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Quelque chose qui cloche en social-démocratie ? La potion du SPD

Les invités du blog sont aujourd’hui Peer Steinbrück et Klaus Fuchs du Parti Social Démocrate allemand (SPD)

Ancien ministre des finances, ancien candidat du SPD à la Chancellerie, Peer Steinbrück s’est penché sur les erreurs de son Parti, le SPD, erreurs qui l’ont conduit au désastre électoral d’automne dernier en Allemagne (20,5 % des suffrages). Voici quelques-uns des points qu’il vient de développer dans un article du SPIEGEL : ils peuvent être de quelque utilité dans la reconstruction du Parti Socialiste et dans l’élaboration d’un programme. Steinbrück a essuyé de nombreuses critiques au sein même du SPD ; chacun en France pourra retenir ou écarter telle ou telle proposition et s’en inspirer. Ou pas.

Selon Steinbrück, le SPD a trop ignoré le besoin de sécurité de la population qui réclame un Etat fort, capable d’agir et de faire appliquer ses lois. Il existe un conflit fondamental de valeurs entre ceux pour qui l’immigration, la mondialisation et le multiculturalisme constituent des éléments positifs et ceux qui se sentent culturellement menacés dans leur pays et finissent par se recroqueviller dans leur forteresse nationale. Le SPD n’en a, d’après l’ancien ministre, pas tenu compte dans son programme. Résultat : une augmentation des tendances nationalistes et protectionnistes, voire racistes.

Le SPD aurait cru fait l’erreur de croire pouvoir construire une majorité parlementaire en s’occupant des problématiques des diverses minorités, oubliant que la majorité de la population, surtout l’électorat classique du SPD, ne se sentait pas suffisamment prise en considération. Comme les Socialistes français, leurs camarades allemands s’occupent trop de politiques anti-discriminatoires et de « lifestyle », du mariage pour tous et de la non-discrimination des homosexuels, au lieu de traiter les problèmes qui constituent la priorité de la majorité des électeurs comme, par exemple, l’introduction d’un salaire minimum ou la solution des problèmes des voitures diesel ou la lutte contre les cambriolages.

Et Steinbrück de poursuivre que le SPD n’a pas attribué assez d’importance à combattre l’impression qu’il ne défendait pas la culture ni le patrimoine allemand et pratiquait une sorte de relativisme culturel. L’aile « linksliberal » (la gauche du parti) aurait trop considéré comme tabous la situation dans les quartiers, le remplacement des gens par des migrants, les classes comportant 70 % d’enfants d’’origine immigrée, l’existence d’une justice islamique parallèle prêchée par des imams très éloignés de nos canons de valeurs. Il fallait thématiser ces problèmes et ne pas les taire.

Steinbrück regrette aussi la perte de citoyenneté, de respect des civilités, de la tolérance, nourrie dans les réseaux sociaux. Les sujets dont les gens parlent à la maison, mais dont le SPD ne parlait pas assez alors qu’il aurait du les évoquer sans craindre de faire des vagues ‘et de soulever des tempêtes de protestation dans les médias et dans les débats politiques.

Steinbrück admet que le SPD a trop cédé à l’idéologie néolibérale en vogue, mais refuse qu’on retourne dans la critique orthodoxe du capitalisme d’un autre temps. Le capitalisme d’aujourd’hui n’est plus le même que jadis et il faut tenir compte des phénomènes de la mondialisation et de la numérisation. Il pose une des questions clé du 21e siècle : « qui a la suprématie : les grands groupes internet et financiers ou les institutions démocratiquement légitimées ? »

La réponse ne peut venir que des institutions supranationales et en premier lieu de l’Union Européenne, seule plateforme à même de traiter avec efficacité la protection des données, les abus de pouvoir et l’évasion fiscale des grands groupes internet. De même pour traiter le problème de la régulation des marchés financiers. D’où la nécessité que le SPD se produise comme un fort « Parti de l’Europe ».

A la question de savoir si, face à des Macron, Trudeau, leurs succès et leur popularité mais aussi  face à l’essor du populisme, les programmes des partis politiques ont encore un sens, Steinbrück ne croit pas et ne veut pas croire en des personnes charismatiques mais défend la nécessité de programmes politiques traitant du fond des choses sans s’en tenir à une énumération de promesses, mais en avançant  et répétant trois ou quatre messages forts, concrets et compréhensibles pour préparer l’avenir.

Un petit mot pour la fin : Je sais que les analyses et propositions de Peer Steinbrück peuvent chez les socialistes français susciter une certaine irritation. Croyez moi, je ne suis pas non plus d’accord avec lui sur  certains  points. Tout comme je sais qu’en matière de social-démocratie comme ailleurs il n’y a pas de « modèle allemand » tant les traditions, la culture du PS sont parfois différentes du socialisme français. Mon souhait est seulement de contribuer avec cette publication au débat au sein du PS dont je suis également adhérent depuis 17 ans et auquel je souhaite une renaissance rapide et vigoureuse sur des bases solides.

 

« Arrêter les conneries »

En face d’une droite qui soit ne dit rien (Juppé), soit force le trait (Sarkozy, Wauquiez..), pas question de dire « gauche et droite, c’est du pareil au même ». Moins encore question de le penser, ni de le souhaiter.

La vie politique a besoin de clarté, les politiciens d’identité et je ne m’inscris pas davantage dans le « ni gauche, ni droite ». Pour autant, j’affirme que nous ne sauverons notre pays d’un irrelevable déclin qu’en sortant du manichéisme outrancier qui décrédibilise nos positions et les transforme en postures de comédie.

Quel modèle alors ? Ce n’est d’ailleurs pas un modèle car il n’est pas reproductible à l’identique en France. Mais c’est une matrice, c’est à dire un schéma où nous pourrions nous inscrire. Je ne doute pas d’ailleurs que François Hollande y pense et que, s’il faisait un deuxième mandat, se sentant plus libre, il imagine de le tenter.

Cette « matrice », c’est la grande coalition allemande. Chaque parti garde son identité, mais les partis au Gouvernement tirent dans le même sens. Le Parti Social-démocrate allemand (SPD) ne s’est pas déconsidéré en signant un contrat de Gouvernement où il apportait notamment le salaire minimum et la prise en charge de la perte de l’autonomie à hauteur de 6 milliards d’euros. Ceci est fait et porté à son crédit. Les dernières élections allemandes dans 3 Länder, ont montré une progression de l’extrême droite (majeure en Saxe-Anhalt avec 24 % pour l’AFD), mais dans les deux autres dont l’énorme Bade-Wurttemberg, c’est bien la gauche (le Ministre Président est un vert) qui est demeurée maîtresse du jeu. En Rhénanie Palatinat, la Ministre Présidente est bien SPD.

Qui a été le meilleur soutien de la chancelière pour l’accueil des réfugiés ? La gauche, et elle y a gagné en honneur. En France, nous sommes parvenus à un point tel que si le Gouvernement avait décidé un accueil de réfugiés plus large, l’ex-ump l’aurait voué aux gémonies pour aspirer les électeurs FN. Si elle n’en avait accueilli aucun, même chose : elle aurait été contre, systématiquement contre, automatiquement contre. La politique est devenue pavlovienne : la droite est contre la gauche, la gauche de la gauche contre la gauche, et la droite de la droite contre tout le monde , reprenant en cela le poncif pourtant bien usé de la lutte contre le « système ».

Il est temps « d’arrêter les conneries », selon la vigoureuse expression de Daniel Cohn-Bendit (titre de son dernier livre), temps d’être honnête, temps de dire que l’important c’est que ça marche et que l’objectif l’emporte sur les positionnements ; l’important est que nous soyons enfin capables d’expliquer avant d’appliquer, et de comprendre avant de condamner. La loi travail montre,  de part et d’autre, que nous en sommes bien loin.

Y’a du boulot aussi pour que chacun comprenne qu’au point où nous sommes, hors les plus faibles revenus et les plus faibles tout court, c’est chaque Français qui est appelé à faire mieux avec moins. Chaque Français, chaque groupe, chaque profession.

Nous sommes tous dans le même bateau et s’il faut condamner rudement ceux qui s’en exonèrent (évadés fiscaux et autres catégories), nous ne devons pas nous en exonérer parce qu’ils sont condamnables. Les Français, c’est nous, pas eux, et nous ne retrouverons l’estime de soi sans l’estime de nous.

 

 

 

 

 

Où est le fil rouge ?

On connaît d’autant mieux son pays qu’on le compare à ses voisins. Nous attendons aujourd’hui les résultats des élections dans trois Länder allemands représentant 17 millions d’habitants. La chancelière Merkel risque d’en sortir affaiblie, voire très affaiblie, si un vote de rejet de sa politique d’accueil des réfugiés fait baisser fortement son parti, la CDU.

Que fera-t-elle, alors  ? Elle a déjà exprimé que, quitte à perdre le pouvoir, elle ne changerait pas de politique sur ce dossier majeur. Les députés de la droite CDU/CSU sont moins unanimes et beaucoup craignent de n’être pas réélus aux élections nationales si elle ne réduit pas fortement l’afflux des réfugiés en Allemagne (pour mémoire 1 million 100 000 sont déjà arrivés, les derniers 100 000 au cours du seul mois de janvier 2016). Pour mémoire aussi, nous n’en accueillons que 30 000, autant que le Land du Schleswig Holstein, qui a la même population que le département de la Gironde.

Deux chanceliers, tous deux SPD (Sociaux Démocrates), ont ainsi perdu le pouvoir du fait de leur constance. Helmut Schmidt qui voulait maintenir une force de défense importante contre l’Est, Gerhard Schröder qui a décidé de réformes dures du marché du travail pour permettre à l’économie allemande de sortir de la crise où elle s’enlisait. A l’un et à l’autre de ces deux chanceliers on donne aujourd’hui quasi unanimement raison sur leur décision d’alors.

Ethique de responsabilité qu’Alexis Tsipras a envisagé tout autrement en acceptant nombre des obligations qui lui étaient faites par l’Europe pour sortir son pays d’une inévitable banqueroute. L’éthique est la même, son usage est inverse.

En France, ce n’est pas un enjeu, c’est mille qui mobilisent l’opinion. Je n’en fais reproche ni au Gouvernement, ni à ceux qui s’opposent à lui. Torts partagés, sans doute, comme dans tous les couples. Mais où est le fil rouge, où est l’idée force, le « Yes, we can » d’Obama, ou le « Wir schaffen das » de la chancelière ?

Lundi, ce sont les agriculteurs qui  se révoltent contre les grandes surfaces, l’Europe, la mondialisation ; mais les agriculteurs allemands, que nous accusons de vendre moins chers, ne sont-ils pas dans la même situation ?

Mardi, c’est la constitutionnalisation de la déchéance de nationalité qui soulève une monumentale bronca. Mais, la déchéance de nationalité EXISTE déjà, plusieurs dossiers sont en ce moment même en cours, est-ce qu’en la constitutionnalisant, nous n’en interdisons pas un usage dangereux si un parti extrême venait au pouvoir ? Il est facile en effet (ou du moins possible) d’obtenir une majorité pour modifier une loi -ce qui serait le cas sans constitutionnalisation- il est beaucoup plus difficile d’obtenir les 3/5 des deux chambres pour modifier la constitution. Nous en faisons en ce moment-même l’expérience,  et c’est le prix de la démocratie.

Mercredi, ce sont étudiants et lycéens qui descendent dans la rue pour obtenir le retrait d’une loi de 141 pages, en cours de modification au moment-même où j’écris, et alors que le Parlement n’a pas exercé son pouvoir d’amendement.

Jeudi, où serons-nous ? Et vendredi, et après … J’ai hélas la réponse : nous serons plus bas.

Je ne dis aucunement qu ‘agriculteurs, amis et connaisseurs du droit,  jeunes inquiets de leur avenir, n’aient pas DES RAISONS d’inquiétudes, d’interrogations. Moi aussi, je dis tout de go, que je me serais passée de mesures qui jouent comme des chiffons rouges quand l’essentiel n’est pas dans ce qui est dénoncé, quand tant d’acteurs y jouent le rôle de stratèges au bénéfice d’intérêts partisans ou pire, individuels. Tous se réclament des « valeurs ».  Quelles valeurs, qui font que la jeunesse se mobilise sur le barème des indemnités pour préjudices qui s’ajoutent aux indemnités de licenciement alors qu’on n’a vu aucun d’eux sur les plages de méditerranée s’alarmer de l’avenir de migrants en danger de mort qui ont majoritairement leur âge ? Quelles valeurs quand le « couple franco-allemand » (et l’Europe entière) se fracture sur cette même question des réfugiés ?

Les valeurs, celles qui me sont personnelles, celles qui figurent au fronton de notre République, je les connaîs mais je déteste de les voir utilisées à dimension variable, au mépris de l’avenir collectif de notre pays chancelant, comme au mépris de ceux que Villon appelait « nos frères humains ».

 

 

 

Die « transition démographique » !

S’il y a un pays où on ne barguigne pas avec la transition démographique, c’est l’Allemagne. Alors que chez nous, on ne prononce encore les mots que du bout des lèvres, y compris « aux plus haut niveaux de l’Etat », les Allemands affrontent tout ce que cela va changer et change déjà dans nos sociétés. Un colloque récent où j’intervenais à Berlin m’en a donné la preuve.

