m

« Ma patrie, c’est la langue française »

Tout comme pour la laïcité que je souhaite ouverte au dialogue, je suis une fervente d’une francophonie accueillante, visant à l’inclusion et à l’universel combat contre l’ignorance.

Le rapport entre laïcité et francophonie n’est d’ailleurs que trop évident. Toutes les deux sont des outils de la culture et de l’éducation. On ne citera jamais assez le mot de Camus « ma patrie, c’est la langue française« . Il l’a prononcé au moment du prix Nobel, c’est à dire dans l’abîme de la guerre d’Algérie, et au regard de ce double moment (le Nobel, la guerre d’Algérie) ces trois mots n’ont que plus de sens.

Ils le ont aujourd’hui aussi dans la pratique : la francophonie, ça se passe aussi en France. Et je me suis grandement réjouie des engagements de François Hollande de faire de l’enseignement du français et de sa pratique un des objectifs majeurs de l’école maternelle. Tant d’enfants, Français dans leur majorité, ne parlent pas français à la maison alors que cette langue, la leur à l’égal de leur langue maternelle, constitue pour eux l’outil fondamental de l’apprentissage et de la culture.

Oui, l’avenir du français est aussi en Afrique et nous devons y mettre tous les moyens qui, à terme, contribuent à faire de l’Eurafrique un seul continent. Mais l’avenir des petits Français nés sur notre territoire et de la France elle-même, il est dans la bonne pratique de cette langue. Oui, ce que l’on appelle curieusement des « minorités visibles » sont d’abord des « minorités audibles ». Un enfant qui ne possède que quelques centaines de mots et ne sait pas toujours les arranger entre eux, se sent d’entrée exclu. Et finit par l’être.

Rien de meilleur que l’apprentissage familier d’une langue : il développe le cerveau, apprend à voir (on ne connaît bien que ce que l’on sait nommer), met de l’ordre dans la pensée et aide à comprendre. Chaque mot nouveau est aussi un germe, une graine féconde pour l’imagination.

Je fonds d’émotion quand un très jeune enfant, immigré et menacé de renvoi de notre territoire, sert de traducteur à sa famille et que ses maîtres témoignent de son effort et de ses bons résultats à l’école*. Des enfants malmenés par la vie, qui après quelques mois, sont distingués par leur enseignant pour leurs progrès dans notre langue, sont, de facto, Français. Les renvoyer dans un pays où ils n’ont aucune expérience, aucun petit camarade, aucune école pour les accueillir au niveau où ils sont parvenus, serait une faute. Ils appartiennent à la même Patrie que Camus.

Les médias sociaux devraient être un vecteur d’apprentissage et de partage de notre langue. Et il m’arrive bien souvent de répondre, avec force « smileys » pour n’avoir pas l’air d’un professeur grincheux, à ceux qui malmènent par trop l’ortografe et la grammaire. Je signale à ce propos de merveilleux profils comme @lemonde_correct .

Au passage, un salut particulier à @mickaëllejean** et @annickGirardin***. Vous ignorez leur rôle ? Eh bien, c’est aujourd’hui le premier jour de la semaine de la francophonie. Profitez-en pour réviser …

*L’occasion d’un hommage au Réseau Education Sans Frontière @resf ** Secrétaire générale de la francophonie ***Secrétaire d’Etat à la francophonie en 2015

 

 

 

Mon candidat pour la panthéonisation : le « glorieux cortège » des hussards noirs de la République

Au début du siècle dernier, un petit garçon pauvre, gavroche déjà inspiré des rues d’Alger, fait une rencontre que beaucoup de petits garçons pauvres de ce temps ont fait aussi  : rencontrer un instituteur qui va modifier le cours de sa vie. Par son enseignement, par son exemple, pas sa volonté.

Ce petit garçon aura 100 ans le 7 novembre. « Aurait » serait plus juste, mais il vit toujours avec nous, avec tant d’entre nous. Sa mère est femme de ménage, son père mort à la guerre. C’est ce qu’on appelle là-bas un « petit blanc ».

Quarante ans plus tard, au lendemain de sa distinction par le prix Nobel (1957), il écrit une lettre, pas très longue, admirable, à un vieux monsieur inconnu du grand public : son instituteur. De ce vieux monsieur, il parle aussi dans son discours de réception du célèbre prix.

Trois ans à peine plus tard, une petite serviette de cuir est éjectée d’une Facel Véga écrasée sur la route,  quelques heures après son départ de Lourmarin. Dans la voiture, Michel Gallimard, Albert Camus, morts tous les deux.

Dans la serviette de cuir, un manuscrit « Le premier homme ». Admirable d’authenticité, de pureté. Tellement signifiant pour ceux qui portent dans leurs gènes cette reconnaissance envers l’Ecole.

L’instituteur s’appelait Louis Germain. Rentré en France après la fin de la guerre d’Algérie,  il est bien sûr mort aujourd’hui. Titre de gloire modeste : il est aujourd’hui mon candidat pour entrer au Panthéon au nom de tous ces « hussards noirs de la République » qui ont compté si fort dans la construction de cette République et dans l’éducation d’enfants de tous milieux et de tous lieux, y compris cette Algérie lointaine d’alors.

Il le ferait aussi au nom d’Albert Camus, avec lui, lié à lui pour l’éternité et quelques lignes de la lettre de Camus pourraient être présentes pour le dire.

Catherine Camus, on s’en souvient, a préféré, après la proposition de panthéonisation de Nicolas Sarkozy de panthéoniser son père pour le cinquantenaire de sa naissance, que celui-ci demeurât sous les Lavandes de Lourmarin. Je crois pouvoir dire (je lui ai écrit) qu’elle ne serait pas opposée à ce qu’il y entrât à l’occasion du centenaire de sa naissance pour accompagner de son aura et de sa reconnaissance, Louis Germain.

 

 

 

Lettre d’Albert Camus à son instituteur, Louis Germain

Cher Monsieur Germain,

J’ai laissé s’éteindre un peu le bruit qui m’a entouré tous ces jours-ci avant de venir vous parler de tout mon cœur. On vient de me faire un bien trop grand honneur, que je n’ai ni recherché ni sollicité. Mais quand j’en ai appris la nouvelle, ma première pensée, après ma mère, a été pour vous. Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. Je ne me fais pas un monde de cette sorte d’honneur.

Mais celui-là est du moins une occasion pour vous dire ce que vous avez été, et êtes toujours pour moi, et pour vous assurer que vos efforts, votre travail et le cœur généreux que vous y mettiez sont toujours vivants chez un de vos petits écoliers  qui, malgré l’âge, n’a pas cessé d’être votre reconnaissant élève. Je vous embrasse de toutes mes forces.

Affectueusement,

Albert Camus

 

Lettre écrite le 9 novembre 1957 par Albert Camus après qu’il vient de recevoir le prix Nobel à son instituteur Louis Germain

 

 

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel