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« Faire de la politique autrement »

L’expression est usée jusqu’à la corde. Pas un rendez-vous électoral sans que, de la gauche extrême à la droite extrême, il n’y ait un(e) candidat(e) pour le promettre et le jurer. Pas une défaite massive sans qu’un parti ou un autre ne réentonne le couplet « il faut faire de la politique autrement ». Pas un non plus pour continuer, dès le lendemain, ses anciennes pratiques.

N’ayant jamais, nulle part, utilisé l’expression, j’y crois encore et depuis les dix années où je suis « pour de vrai » en politique (c’est à dire élue à une élection uninominale), j’essaye. Ma première manifestation publique a été sur le « Bien vieillir »(2004), ma prochaine, demain 29 juin 2015, sur le tabac.

Des sujets qui concernent tout le monde, dans tous les partis et, au moins autant, hors d’eux. Des sujets aussi dont personne n’est exclu et où je n’accepte aucun manichéisme. Des élus, des ministres de droite et de gauche s’y sont investis. En ce qui concerne le tabac, la balance penche fortement en faveur de la gauche et je ne souffrirais pas à l’excès que cela se confirme. Mais ce n’est vraiment pas le sujet. Le sujet, c’est d’avancer.

Quand j’ai été élue députée, je me suis promis que mon -ou mes- mandat(s) serviraient -entre autres- à une cause : la sortie du tabac, la réduction du nombre de cancers effroyables dont il est la cause et de la mortalité, supérieure à toute autre cause , qu’il génère dans tous les pays. Une manière de faire le lien entre mon métier de médecin hospitalier dans le civil  et ma vie politique.

Demain, nous organisons en partenariat avec la Ligue contre le cancer, la Croix rouge, l’Alliance contre le tabac (toutes associations qui ne se commettent pas avec la politique partisane) un débat sur les politiques (au sens universel) du tabac. Notre pays est lanterne rouge en terme de prévalence du tabagisme (une personne sur trois), il n’est que temps d’y regarder de plus près.

Un exemple concret de « faire de la politique autrement » . Deux télévisions nationales seront présentes pour illustrer cet enjeu. Est-ce que ça marche de ne taper sur personne, hors de ceux qui ne font rien et de ceux qui empêchent de faire ? Est-ce que l’idée que la sortie du tabac est d’égale importance politique que l’abolition de la peine de mort, peut se partager et peut tous nous réunir ?

C’est bête, mais j’y crois. RV demain lundi soir à l’Athénée à Bordeaux (18h 30). On en parle, en toute liberté, sans a priori, ni frontières, ni tabous.

 

Interdite, la publicité pour le tabac ?

« Toute publicité, toute promotion en faveur du tabac est interdite ». La loi Evin de 1991 l’affirme, l’article 3511-3 du code de la santé publique aussi et, de même, la Convention-cadre de la Lutte anti-Tabac (CCLAT) ratifiée par la France en 2004. Sauf que…

Sauf que… Les lois paraissent bien souvent faites pour être contournées,  déviées et l’habileté de ceux qui s’y emploient est proportionnelle à leurs intérêts financiers.

Ceux des industriels du tabac sont considérables, à l’égal de leur cynisme ; l’un et l’autre sans doute assez comparables à ceux des financiers qui organisent l’évasion fiscale.  Pourtant, à dénoncer leurs pièges, on se fait bien souvent agonir d’insultes…

La Ligue contre le Cancer et l’Institut IPSOS ont mené deux études analysant la présence et la valorisation du tabac dans les films français.

La première a analysé 200 films sortis entre 1982 et 2002, choisis pour leur performance en nombre d’entrées. Dans 50% apparait une scène de tabagisme et dans 20% une marque identifiable de produit du tabac.

Une deuxième étude  concerne 180 films sortis entre 2005 et 2010 (nettement après la loi Evin), comptabilisant là aussi le plus grand nombre d’entrées. Ce sont ici 80% des films qui présentent des « événements fumés » et 30 % de ces 180 films présentent 10 événements fumés ou plus.