Il faut dire qu’ils y ont encore plus de raison que nous. Si notre natalité permet de voir la longévité en France d’un oeil majoritairement positif, la faible natalité en Allemagne fait que depuis 1972, les naissances y sont moins nombreuses que les décès. Le triptyque « Kinder, Kirche, Küche » (enfants, église, cuisine) dont on décorait les Allemandes à natte blonde d’il y a pas si longtemps ne fait plus recette et, si les femmes travaillent à l’extérieur toujours moins qu’en France, elles font aussi notablement moins de bébés. Plus vieux, comme nous le serons aussi, les Allemands seront aussi moins nombreux ; en 2060, ils seront entre 68 et 72 millions quand ils sont aujourd’hui 81 millions.

Le nombre de personnes en âge de travailler va passer de 49 millions aujourd’hui à moins de 43 millions en 2025 et entre 34 et 38 millions en 2060. Les Allemands devant ces chiffres parlent de « demokalypse » et s’inquiètent à plus d’un titre.

Première remarque : les travailleurs en Allemagne seront moins nombreux, le travail (c’est à dire l’emploi) y sera toujours présent. Du moins en 2025, les déclinistes les plus sombres ne prévoient pas de baisse d’activité à relatif court terme dans ce pays.. Et si c’était une chance pour les pays européens voisins (et pas seulement, bien sûr) ?  Aurons-nous en France d’ici dix ans retrouvé le plein emploi, particulièrement dans les secteurs productifs ? Cela reste incertain et demandera sans doute plus de temps, même dans une vision positive et volontariste de notre pays.

Dans cette période de transition, l’emploi en Allemagne peut-il être une chance pour les jeunes français qui seront justement en âge d’y accéder ? Très simplement, je le crois, à condition que nous ayons l’intelligence de ne pas l’exclure et, par exemple, de favoriser l’apprentissage de l’allemand dès aujourd’hui, lequel malgré l’espéranto anglais, constituera et constitue déjà  une plus-value considérable pour accéder là-bas à des emplois de qualité.

Deuxième aspect : les âgés. De plus en plus nombreux, de plus en plus âgés, ou plutôt accédant en nombre à des âges que l’on considérait il y a 20 ans comme remarquables. De plus en plus désireux de qualité de vie et, comme chez nous, majoritairement et longtemps en bonne forme. Avec un détail en plus : les générations qui accèdent aujourd’hui à l’âge, ne sont pas dépourvues de moyens financiers.

Une chance pour des territoires attractifs comme notre future grande région. Je chausse ici la casquette de « Silver Economiste » que nous avons cousue, aux couleurs nationales avec Arnaud Montebourg lors de mes deux années ministérielles et que je décline aujourd’hui avec Alain Rousset pour notre future grande Aquitaine.

Les trois territoires (Aquitaine, Limousin, Poitou-Charentes) de cette future grande région n’ont que des atouts, et en premier lieu l’attractivité côtière de l’Aquitaine et de Poitou-Charentes ; mais aussi la gastronomie, l’oenotourisme et le haut niveau de services dans nos territoires (santé en particulier). Et si nous anticipions là-aussi ?

Les Allemands sont attirés par nos régions à l’égal des Anglais qui y occupent aujourd’hui des villages entiers. Le handicap pour nos voisins germaniques ? La langue, puisque là aussi personne n’anticipe et n’imagine qu’un hôtel, une station balnéaire ou thermale, un hôpital, où quelques pimpins parleraient convenablement la langue de Goethe constitueraient un réel atout pour que nos voisins y viennent en visite et y trouvent l’envie de prendre racine.

Laurent Fabius est venu récemment à Bordeaux saluer l’élection de la ville au titre de « destination privilégiée 2015 ». Pour autant, voyez-vous en nombre des publicités pour des locations de villas ou de résidences, des échanges d’appartement .. en nombre dans la « Süddeutsche Zeitung » ou  la « Frankfurter Allgemeine ».  Eh bien, que nenni ! Non plus qu’il n’y a, même en été, de lignes directes entre notre Région et  les principales villes allemandes.

A vrai dire, nous devrions sans doute, outre la langue, peaufiner un peu nos qualités d’accueil et mieux mesurer le goût de nos voisins pour ce qui fonctionne plutôt que pour ce qui a le cachet de l’antique..  Mais, bon, l’amélioration n’est pas exclue de part et d’autre.

