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Comment éradiquer le tabac, ce serial killer, d’ici 2025?

Par Michèle Delaunay, députée de la Gironde, ancienne Ministre.

 

Michel Delaunay (c) Michel Delaunay
La lutte contre le tabac est-elle un enjeu trop sérieux pour la laisser aux politiques ? Le vote à l’Assemblée d’un amendement surprise allant à l’encontre de la santé publique autorise à poser la question.

La politique ne parviendra au but en tout cas qu’avec le concours de l’opinion publique et le support des médias, les forces contraires sont trop puissantes. Nous ne sortirons pas du tabac en un jour, ni même en une année mais en dix, ce doit être possible. La sortie du tabac est même inéluctable : plus un Etat qui pourra tolérer à long terme cette hécatombe (par an, 73.000 morts en France, 700.000 dans l’Union Européenne) pas un système de protection sociale qui pourra assumer le coût vertigineux des dégâts sanitaires et sociaux de ce serial killer : 47 milliards d’euros pour la France soit 3 points de PIB et trois fois le déficit de la sécurité sociale.

Alors quoi faire ? D’abord assumer et expliquer l’objectif. Le tabac a tué beaucoup plus que le nucléaire, proposer d’en sortir en 2025 est un objectif du même ordre d’importance que l’abolition de la peine de mort et auquel il ne manque qu’un porte-voix. Personne, nulle part, ne pourra le contester s’il est préparé. Car ce n’est pas UNE mesure, comme le gel des prix que nous avons voté au Parlement le 5 décembre qui y suffira.

Tout au contraire, elle démontre que le politique a cédé aux buralistes d’abord qui le réclamaient à grands cris, et aux cigarettiers par le biais de la « part spécifique » qui augmente leurs bénéfices déjà considérables au détriment des recettes de l’Etat. Cédé sans contrepartie, sans vision globale et pour tout dire, à la petite semaine.

Le tabac tue un fumeur sur deux, 3 fois plus que la roulette russe. On ne gagnera la bataille contre cette pandémie comportementale que par un faisceau de mesures que les citoyens sont prêts à accepter et à comprendre car il n’y a pas de fumeur heureux, pas de fumeur qui ne désire arrêter.

Trois grandes mesures à prendre

Ces mesures sont de 3 ordres. D’abord l’ harmonisation de la fiscalité du tabac entre les pays européens avec l’objectif assumé d’harmoniser les prix à la hausse, pour priver les cigarettiers de leur arme majeure : les ventes illicites et la contrebande qu’au demeurant ils alimentent. En deuxième lieu l’accompagnement des buralistes vers cette sortie du tabac par la diversification de leurs attributions, voire l’augmentation de leurs bénéfices pendant la période de transition. Leur rôle social est important. Nous ne sommes pas obligés pour autant de pérenniser leur rôle de distributeurs de cancers (44.000 par an dus au tabac et donc évitables en France). Il faut enfin garantir la possibilité d’actions de groupe des victimes du tabac et de leurs familles à l’encontre des cigarettiers voire même.. de tous ceux qui, alors qu’ils savaient, n’ont pas tout mis en oeuvre pour arrêter cette machine de destruction massive.

L’amiante nous démontre encore ce que peut être le résultat de cet aveuglement. Tout cela sur fond de prise en charge de tous les dispositifs de soin et d’accompagnement du sevrage tabagique; et bien sûr de mesures de prévention, d’éducation en direction particulière des jeunes qui entrent aujourd’hui massivement en addiction.

La meilleure chance sera cependant la personnalité qui osera imposer par la force de sa conviction la sortie du tabac avant 2025. Un milliard de morts du tabac prévu par l’Organisation Mondiale de la Santé pour le XXIème siècle. Qui dit mieux ?

Par Michèle Delaunay, députée de la Gironde et ancienne Ministre.

