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Absentéisme, le mal français

Si on devait écrire une nouvelle édition du célébre ouvrage d’Alain Peyrefitte , analysant les causes du « mal français » (1976), l’absentéisme figurerait aujourd’hui dans le groupe de tête de ces déterminants.

Le rapport de la chambre régionale des comptes consacré à la gestion de la ville de Bordeaux (conseil municipal du 29 janvier 2018) en donne la douloureuse illustration.

Entre 2010 et 2015, l’absentéisme des 4469 agents de la ville a augmenté de 6,9 jours par agent portant le total de jours d’absence à 33,2 jours pour les agents titulaires (jours d’absence qui s’ajoutent aux 7 semaines de congé annuel concédées à ces agents)

Le coût pour le budget municipal est de 9 millions d’euros, portés à 10,5 millions d’euros par la garantie de maintien de salaire qui fait partie des avantages qui leur ont été donnés.

Cette augmentation continue et rapide concerne dans 61% des cas « la maladie ordinaire ». Nous connaissons tous la phrase tristement répandue « j’ai pas pris ma grippe cet hiver « ; ceci simplement pour expliquer ce qu’est la « maladie ordinaire ».

A Bordeaux, comme partout ailleurs, ce sont les salariés de plus de 45 ans qui constituent le plus gros contingent d’absentéistes. La relation à la pénibilité n’est pas évidente puisque, par exemple), la direction des affaires financieres et de la gestion, avec deux autres, figure dans le peloton de tête.

Un élément qui à la fois rassure quant à la dégradation de l’état sanitaire de notre pays, et à la fois inquiète en terme de progrès social, ce sont les titulaires qui sont le plus souvent absents. Le total de jours d’absence des intérimaires n’est que de 6 jours/ans contre 33 chez ces titulaires.

Les conditions de travail, au sens facilités faites aux salariés, primes, compensations,temps de travail ne peuvent etre considérées ici comme déterminantes. Nous avons démontré au contraire lors du débat qu’elles étaient particulièrement favorables du fait, comme l’a dit l’adjoint aux finances, « d’une longue tradition de partenariat entre la ville et les représentants des salariés ». Euphémisme qui cache une tradition, antérieure même à Alain Juppé, d’achat de la paix sociale par des libéralités répétées et bien souvent sans fondement légal. Que constate-t-on ? Que l’absence de « vagues », de mouvements de grève, ne fait pas le bonheur au travail des salariés et ne les vaccine pas contre les aléas des maladies et inconforts ordinaires.`

J’ai pris l’exemple de la Mairie de Bordeaux, car le rapport déjà évoqué vient d’être communiqué et ne souffre pas de contestations dans ses chiffres. Il n’est qu’un exemple. Si la fonction publique territoriale figure en tête des 3 fonctions publiques pour l’absentéisme, le mal est largement partagé.

Tous ces chiffres sont formidablement inquiétants sur notre modèle social et sur la bonne santé (au sens propre comme figuré) de notre société. Je pourrais cependant donner d’autres exemples, la plupart publiés, d’autres tus. Comment se fait-il par exemple qu’il existe au sein du ministère de l’éducation un corps d’enseignants remplaçants, et qu’il n’en existe pas dans le corps soignant hospitalier ? Je laisse la question sans réponse car on n’en trouvera nulle part d’assise sur des chiffres fiables.

Quels remèdes ? En ce qui concerne la Mairie, une prime d’assiduidité récompensant les « petits absentéistes » avait donné des signes positifs, elle a été diluée dans un système de primes qui la rend à la fois inapparente et inopérante. Le mal continue donc de progresser sans coup férir. Des mesures de prévention, d’entretiens infirmiers..  agissent comme des cautères sur jambe de bois, mais font bonne apparence.

Cette progression de l’absentéisme, résistant chez nous aux progrès sanitaires comme aux progrès sociaux, est pour moi une source d’inquidétude et quelquefois d’un découragement que je ne sais pas contrer. C’est la question du bonheur au travail, mais aussi de la perception du travail comme une monnaie d’échange entre les hommes qui est posée. Dans les grandes villes, comme Bordeaux, les difficultés de déplacement, l’éloignement du domicile au lieu de travail, ne suscitent pas la motivation de se rendre quotidiennement à son travail, en ajoutant à la durée du travail proprement dite, le temps et la fatigue des déplacements. Le télé-travail, les plates-formes de co-working en périphérie vont peut etre aider à pallier ce type de difficultés. Je place aussi un espoir dans l’application de méthodes de management, valorisantes pour les personnels. Mais il faudra un mouvement profond pour réduire, sinon guérir, ce mal français et redonner au travail le sens qu’il devrait avoir.

 

 

 

 

 

 

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