Résolument positive, je demeure persuadée que la transition démographique ouvrira un champ d’opportunités considérables et en particulier d’échanges et de partenariats européens auxquels nous ne pensons même pas aujourd’hui. Et c’est bien là le problème.

 

 

 

 

 

 

 

Les janissaires et les tireurs de Saint Georges

Le « modèle allemand » qui est devenu dans notre univers médiatique une sorte d’entité référentielle, une marque de savoir-faire dans l’Europe en crise, le modèle allemand donc, s’interroge.

Au premier regard, c’est plutôt une bonne nouvelle. Le voilà devenu plus humain, plus imparfait et susceptible de doute. Le deuxième regard pourtant ne va pas sans amener lui-même quelques interrogations.

L’affaire est a priori plutôt sympathique. L’Allemagne est riche de sociétés, d’associations à composante folklorique et traditionnelle, qui lorsqu’elles défilent ou animent une fête font la joie du touriste d’un jour. Parmi elles, les « associations de   tireurs » (« Schützenvereine »), largement répandues outre-rhin.  Les tireurs en question sont bien de simples amis du tir, totalement pacifiques et qui n’ont d’autres visées qu’une cible à cercles concentriques ou un aigle en bois.

Les associations locales promeuvent chaque année au titre de « roi » le meilleur tireur du territoire dont le couronnement est l’occasion de fêtes débonnaires et chaleureuses.

Dans la petite ville de Werl sise en Westphalie, le roi de l’année de la « fraternité de tireurs Saint–Georges » s’appelle Mithat Gedik. Son titre a été acquis à la loyale, n’éveillant ni contestation, ni réserve dans la fraternité. Tout au contraire, le prêtre catholique de la petite cité (et président de la fraternité) en a fait l’objet de son prêche dominical, donnant le nouveau roi en exemple de l’intégration à la germanique, pendant outre-rhinois de l’intégration à la française et dont on va  voir qu’elle subit elle aussi quelques anicroches.

Le roi Mithat est en effet Turc. Jusque là, tout va bien, les Turcs sont au nombre de 3 à 4 millions en Allemagne où ils vivent globalement en bonne intelligence avec la population indigène. Comme la majorité de ses congénères Mithat est Turc ET musulman. Son épouse, pour autant,  est catholique et ses quatre enfants élevés dans la même foi que leur mère.

Comme il convient, en Allemagne plus qu’ailleurs la nouvelle souveraineté du tireur a été transmise en temps utile et sous pli à la fédération nationale dont font partie les tireurs de St Georges,

Et là patatras. L’article 2 des statuts de cette fédération multi-séculaire prévoit que ses membres et a fortiori ses rois,  en référence à son saint patron Georges, puissent défiler sous sa bannière et derrière le crucifix. En un mot qu’ils se revendiquent de la foi catholique, ou pour le moins chrétienne.

Un musulman peut-il donc être déclaré roi, fût-ce d’une petite association locale ?

La question a été posée au conseil fédéral qui en a longuement délibéré.  Ouvert aux changements du monde, il n’a pas radicalement répondu « non », mais ouvert trois possibilités pour la solution de ce cas difficile :

Le conseil fédéral de l’association, très conciliant a émis trois hypothèses :

– que l’association locale se retire de la fédération

– que le nouveau roi abdique et devienne alors « roi citoyen ». On appréciera au passage que cette fédération se soit pour cela inspiré du tiers Etat qui avait poliment suggéré à Louis XVI d’échanger sa couronne de roi de France, contre celle, plus citoyenne, de roi des Français.

-que le nouveau roi abjure sa religion pour se déclarer chrétien

La troisième possibilité était de trop. Tout époux d’une catholique qu’il fût, le roi turc apprécia peu le choix qui lui était offert et le rejeta avec des remarques peu amènes sur l’intégration à la germanique, qui décidément n’était qu’un mot et ne résistait pas à la promotion sociale qu’est par exemple l’accès au titre de roi.

Les médias se sont emparés de l’affaire, et d’articles en articles, l’opinion allemande délibère à son tour. L’horizon n’est pas noir au demeurant et tout porte à croire que le roi le demeure sans autre procédure.

L’histoire n’est pas pour autant dépourvue d’arrière-plan. Lors du concile de Constantinople, les évêques réunis en conclave délibéraient depuis de nombreux jours de la différence entre « Saint Esprit » et « Esprit Saint ». L’affaire durait sans que conciliation soit obtenue quand les janissaires forcèrent les portes et firent tomber toutes les têtes.

 

 

 

 

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