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« J’ai cru en une grande coalition et je me suis retrouvée avec un parti unique »

J’ai cru en une grande coalition, je me suis retrouvée avec un parti unique. Cette phrase n’est qu’une vague réminiscence d’une autre, qui n’a rien à voir avec le sujet : «J’ai épousé une amazone, je me suis retrouvé avec une jument ». Dans un cas il s’agit d’Emmanuel Macron et de son Parti, dans l’autre d’un humoriste du siècle dernier et de l’une de ses épouses. Ainsi va le cerveau : de vieux rythmes, des mots anciens, se croisent sans prévenir avec des idées de l’instant.

J’ai eu un grand intérêt de la démarche initiale d’Emmanuel Macron. J’avais soupé près de dix ans de suite, du manichéisme imbécile qui fait qu’à l’Assemblée rien n’est bon pour la gauche qui est proposé par la droite et inversement. Dans quelques rares occasions, nous avons eu l’occasion de contrarier la règle : lois bioéthiques, sujets concernant le grand âge ou le grand handicap, quelques exceptionnelles questions de santé publique… L’ordinaire politique est bien davantage : tout est blanc, tout est noir. Oubliées les 50 nuances du gris, oubliées les couleurs variées de la lumière, oubliée la réflexion, l’honnêteté et même l’intelligence, la politique s’enfermait chaque jour davantage dans des phrases stéréotypées et des réactions pavloviennes.

J’en reviens aux premières expressions de politique générale d’Emmanuel Macron. Il était déjà Ministre, cela n’allait pas durer bien longtemps.. « Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte » ou plutôt déjà Bonaparte perçait sous le Directoire.

Il fustigeait alors les oppositions stériles, affirmait fréquenter la droite comme la gauche et vouloir travailler avec l’une comme avec l’autre. J’avais précédemment souvent évoqué avec des journalistes comme avec des collègues députés, l’intérêt d’une grande coalition à l’allemande pour pouvoir concrétiser des avancées difficiles, obtenir une majorité pour des projets sortant des sentiers battus.. Je savais que Hollande y avait songé mais avait rétrogradé devant l’inadéquation de nos institutions –et de nos habitudes de controverses- à cette perspective.

C’est dans cette réflexion que j’ai été tentée par le projet que Macron esquissait, d’ailleurs plus avec des paroles que des exemples. Je pensais alors qu’il restait dans la généralité du vocabulaire pour faire monter l’idée en évitant de brutaliser les appareils politiques. Il rentrerait plus tard dans les propositions.

J’y ai cru, avec quelques-uns et surtout quelques-unes de mes plus proches à l’Assemblée. Je n’avais alors par de barrière envers les macronistes puisque je pensais que chacun pourrait rejoindre les idées en conservant son étiquette et même en l’affirmant.

Doucement, insidieusement, cette possibilité s’est diluée jusqu’à devenir impossible, à la faveur de l’incroyable casting qu’il a lancé en vue des législatives. Il ne s’agissait plus alors de montrer de l’intérêt, de contribuer par des notes techniques, il fallait envoyer une fiche de poste avec photo (à la suite de quelques légitimes critiques la photo ne fut plus, pas après un temps obligatoire, pour concourir, mais sans doute le demeura-t-elle pour avoir le job).

J’ai pour ma part, et je ne le regrette que parce que cela a été totalement inutile, envoyé à la suggestion de Gérard Collomb, une note sur la transitition démographique et les « affranchis de l’âge ». « Les affranchis » étaient le thème d’un des grands discours du futur candidat, qu’il abandonna d’ailleurs rapidement, quelque conseiller en communication l’en ayant sans doute dissuadé. Je ne reçus ni réaction, ni réponse et la suite a montré que le sujet de l’âge était un sujet résolument absent des perspectives programmatiques, puis gouvernementales du futur Président.

Je n’ai ni concouru, ni demandé quoi que ce soit. Je n’aurais pu le faire que si chacun avait pu conserver son identité et son étiquette, particulièrement s’il avait été précédemment élu sous cette étiquette, et pour défendre les idées qui y correspondaient. La grande coalition à l’allemande contraint les députés à ne pas déroger à ce qui a été signé, après des semaines de dialogue entre les partis contractants. Le texte final du contrat de coalition correspond à un texte de plusieurs centaines de pages.

