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Je débattais hier soir à Paris avec le sénateur Marini (UMP), chargé par le gouvernement de présider une commission d’étude en vue du financement du « 5ème risque ».,,

Qu’est-ce que ce 5ème risque ? Celui de la perte d’autonomie, que partagent les âgés et les handicapés (les 4 premiers sont les 4 branches de la sécurité sociale).

Pour les plus distraits, les quatre autres sont : maladie-maternité, accidents du travail, vieillesse, famille. Comme on voit, plusieurs d’entre-eux ne sont pas des « risques ».

Le cinquième non plus à vrai dire : vieillir est une chance, même si le grand âge s’accompagne obligatoirement d’une perte généralement progressive et bien souvent partielle de son autonomie (on ne peut plus tout faire seul).

Revenons à la pierre angulaire du problème : le financement.

Quels sont les financeurs possibles :
– la solidarité nationale
– la solidarité décentralisée
– l’assurance privée
– le recours sur patrimoine

L’Allocation Personnalisée pour l’Autonomie (A.P.A) , mise en place par le gouvernement de Lionel Jospin, est à la charge des deux premiers. Initialement il était prévue que solidarité nationale, par le biais de la CNSA, et conseil généraux (solidarité décentralisée) se partagent cette charge pour moitié. Le plus souvent maintenant ce sont les conseils généraux qui en supportent les 3/4. On comprend que cette évolution incite à une certaine méfiance…

Notre plus vigoureux point de divergence avec le Sénateur Marini a été hier le recours sur patrimoine, quelle qu’en soit la forme. Ce même sénateur a déjà, lors du projet de loi de finances de la sécurité sociale (PLFSS pour les intimes), tenté de faire passer un amendement en ce sens qui a été retoqué par l’Assemblée comme par le Sénat. Il n’a cependant pas désarmé mais propose aujourd’hui une modification d’attitude qui est d’ailleurs surtout un artifice de vocabulaire.

C’est sous le nom abscons d’ « hypothèque inversée » que la commission UMP propose aujourd’hui de recourir au patrimoine : il sera proposé à la personne âgée une hypothèque sur sa maison en échange du bénéfice d’une allocation lui permettant de subvenir à sa dépendance ; à la mort de la personne, l’Etat récupérera la somme, avec un plafond (calculé sur l’espérance de vie) de 250 000 à 300 000 euros.

En bon Français, cela s’appelle un viager. L’Etat proposera en clair à l’âgé de mettre sa maison en viager. Cela existe depuis fort longtemps et a quelque chose de révoltant en soi. Celui qui a pris le viager a toutes raisons d’espérer que la personne meure le plus tôt possible…

Pourquoi suis-je si formellement contre ?

D’abord sur les modalités :
-Qui se chargera de cette aimable proposition, qui sera quand même fortement contraignante et traumatisante (« si vous n’acceptez pas, vous ne bénéficierez que d’une allocation minimum, c’est à dire que vous n’aurez accès à aucun établissement convenable ») ?
-La personne interrogée sera-t-elle en possession totale des ses facultés pour répondre ? La période de perte d’autonomie consiste ou s’accompagne souvent d’une déficience des facultés intellectuelles. On imagine la terreur qu’engendrera la proposition sur quelqu’un qui a appris peu avant qu’il était atteint d’un Alzheimer.

Ensuite, du fait de la nature même du recours
– une personne qui vieillit et pense à sa succession n’a bien souvent pas envie d’entamer son patrimoine, même à son profit. Dans la « prestation de dépendance » qui a précédé l’APA, il y avait un recours sur succession : 135 000 personnes seulement l’ont demandé, alors que c’est aujourd’hui un million de vieilles personnes qui bénéficient de l’APA. Les grands mères préféraient bien souvent être privés de secours que priver leurs enfants et petits enfants du fruit de ce qu’elles avaient gagné dans leur vie.
– Imagine-t-on aussi l’impact de ce recours sur les liens intergénérationnels ? J’ai conseillé au Sénateur Marini et aux membres de sa commission de (re)lire les romans de Mauriac. Croit-on que cela va faciliter ou agrémenter les visites des enfants à la vieille personne si la question est posée de devoir vendre la maison au lendemain de la mort de la vieille dame pour pouvoir rembourser l’Etat ?

Enfin, j’ai fait remarquer au Sénateur Marini que sa majorité avait en juillet dernier abaissé les droits de succession en faveur des plus favorisés (c’est à dire élevé de beaucoup le seuil au dessous duquel on ne paye pas de droits de succession). N’aurait-il pas été plus favorable de les laisser tels qu’ils étaient et d’attribuer ce qu’ils rapportaient au financement du 5ème risque ?

La mesure envisagée aujourd’hui ne touchera en réalité que les plus petits patrimoines. Les personnes aisées n’auront pas -ou moins- besoin de l’allocation de l’Etat. Et, comme d’habitude, c’est la vieille dame qui a travaillé avec son mari toute sa vie pour acheter une petite maison, qui se verra proposer de la mettre en « viager d’Etat ». Et ses enfants devront vendre la petite maison, car ils ne pourront rembourser le viager.

Révoltant. Je l’ai dit poliment au Sénateur Marini sans réussir à le convaincre.

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