Comments 13 commentaires

  1. 13/12/2014 at 09:56 Alain

    Peut-être faudra-t-il un jour associer activement les buralistes à l’éradication du tabac. Une solution pourrait être de les rémunérer non pas à la vente mais aux invendus. En d’autres termes, les mieux payés seraient ceux dont le chiffre d’affaires du tabac serait le plus bas. Ainsi trouveraient-ils un intérêt personnel à ce que leurs clients arrêtent de fumer. L’Europe pourrait à cet égard imaginer pour les buralistes un système du même type que la PAC pour les agriculteurs.

  2. 16/12/2014 at 12:29 alphonse

    Bien vu, Alain…

    Lire aussi ce jour sur l’OBS/web l’article
    « Ça va devenir trop facile de repérer les amendements dictés par les lobbies »
    C’est dingue!

    extraits:

    « Le Journal du dimanche souligne avec amusement que « pas moins de vingt amendements identiques ont été déposés en commission des Finances de l’Assemblée nationale » dans le cadre du projet de loi de finances rectificatif (PLFR). Déposées par des parlementaires de droite comme de gauche (sauf les écolos), ces dispositions ont pour objectif de limiter la fiscalité sur le tabac. »

    « Aux Finances, ça n’arrête pas.
    Les collaborateurs des députés reçoivent régulièrement des propositions d’amendements ou de questions écrites rédigées par des lobbyistes (ou « représentants d’intérêts » dans le chaste vocabulaire de l’Assemblée nationale). L’assistant d’une députée socialiste dit ainsi recevoir une « dizaine d’ e-mails chaque jour ». »

    Au début de l’actuelle législature, à l’intervention es Verts, il avait même fallu réglementer l’entrée même des lobbyistes dans les « couloirs » des Assemblées….

  3. 18/12/2014 at 12:52 smokeway

    Et comment un buraliste pourrait-il dissuader ses clients d’acheter des cigarettes ? Quel droit l’autoriserait à se permettre autant de pouvoir sur ses clients ? Et j’imagine que ce comportement ne serait pas du goût des fumeurs… En se comportant ainsi, le commerçant ne risque t-il pas de perdre des clients fumeurs qui auraient pu venir acheter d’autres produits que des cigarettes ? Je pense que cette mesure serait tout simplement inapplicable…

  4. 18/12/2014 at 19:03 le-gout-des-autres

    Peut-être faudrait-il aussi que les gouvernements successifs qui ont fait semblant de s’attaquer au tabagisme abandonnent enfin l’hypocrisie.
    Vouloir mettre le tabac hors la loi à coups d’augmentations suffisamment faibles pour augmenter les taxes perçues sans décourager les fumeurs est efficace pour les ressources de l’Etat mais nettement « faux-cul ».
    Soit le tabac est un produit toxique et l’Etat, censé protéger les biens et les personnes est coupable, soit ce n’est pas le cas et l’Etat avoue nettement que l’intérêt du tabac réside dans sa rentabilité pour les caisses de l’Etat et cesse de stigmatiser le fumeur.
    Ceux à qui il incombe de prendre décision devraient cesser de rêver.
    La cigarette sans tabac, sans fumée, sans cancer, sans emphysème ni hypertension mais avec juste les taxes, eh faut s’y faire : Ça n’existe pas !
    Cette affaire m’en rappelle une autre : dans les années 90, il était apparu publiquement (enfin…) que le diesel était fauteur de problèmes respiratoires sévères.
    Que croyez vous qu’il arriva ?
    Un député remarqua immédiatement « il faut augmenter les taxes sur le diesel ! »
    Un autre, un peu plus au fait des chiffres avança « Ça devrait faire plus de 25 milliards dans les caisses de l’Etat ! »
    Les effets sur la santé ont alors été évacués…
    Ce que je constate, c’est que le combat contre le tabac semble nier le fait que c’est d’abord et avant tout un outil de lutte contre le stress (les gens en situation précaire sont les premiers concernés, tant par l’alcool que par le tabac, deux anxiolytiques connus et disponibles sans visite à 23 € ni ordonnance).