LREM est devenu un parti si largement majoritaire à l’Assemblée qu’on peut l’appeler un parti unique ; ses statuts ont été votés par 30% des membres déclarés (180 000). La grande majorité de ses élus sont des nouveaux venus, peu en capacité au moins dans les premiers mois de contrer ou d’amender un seul mot des projets de loi du gouvernement, et plus gravement encore, n’en ayant pas le souhait, tout réjouis qu’ils sont d’assumer un mandat qui demandaient à tant d’autres des années d’engagement local et, pour beaucoup, de culture politique.

Je suis mal à l’aise, fondamentalement mal à l’aise, de cette évolution : d’un rapprochement de partis (ou de portions de partis) sur des projets définis, on en est venu à un parti unique, monocolore, souscrivant sans réserve ni modification à UN projet, rédigé à grands traits pour une campagne électorale. Bien sûr je souhaite la réussite de Macron, j’espère (encore) en sa capacité de rassembler au lieu de dégager et in fine de diviser , car je souhaite la réussite de la France. Mais quelque part, je crains que le contrat de mariage avec le pays, n’ait été quelque peu faussé au départ.

 

 

 

« Arrêter les conneries »

En face d’une droite qui soit ne dit rien (Juppé), soit force le trait (Sarkozy, Wauquiez..), pas question de dire « gauche et droite, c’est du pareil au même ». Moins encore question de le penser, ni de le souhaiter.

La vie politique a besoin de clarté, les politiciens d’identité et je ne m’inscris pas davantage dans le « ni gauche, ni droite ». Pour autant, j’affirme que nous ne sauverons notre pays d’un irrelevable déclin qu’en sortant du manichéisme outrancier qui décrédibilise nos positions et les transforme en postures de comédie.

Quel modèle alors ? Ce n’est d’ailleurs pas un modèle car il n’est pas reproductible à l’identique en France. Mais c’est une matrice, c’est à dire un schéma où nous pourrions nous inscrire. Je ne doute pas d’ailleurs que François Hollande y pense et que, s’il faisait un deuxième mandat, se sentant plus libre, il imagine de le tenter.

Cette « matrice », c’est la grande coalition allemande. Chaque parti garde son identité, mais les partis au Gouvernement tirent dans le même sens. Le Parti Social-démocrate allemand (SPD) ne s’est pas déconsidéré en signant un contrat de Gouvernement où il apportait notamment le salaire minimum et la prise en charge de la perte de l’autonomie à hauteur de 6 milliards d’euros. Ceci est fait et porté à son crédit. Les dernières élections allemandes dans 3 Länder, ont montré une progression de l’extrême droite (majeure en Saxe-Anhalt avec 24 % pour l’AFD), mais dans les deux autres dont l’énorme Bade-Wurttemberg, c’est bien la gauche (le Ministre Président est un vert) qui est demeurée maîtresse du jeu. En Rhénanie Palatinat, la Ministre Présidente est bien SPD.

Qui a été le meilleur soutien de la chancelière pour l’accueil des réfugiés ? La gauche, et elle y a gagné en honneur. En France, nous sommes parvenus à un point tel que si le Gouvernement avait décidé un accueil de réfugiés plus large, l’ex-ump l’aurait voué aux gémonies pour aspirer les électeurs FN. Si elle n’en avait accueilli aucun, même chose : elle aurait été contre, systématiquement contre, automatiquement contre. La politique est devenue pavlovienne : la droite est contre la gauche, la gauche de la gauche contre la gauche, et la droite de la droite contre tout le monde , reprenant en cela le poncif pourtant bien usé de la lutte contre le « système ».

Il est temps « d’arrêter les conneries », selon la vigoureuse expression de Daniel Cohn-Bendit (titre de son dernier livre), temps d’être honnête, temps de dire que l’important c’est que ça marche et que l’objectif l’emporte sur les positionnements ; l’important est que nous soyons enfin capables d’expliquer avant d’appliquer, et de comprendre avant de condamner. La loi travail montre,  de part et d’autre, que nous en sommes bien loin.

Y’a du boulot aussi pour que chacun comprenne qu’au point où nous sommes, hors les plus faibles revenus et les plus faibles tout court, c’est chaque Français qui est appelé à faire mieux avec moins. Chaque Français, chaque groupe, chaque profession.

Nous sommes tous dans le même bateau et s’il faut condamner rudement ceux qui s’en exonèrent (évadés fiscaux et autres catégories), nous ne devons pas nous en exonérer parce qu’ils sont condamnables. Les Français, c’est nous, pas eux, et nous ne retrouverons l’estime de soi sans l’estime de nous.

 

 

 

 

 

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