite d’un autre avis. Et je pense aussi qu’un ministre a la droit de rédiger quelques lignes sur un blog , de temps à autre, sans qu’on puisse quasiment lui reprocher de ne rien faire d’autre.

  6. 03/11/2013 at 23:26 Protagoras d'Abdère

    Je tente chaque jour de l’apprivoiser, surtout depuis le décès de ma mère inhumée dans un village de Vendée à quelques pas de Sainte Christine. Et cet apprivoisement s’effectue en pratiquant la musique sacrée, lien essentiel pour se grandir, se sortir de sa petite condition humaine et pour être heureux, quelque soit les circonstances. La politique dans tout cela n’est rien, qu’un simple espace vide

  7. 04/11/2013 at 12:23 Louis

    On a réussi à « enterrer » (ça tombe bien …) l’horrible fête païenne d’Hallowen. Alors SVP n’essayez pas d’annexer le très chrétienne fête de Noël en remplacement. Et pour être complet, je dirais que dans la conjoncture présente, une ministre de la République (plus pour longtemps ?) devrait se soucier d’autres choses que de ces balivernes.

  8. 04/11/2013 at 16:11 Lisa

    Cher ami citoyen,
    Je vois les situations autour de moi…Ces familles, qui attendent des mois , parfois plus d’une année une place pour mettre un père , une mère, un grand-père ou une grand-mère en sécurité dans un établissement médicalisé où leur proche puisse être accueilli, dans des conditions dignes et en phase avec leur état de santé physique et psychologique…Cette situation je l’ai vécue avec mon père qui souffrait d’Alzheimer…Et quand on a trouvé une place, souvent les soucis ne sont pas finis ! Les toilettes et les soins expédiés faute de personnel assez nombreux, les petits vieux qu’on laisse 30mn sur les toilettes, parce que pendant ce temps, on doit courir faire autre chose…Les repas qui arrivent froids sur les tables…Des soignants qui malgré eux deviennent parfois maltraitants , faute de temps et de formation… Et la dépendance ne concerne pas seulement les petits vieux ! Il y a aussi les jeunes handicapés frontaliers qu’on emmène chaque jour en Espagne ou en Belgique , faute de structure en France…alors oui, je préfère les actes aux paroles ! Et pour l’instant s’il y a des actes, on n’en voit guère les retombées…Tant que ce gouvernement sera dans l’auto-satisfaction, on n’avancera pas ! Il y a urgence à agir, plus qu’à écrire….

  9. 06/11/2013 at 11:14 citoyen

    @ Lisa
    Je ne comprends pas pourquoi vous estimez que Mme Delaunay ne sait pas tout ce drame que vous décrivez. Elle était médecin hospitalier pendant 40 ans et a connu d’innombrables drames familiaux autour de la fin de vie. A la fois dans son métier et aussi en tant qu’élue elle a notamment connu les problèmes des proches de malades Alzheimer. Aujourd’hui elle travaille avec toute son énergie pour améliorer les choses et contrairement à ce que vous insinuez ne se satisfait pas de paroles, mais elle agit. Suivez un tout petit peu ce qu’elle fait et corrigez votre erreur.

  10. 06/11/2013 at 13:44 alphonse

    La mort!
    Après la justice immanente…Tout se tient.

    Le leader des catholiques belges parle de justice immanente pour le sida: conséquence logique de l’homosexualité!

    Il y a une violence à peine diluée dans l’humour noir de l’article précédent promettant l’abréviation de la durée de vie pour tous les critiqueurs et vieux ronchons non alignés: ça ne va pas arranger le niveau des prélèvements!

    Citoyen, vous ne comprenez dons pas que Lisa puisse ne pas comprendre le lien (si évident!) entre l’action gouvernementale et son quotidien..?…
    Mais le Sénat lui-même n’ a apparemment rien compris non plus à la réforme des retraites…
    Et les braves Bretons..! Avec, pourtant, une sur-représentation de ministres de l’Ouest (de notre hôte à Fabius, en passant, par la Défense, les Retraites, Garot….et j’en passe, vous saurez mieux que moi faire le compte…!Sans oublier le Premier…!)
    N’y aurait-il pas, là aussi, une espèce de justice immanente…?

    Un peu moins de suffisance…d’idéalisation… »d’après-moi-le-déluge »….
    Un peu plus d’amour….du citoyen. Seul but, et seul critère…

  11. 06/11/2013 at 18:21 Alain

    Les mots « feu » et « défunt » qu’on accolait jadis et naguère encore au nom des morts se sont en effet pudiquement éteints au profit du « disparu ». De la même façon, une dame qui me parlait récemment de sa soeur morte disait : « Depuis qu’elle est partie » : curieuse façon d’exprimer la chose, à la réflexion, quand on sait qu’on est souvent plus habité par les morts qu’on ne l’a jamais été de leur vivant ; au point de devenir parfois leur vraie concession à perpétuité -perpétuité relative, certes, puisque limitée au temps qui nous reste à vivre, mais néanmoins plus sûre que les regrets éternels de tombes abandonnées à la mousse du temps.

    La taille des « dernières demeures », que vous évoquez fort justement, est directement liée au mot qu’on utilise pour y conduire les morts : les funérailles d’un ministre, les obsèques d’un médecin et l’enterrement d’un ouvrier.

    En écrivant cela – esprit mal placé -, je pense aux sans-abri qu’on conduit à leur dernière demeure, à défaut de ne leur avoir jamais assuré la première. Le plaisir des mots ne connait décidément pas de morte saison.

  12. 06/11/2013 at 19:03 citoyen

    au lieu de « mourir » ou « décéder » on peut aussi « s’éteindre », « trépasser », être « rappelé à Dieu » ou « passer à l’Orient éternel ». Ou « casser sa pipe »…

  13. 07/11/2013 at 11:45 alphonse

    …casser SA pipe, Citoyen…
    ou, aussi bien….lâcher la rampe…oublier de respirer….
    ici, c’est une question qu’on peut se poser même quand on est encore apparemment très fort:
    elpais…………com/elpais/2013/10/25/opinion/1382694364_989588.html
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    ¿Ha muerto el partido?
    Las viejas organizaciones centralizadas necesitan transformarse en estructuras vivas y flexibles, capaces de imprimir dinamismo a una política que puede morir de ineficacia porque ya no responde a los electores.
    EDUARDO ESTRADA
    En 1908, en la madrileña calle del Piamonte, el PSOE y la UGT abrieron la primera Casa del Pueblo, con más de 35.000 afiliados. Pocos saben que esta impresionante afiliación se debió a que el incipiente socialismo español tuvo la capacidad de incorporar a un nuevo tipo de formación política a 103 sociedades y organizaciones obreras, casi todas clandestinas. » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » »

    La vérité, c’est que les hommes comme les institutions ne disposent que d’un aller simple, pour exister.
    Si l’on y pense bien, ça change tout.

  14. 08/11/2013 at 12:58 alphonse

    TB à Laurent Joffrin du Nobs (pour une fois!) avec son édito sur ce que le Président Hollande n’a pas osé dire à propos des commémorations de ces morts industrielles de 14-18……
    ….et de leur cause principale.

  15. 11/11/2013 at 16:12 fan club

    il y a ‘ la vie d’Adèle ‘ certes et Léopoldine la fille de Victor Hugo

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