Pourquoi ces chiffres précis ? Parce que, outre la fréquence des scènes, leur simple augmentation au cours des années démontre que ces scènes ne peuvent être justifiées par le seul intérêt artistique ou historique. En 99 minutes, même des fumeurs intenses ne fument pas 10 fois, non plus que 80% des sujets ne justifient la présence à répétition de la cigarette. Dans les mêmes périodes, le cinéma américain, le plus puissant du monde et, initialement le plus « enfumé »,  a au contraire réduit le nombre et le temps des scènes de tabagisme dans les films.

Je sais, cher  Jean-Pierre  Mocky, qui avez hurlé des insultes dans mon téléphone après une simple question écrite, c’est désagréable à entendre mais c’est ainsi : le cinéma est un art, mais ce n’est pas seulement l’Art qui pousse nos cinéastes à servir d’écran publicitaire et d’alibi  à des multinationales de ce crime organisé, planifié, assumé, qu’est le tabac.

La durée moyenne des « événements tabac » est de 2,4 minutes. Cela peut sembler court mais correspond en réalité à 5 publicités commerciales habituellement projetées à la télévision ou au cinéma. En multipliant par le nombre de séances, de salles, de DVD, de rediffusions télé, on imagine facilement le montant financier que cela représente. Et qui justifie bien des colères, bien des articles effarouchés, scandalisés, offusqués quand quelqu’un ose aborder le sujet.

La marque de cigarettes n’est qu’occasionnellement visible. On ne s’étonnera guère cependant que Marlboro monopolise 65% des apparitions comme elle vient en tête des ventes dans le marché français.

Alors quoi, je veux ‘ »interdire » toute présence de la cigarette au cinéma ? Même pas !

Je veux

– que toute participation financière de l’industrie du tabac à la production d’un film soit publiée et connue du public, selon le principe du « Sunshine Act » dont nous avons voté une déclinaison à l’Assemblée lors de la loi de modernisation du système de santé; J’ai proposé lors de la présentation de cette même loi à l’Assemblée que tout financement par les cigarettiers interdise les subventions publiques dont profite généreusement le cinéma français. Ceci a été refusé, alors qu’il paraissait assez logique que l’Etat ne subventionne pas des entreprises contrevenant à la loi, mais j’espère que la question n’est pas close et qu’un Gouvernement et un Parlement courageux s’en saisiront. Il y a encore beaucoup à faire pour que l’on reconnaisse et que l’on accepte de réduire cette publicité déguisée et cachée.

– qu’une commission de déontologie se prononce sur l’intérêt artistique majeur et l’absence de tout caractère promotionnel de scènes de tabagisme ; ou encore, sur leur intérêt historique ou biographique (Churchill, Gainsbourg…)  ; qu’au contraire, elle contre-indique la multiplicité des scènes visant à banaliser la consommation du tabac et à en faire un acte de l’environnement de tous les jours ; ou encore (et peut être surtout) les scènes identifiant le fait de fumer à la jeunesse, à la beauté, à la minceur et à la séduction. Les jeunes sont les premiers « piègés » par le tabac au cinéma (rapports de l’OMS; cf référence donnée en commentaire) et en particulier les jeunes femmes. C’est le cinéma qui a rendu la cigarette socialement acceptable, puis attractive concernant les femmes. On connait la suite dramatique avec l’explosion du cancer du poumon de la femme qui en fait aujourd’hui la première cause de mortalité par cancer de la femme).

Jean-Pierre Mocky, tous les autres qui aimez cinéma et artistes, souvenez-vous de la toute dernière scène de Yul Brunner, immense acteur,  quelques jours avant sa mort d’un cancer pulmonaire. Il avait tenu à être filmé pour un ultime message :

« Now I am gone.. I just tell you :  don’t smoke ! »

 

 

 

 

 

 

 

 

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