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D’une longue journée qui finit à l’instant avec le forum participatif du Grand Parc « logement, développement solidaire », autour de Beatrice Desaigues, que retenir ? Tout est matière à développement, tout pourrait être l’objet de cette conversation du soir ou de la nuit qu’est pour moi le plus souvent le blog.

C’est ma longue visite à la maison de retraite terre-nègre que je vais essayer de déposer sur ces pages immatérielles dont je ne sais pas vraiment où elles logent entre mon écran et le vôtre. Essayer, car il y tellement d’éclairages possibles de ces deux heures, que déjà en choisir un est réduire la multiplicité de ce que j’éprouve toujours dans ces lieux, et peut-être d’autant plus que je m’y rends dans ma fonction publique.

La visite elle-même à Terre-nègre a quelque chose d’assez formel. Elle a lieu chaque année à l’occasion du « repas du Conseil Général » , un repas amélioré et de qualité offert par le Conseil Général. A cette occasion, le Conseiller Général du canton (Michel Duchène, qu’aujourd’hui nous avons attendu en vain) et moi « visitons » les résidents, le personnel et bien sûr les lieux que nous faisons de grands efforts pour réhabiliter.

C’est un exercice d’une grande délicatesse. Délicatesse intérieure d’abord, car dans la pratique, il est extrèmement simple : les personnes âgées sont toujours accueillantes, ont toujours quelque chose à dire, acceptent avec courtoisie même quand on leur dit des fadaises. Mais, justement… La difficulté vient du fait que j’aimerais passer le repas à une seule table, voire à côté d’une seule personne, parler vraiment, écouter vraiment ou du moins écouter longtemps. Il y a quatre cent résidents, plusieurs pavillons, on se doute que les échanges sont trop courts, même si bien évidemment je ne cherche pas à aller à toutes les tables pour souhaiter bon appétit ou demander si les huitres sont bonnes !

Des bribes de conversation s’amorcent : avec cette dame qui a travaillé trente-deux ans à Terre-nègre et qui finallement vient d’entrer pour y finir sa vie, avec cette autre que j’ai soignée il y 20 ans et qui est toute émerveillée que je la reconnaisse, avec ce collègue médecin qui se souvient de mon nom mais qui ne sait plus très bien pourquoi, avec, avec, avec…

Avec ce monsieur d’apparence très grognon, que je parviens à « entr’ouvrir ». Il a eu une attaque, les pompiers l’ont amené là (sans doute a-t-il oublié les étapes intermédiaires), il me dit qu’il n’est pas fait pour être commandé, qu’il a toujours vécu à sa guise et qu’il espère qu’il va mourir bientôt. Avec cette dame très élégante qui me dit qu’elle est venue-là « pour arranger ses enfants ». Elle n’en dit pas plus, mais on devine beaucoup.

Terre-nègre est une très grande maison, O combien nécessaire à Bordeaux, où les structures d’accueil manquent lourdement. Des niveaux très différents de condition physique et mentale s’y cotoyent. Moyenne d’âge 83 ans, proche de la moyenne générale des résidents de maison de retraite. Deux hectares au coeur de Bordeaux (à quelques mètres de FR3) et pourtant l’impression d’un univers déjà clos, dont on ne sortira plus.

Un résident, d’une sénilité étrangement lucide a répété trois fois en me regardant : « on y viendra tous, on y viendra tous.. » . Il était seul à sa table : sans doute, ses sombres présages n’invitent pas à la convivialité.

L’âge, je veux dire la politique de l’âge, est ma préoccupation majeure. Nous n’avons toujours pas pris la dimension de l’ampleur des problèmes posés par l’augmentation continue de l’espérance de vie. Toutes les familles, toutes sans exception affrontent pourtant un aspect ou un autre de ces problèmes.

Je vais ne dire qu’un tout petit point que je voudrais apporter à Terre-nègre : un cyber café ! Il n’y a pas un ordinateur à disposition des résidents. Ils sont âgés, mais je suis sûre que beaucoup sont bien capables d’apprendre le minimum de gestes pour se connecter, avoir une adresse mail où ils pourront recevoir des messages et les photos de leurs petits enfants. Bien sûr il faut quelqu’un pour venir leur enseigner, leur montrer, les guider si nécessaire. Mais ce n’est pas plus bête qu’une animation autour des chansons de Pascal Sevran. Et avec le temps, de plus en plus de nouveaux résidents sauront se servir d’un ordinateur.

Nous devons inventer et investir très fort pour que l’espérance de vie reste une espérance de vie.

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