  5. 19/12/2014 at 16:47 alphonse

    ….libéraliser le cannabis….???!!

    Pour lever une autre hypocrisie…une autre taxe…et…le pied….

  6. 20/12/2014 at 11:19 le-gout-des-autres

    Voici l’illustration de ce dont je parlais dans mon commentaire précédent :

    « Légaliser le cannabis pourrait rapporter 1,8 milliard d’euros par an à l’Etat »

    https://fr.finance.yahoo.com/actualites/l%C3%A9galiser-cannabis-pourrait-rapporter-1-8-milliard-d-133520009.html

    Même si la répression ne marche pas plus que la Prohibition aux USA dans les années 20 et 30, on voit bien à l’approche employée que l’intérêt général comme la santé du citoyen ne sont que très secondaires…

  7. 20/12/2014 at 22:06 Louis

    Evidemment ! Si on éradique le tabac, il faudra bien que le cannabis prenne le relais pour les recettes fiscales. Ca s’appelle tomber de Charybde en Scylla.
    Une observation : un vrai pauvre, stressé ou pas, ne peut se payer ni tabac ni alcool qui (à la différence d’une consultation chez le généraliste) ne sont pas remboursés par la sécu.

  8. 20/12/2014 at 22:13 Louis

    Une précision à propos du « diesel-qui-tue ». Si non parle du diesel fabriqué il y a 20 ans c’est vrai. Par contre, le diesel fabriqué aujourd’hui est moins polluant qu’un moteur à essence. Et en plus la France est leader dans le diesel pour voitures de tourisme. Pourquoi s’acharner à couper la branche sur laquelle nous sommes assis ?

  9. 23/12/2014 at 09:00 le-gout-des-autres

    un vrai pauvre, stressé ou pas, ne peut se payer ni tabac ni alcool qui (à la différence d’une consultation chez le généraliste) ne sont pas remboursés par la sécu.

    Faut réviser votre vision des choses, Louis.
    Elle résiste mal à l’épreuve des faits.
    Le pauvre n’a pas les moyens d’aller chez le médecin et encore moins d’attendre que la Sécu le rembourse.
    Essayez donc d’aller chez un médecin si vous êtes clochard et relevez de la CMU.
    Il ne reste à ces gens que les urgences de l’APHP.
    En revanche, les seules choses qui les déstressent un moment sont la clope et la « binouze » ou « le coup de jaja ».
    Pourquoi ? Parce qu’ils « tapent » le passant s’il est SDF et « tape » leurs voisin ou leur famille s’ils ne sont « que chômeurs »…
    Il faut sortir de sa voiture et prendre les transports en commun, éteindre la TV, ça montre la vie sous un autre angle.

  10. 24/12/2014 at 15:56 Louis

    Ma vision des choses en vaut bien d’autres. Pour ma part je la maintiens. Un VRAI pauvre ne fume pas et ne boit pas. Je n’ai jamais donné un centime à un SDF pour la raison que vous expliquez. Par contre je leur propose quelquefois de leur payer un sandwich, ce qu’ils acceptent … quelquefois. CQFD.
    Je prends le tram tous les jours, je me sers très peu de ma voiture, et les programmes TV me gonflent.

  11. 03/01/2015 at 19:08 Didier

    Je suis partant pour une class action. Quelqu’un a une idée du bout par lequel il faut commencer ?

  12. 03/01/2015 at 19:28 BPCO

    Ok pour une action de groupe. Quelqu’un a une idée du bout par lequel commencer ?

  13. 07/04/2016 at 16:16 LBDV

    Beau combat que voila Mme Delaunay.
    Mais quand vous dites « diversification de leurs attributions », il aurait été bon de développer un peu: est il question de créer un nouveau monopole surtaxé ou de leur en transférer un déjà existant par exemple ?

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