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Châteaux de sable et autres matériaux

Dans ma prime enfance la mode était aux châteaux de sable. La mode, était-ce la mode  ou bien une certaine forme d’éducation où primait l’activité, le souhait d’apprendre toujours quelque chose aux enfants et de ne jamais laisser la vacuité ni l’ennui les détourner de la construction d’eux-mêmes ?

En tout cas, ce fut mon éducation. Elle était largement partagée : sur cette plage où je suis aujourd’hui, comme sur sa voisine « la plage du lac », moins soumise aux vagues et aux courants, les familles des années 50-60 en villégiature hossegoroise pratiquaient généreusement le château de sable et toutes ses variantes, aussi aléatoires et soumises aux houles et aux marées les unes que les autres. Le quotidien « le Figaro » s’en faisait l’écho en organisant chaque année des concours locaux qui lui valaient une grande renommée, renommée qui retombait sur la pratique du château de sable elle-même selon la théorie du « gagnant-gagnant », depuis lors largement popularisée par Ségolène Royal. Je ne peux d’ailleurs exclure, du peu que je sais d’elle, que Ségolène ait été elle aussi formée à cette forme d’éducation qui en mode plage s’articulait autour du château de sable, de l’apprentissage précoce de la natation et (pour moi) de la peinture des volets ou tout autre petit mobilier que l’on pouvait attribuer aux enfants pour les ripoliner chaque année.

Je reviens à mes châteaux. Depuis bien longtemps, ils ont pratiquement déserté ces rives particulières que sont les plages. Les derniers assidus que j’y ai trouvés sont des familles allemandes, aguerries sans doute aux plages du nord où la question est d’abord de se réchauffer, le père emmenant sa petite troupe armée de pelles et de seaux pour dresser de hautes murailles en face des vagues montantes.

Les plages landaises sont de ce point de vue remarquables. Riches en baînes, en courants insidieux et plats qui se développent en petites lames traîtresses attaquant fortifications et mâchicoulis, j’ai vu à ce combat engagés nombre de jeunes pères outre-rhénans et je médirais de penser que leur fierté comme l’admiration de leur progéniture quand l’ouvrage résistait, n’allait pas sans un certain atavisme.

Mes promenades de ces dernières années sont de tous ces points de vue décevantes . Les Allemands, constructeurs de châteaux ou pas, y sont moins nombreux. Les Espagnols, comme les autochtones, ne vont pas au delà de quelques pâtés. Les grandes fortifications de mon enfance, les œuvres d’art transgressives où m’ont engagée mes parents (corps de femmes allongées, continents reconstitués donnant à l’art pauvre du château de sable une dimension géopolitique que je retrouve aujourd’hui dans les colonnes du Monde) ont désormais déserté les rivages landais plus sûrement encore que les Tartares des frontières de nos secrètes ambitions.

Je me souviens –et des photographies en témoignent- que pour une œuvre de cette sorte, « le Figaro » m’avait distinguée, publiée, saluée. Hélas, je dois à la vérité de dire que plus jamais, moins encore dans les années récentes, il n’a en aucun cas, ni pour aucun autre motif, renouvelé cet hommage .

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