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Un héros de notre temps

Le quinquennat de François Hollande est dès aujourd’hui marqué par l’entrée au Panthéon de quatre héros qui marquent notre Histoire. Quatre héros forgés par la résistance devant l’ennemi imprescriptible que fut le nazisme.

Pas un Français qui ne puisse s’en réjouir, deux hommes, deux femmes dont la force et le caractère sont en tous points remarquables et admirables.

A propos de cette panthéonisation, on m’interrogeait à l’instant dans la salle des 4 colonnes sur mon ressenti et mes attentes. Une chose m’apparaît et ne constitue en rien une réserve ou un regret à l’égard des personnalités choisies. Mais c’est sans aucun doute un souhait et le sentiment d’un besoin.

La période de la Résistance est pour la grande majorité des Français lointaine. Bien que faisant partie de l’Histoire contemporaine (nous connaissons des personnes qui l’ont vécue), elle est déjà entrée dans l’Histoire. Les circonstances la marquent et, du moins à l’identique, elles ne nous paraissent pas reproductibles à l’horizon de notre vie. Très clairement, les jeunes ne sont pas en capacité de s’y identifier.

Or, ce qui manque à notre début de siècle, c’est la conviction que l’héroïsme, l’exceptionnalité, ne sont pas des valeurs ou des ambitions d’un autre temps, non plus que d’un milieu privilégié. Un roman de Lermontov s’appelle « un héros de notre temps ». C’est celui-là qui manque pour éclairer le chemin de ceux qui sont encore à son début.

Dans cette perspective, j’avais proposé au Président et à Vincent Peillon, la panthéonisation de l’instituteur d’Albert Camus. Celui sans lequel, selon les mots du discours de prix Nobel, Camus n’aurait jamais été celui qu’il fut.

Car l’instituteur, l’enseignant aujourd’hui n’a pas un autre rôle, ne doit pas avoir une ambition plus modeste. Le petit pied-noir d’Alger, fils d’une veuve, femme de ménage, avait exactement les mêmes besoins que tant d’enfants d’aujourd’hui, dépourvus de tout « capital social », parlant un français mâtiné d’un dialecte ou d’un autre, en tout cas ne possédant que des outils fragiles dont il ne savait pas comment se servir.

A cet enfant, il faut donner des chances d’égalité, montrer qu’il est plus qu’il ne croit et même qu’il ne peut imaginer ; lui donner aussi, et le premier élément n’est rien sans le second, le désir, la volonté et le courage d’être celui-là. A tous les jeunes, il faut montrer que le héros ne sort ni d’un livre, ni d’une bande dessinée ou d’une console de jeu, mais de la vie réelle.

Ma proposition avait ce sens-là : honorer l’éducateur, l’enseignant, le formateur de caractère, l’exemple, d’où qu’il vienne, lui montrer que l’enjeu, « ce qu’on appelle gloire », n’a pas faibli depuis l’instituteur Louis Germain.

Le prochain candidat à la panthéonisation, c’est ce héros de notre temps, dont les ennemis ne portent pas forcément d’uniforme, le terrain d’action n’est pas forcément le maquis, rien de poétique, de cent fois filmé et glorifié, tout au contraire. Le héros de notre temps vit aujourd’hui dans la tragique indifférence de la société et dans le petit sauve-qui-peut.

Mon candidat pour la panthéonisation : le « glorieux cortège » des hussards noirs de la République

Au début du siècle dernier, un petit garçon pauvre, gavroche déjà inspiré des rues d’Alger, fait une rencontre que beaucoup de petits garçons pauvres de ce temps ont fait aussi  : rencontrer un instituteur qui va modifier le cours de sa vie. Par son enseignement, par son exemple, pas sa volonté.

Ce petit garçon aura 100 ans le 7 novembre. « Aurait » serait plus juste, mais il vit toujours avec nous, avec tant d’entre nous. Sa mère est femme de ménage, son père mort à la guerre. C’est ce qu’on appelle là-bas un « petit blanc ».

Quarante ans plus tard, au lendemain de sa distinction par le prix Nobel (1957), il écrit une lettre, pas très longue, admirable, à un vieux monsieur inconnu du grand public : son instituteur. De ce vieux monsieur, il parle aussi dans son discours de réception du célèbre prix.

Trois ans à peine plus tard, une petite serviette de cuir est éjectée d’une Facel Véga écrasée sur la route,  quelques heures après son départ de Lourmarin. Dans la voiture, Michel Gallimard, Albert Camus, morts tous les deux.

Dans la serviette de cuir, un manuscrit « Le premier homme ». Admirable d’authenticité, de pureté. Tellement signifiant pour ceux qui portent dans leurs gènes cette reconnaissance envers l’Ecole.

L’instituteur s’appelait Louis Germain. Rentré en France après la fin de la guerre d’Algérie,  il est bien sûr mort aujourd’hui. Titre de gloire modeste : il est aujourd’hui mon candidat pour entrer au Panthéon au nom de tous ces « hussards noirs de la République » qui ont compté si fort dans la construction de cette République et dans l’éducation d’enfants de tous milieux et de tous lieux, y compris cette Algérie lointaine d’alors.

Il le ferait aussi au nom d’Albert Camus, avec lui, lié à lui pour l’éternité et quelques lignes de la lettre de Camus pourraient être présentes pour le dire.

Catherine Camus, on s’en souvient, a préféré, après la proposition de panthéonisation de Nicolas Sarkozy de panthéoniser son père pour le cinquantenaire de sa naissance, que celui-ci demeurât sous les Lavandes de Lourmarin. Je crois pouvoir dire (je lui ai écrit) qu’elle ne serait pas opposée à ce qu’il y entrât à l’occasion du centenaire de sa naissance pour accompagner de son aura et de sa reconnaissance, Louis Germain.

 

 

 

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