m

« Toute publicité, toute promotion en faveur du tabac est interdite ». La loi Evin de 1991 l’affirme, l’article 3511-3 du code de la santé publique aussi et, de même, la Convention-cadre de la Lutte anti-Tabac (CCLAT) ratifiée par la France en 2004. Sauf que…

Sauf que… Les lois paraissent bien souvent faites pour être contournées,  déviées et l’habileté de ceux qui s’y emploient est proportionnelle à leurs intérêts financiers.

Ceux des industriels du tabac sont considérables, à l’égal de leur cynisme ; l’un et l’autre sans doute assez comparables à ceux des financiers qui organisent l’évasion fiscale.  Pourtant, à dénoncer leurs pièges, on se fait bien souvent agonir d’insultes…

La Ligue contre le Cancer et l’Institut IPSOS ont mené deux études analysant la présence et la valorisation du tabac dans les films français.

La première a analysé 200 films sortis entre 1982 et 2002, choisis pour leur performance en nombre d’entrées. Dans 50% apparait une scène de tabagisme et dans 20% une marque identifiable de produit du tabac.

Une deuxième étude  concerne 180 films sortis entre 2005 et 2010 (nettement après la loi Evin), comptabilisant là aussi le plus grand nombre d’entrées. Ce sont ici 80% des films qui présentent des « événements fumés » et 30 % de ces 180 films présentent 10 événements fumés ou plus.

Pourquoi ces chiffres précis ? Parce que, outre la fréquence des scènes, leur simple augmentation au cours des années démontre que ces scènes ne peuvent être justifiées par le seul intérêt artistique ou historique. En 99 minutes, même des fumeurs intenses ne fument pas 10 fois, non plus que 80% des sujets ne justifient la présence à répétition de la cigarette. Dans les mêmes périodes, le cinéma américain, le plus puissant du monde et, initialement le plus « enfumé »,  a au contraire réduit le nombre et le temps des scènes de tabagisme dans les films.

Je sais, cher  Jean-Pierre  Mocky, qui avez hurlé des insultes dans mon téléphone après une simple question écrite, c’est désagréable à entendre mais c’est ainsi : le cinéma est un art, mais ce n’est pas seulement l’Art qui pousse nos cinéastes à servir d’écran publicitaire et d’alibi  à des multinationales de ce crime organisé, planifié, assumé, qu’est le tabac.

La durée moyenne des « événements tabac » est de 2,4 minutes. Cela peut sembler court mais correspond en réalité à 5 publicités commerciales habituellement projetées à la télévision ou au cinéma. En multipliant par le nombre de séances, de salles, de DVD, de rediffusions télé, on imagine facilement le montant financier que cela représente. Et qui justifie bien des colères, bien des articles effarouchés, scandalisés, offusqués quand quelqu’un ose aborder le sujet.

La marque de cigarettes n’est qu’occasionnellement visible. On ne s’étonnera guère cependant que Marlboro monopolise 65% des apparitions comme elle vient en tête des ventes dans le marché français.

Alors quoi, je veux ‘ »interdire » toute présence de la cigarette au cinéma ? Même pas !

Je veux

– que toute participation financière de l’industrie du tabac à la production d’un film soit publiée et connue du public, selon le principe du « Sunshine Act » dont nous avons voté une déclinaison à l’Assemblée lors de la loi de modernisation du système de santé; J’ai proposé lors de la présentation de cette même loi à l’Assemblée que tout financement par les cigarettiers interdise les subventions publiques dont profite généreusement le cinéma français. Ceci a été refusé, alors qu’il paraissait assez logique que l’Etat ne subventionne pas des entreprises contrevenant à la loi, mais j’espère que la question n’est pas close et qu’un Gouvernement et un Parlement courageux s’en saisiront. Il y a encore beaucoup à faire pour que l’on reconnaisse et que l’on accepte de réduire cette publicité déguisée et cachée.

– qu’une commission de déontologie se prononce sur l’intérêt artistique majeur et l’absence de tout caractère promotionnel de scènes de tabagisme ; ou encore, sur leur intérêt historique ou biographique (Churchill, Gainsbourg…)  ; qu’au contraire, elle contre-indique la multiplicité des scènes visant à banaliser la consommation du tabac et à en faire un acte de l’environnement de tous les jours ; ou encore (et peut être surtout) les scènes identifiant le fait de fumer à la jeunesse, à la beauté, à la minceur et à la séduction. Les jeunes sont les premiers « piègés » par le tabac au cinéma (rapports de l’OMS; cf référence donnée en commentaire) et en particulier les jeunes femmes. C’est le cinéma qui a rendu la cigarette socialement acceptable, puis attractive concernant les femmes. On connait la suite dramatique avec l’explosion du cancer du poumon de la femme qui en fait aujourd’hui la première cause de mortalité par cancer de la femme).

Jean-Pierre Mocky, tous les autres qui aimez cinéma et artistes, souvenez-vous de la toute dernière scène de Yul Brunner, immense acteur,  quelques jours avant sa mort d’un cancer pulmonaire. Il avait tenu à être filmé pour un ultime message :

« Now I am gone.. I just tell you :  don’t smoke ! »

 

 

 

 

 

 

 

 

Comments 3 commentaires

  1. 20/05/2015 at 08:36 Marc Loraison

    Mais pourquoi cette transparence n’a-t-elle pas lieu ? l’industrie du cinéma coûte très cher mais il faut informer les spectateurs de ceux qui y concourent.

  2. 20/05/2015 at 08:57 Michele

    Signalons une de la étude de la littérature scientifique qui démontrent que l’entrée dans le tabac des jeunes est influencée par le cinéma et c’est en effet d’abord à cette population de futurs clients accros que s’adressent les cigarettiers

    « Exposure to smoking in films and own smoking among Scottish adolescents: a cross-sectional study »
    Kate Hunt, Marion Henderson, Daniel Wight, James D Sargent
    Thorax 2011;66:866e874. doi:10.1136/thoraxjnl-2011- 200095

  3. 20/05/2015 at 10:27 francis

    100% d’accord avec vous
    pour cette fois !

Répondre

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel