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Pierre Veilletet me manque aussi

Nous avons commencé à écrire en même temps. En même temps, mais éloignés ne nous retrouvant (avec aussi Jean-Claude Guillebaud) que pour le temps d’une rubrique dans Sud-Ouest « 17-24 ». Nous avions cet âge et racontions la jeunesse de ceux qui l’avaient eu avant nous, déjà ou pas encore célèbres, déjà ou pas encore entrés dans l’histoire.

Pierre Veilletet était de ceux qui ont reçu l’écriture comme une grâce. Il écrivait avec une sorte d’humour négligent, une fine cruauté, un regard aigu capable de voir en trois dimensions, le passé toujours présent, le présent toujours un peu blessé, l’avenir toujours incertain. « Beau comme la décadence » ou brillant et aigu comme un rire, son style était une marque de fabrique, d’exigence et, une fois encore, de grâce.

Il a continué à écrire, dans Sud Ouest, sur les rayons de nos bibliothèques, et moi si peu. Et ce « peu » m’intimidait lorsque je le rencontrais, rarement, mais suffisamment pour que le fil ne soit jamais rompu. Je me souviens d’une rencontre alors qu’il revenait de Madrid où il avait suivi la longue agonie de Franco. Il m’avait dit: « j’avais envie d’un communiqué : « Les journalistes sont morts. Signé : Franco ». »

Il écrivait, en introduisant son « Bordeaux » : « Nul homme n’est l’homme d’une seule ville ». Je cite de mémoire et peut être imparfaitement, mais ce pied de nez élégant était le moteur de son style. Il m’a marqué comme tous ceux qui déjà à cette époque reniflaient vers l’écriture.

Notre dernier rendez-vous est un rendez-vous manqué et je le vis comme tel. Une semaine trop chargée à Paris m’a empêchée de lire Sud Ouest un jour ou deux. Il en a profité pour mourir et je ne l’ai su qu’avec retard. Je vous en veux, Pierre, et vous me manquez sans doute un peu plus encore que nous nous soyons encore une fois manqués.

Vous vous rattrapez déjà.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel