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Très justement, une commentatrice attentive de ce blog a posé la question « Quoi, rien sur la Tunisie ? »

J’ai toujours scrupule à parler de ce que je ne connais que par le filtre des journaux ou de la radio. Ce n’est pas le souvenir de l’incomparable parfum du jasmin dans une voiture roulant toutes vitres ouvertes qui suffit à former une vision politique (encore que… odeurs et parfums, qui volent à leur gré, sont toujours synonymes de liberté).

Une leçon, des inquiétudes et un constat.

La leçon est terrible : c’est, une fois encore, la terrifiante confirmation de la faiblesse des hommes face à l’insatiable appât de l’argent. Ce n’est pas une découverte, mais chaque fois que des responsables politiques, à tous les niveaux, compromettent leur crédibilité en accumulant les prébendes, en profitant outrageusement des avantages liés à leur fonction, en mêlant chose publique et intérêts privés, « amitiés » et finances… Cela me fait sortir de moi. Je ne l’utilise jamais pourtant dans le débat politique, sauf quand une déclaration de l’un d’eux vient par trop contredire ce qu’il applique à soi même.

Le double clan Ben Ali-Trabelsi a mené l’affairisme à son comble. Le scandale est double dans un pays qui reste pauvre. Et c’est d’abord ce scandale qui a déclenché la révolte tunisienne.

Il n’y a pas que la lettre de Guy Môcquet qui mérite d’être connue des élèves. L’histoire de Mohamed Bouazizi qui s’est immolé à Tunis n’est pas moins admirable. Homme jeune, diplômé, qui faute d’emploi n’avait d’autres moyens de nourrir sa famille qu’en vendant fruits et légumes dans les rues jusqu’au jour où un fonctionnaire corrompu a confisqué sa charrette et pris sa marchandise en l’insultant et en lui crachant au visage.

En s’immolant, Mohamed Bouazizi a rejoint Jan Palach dans cette étrange forme d’héroisme qui n’aura jamais connaissance de la portée de son acte. L’un est à l’origine de la révolution tchèque et de la venue au pouvoir de Vaclav Havel, l’autre a ouvert les fenêtres de la Tunisie.

Ouvert sur quoi ? Et c’est là que montent les inquiétudes. Le parti du Président (formule ô combien détestable sous tous les cieux) est fort et bien organisé. Il ne manquera pas de convoiter les parts de gâteau qui tombent déjà de la table désertée des souverains et il est le plus proche pour les ramasser. La composition du gouvernement mis en place aujourd’hui en témoigne.

Je ne sais rien de ce qu’on appelle l’opposition tunisienne. Sans doute multiple, dispersée jusqu’à ce jour mais, il faut l’espérer, animée d’une volonté de cohésion pour que le chaos ne succède pas à la dictature.

Et puis il y a une force que je ne sais pas davantage estimer ; celle des frères musulmans. L’esprit tunisien est peu porté à l’intégrisme, mais la misère s’engouffre parfois dans de bien tristes refuges. Les organisations islamistes sont elles aussi bien rodées à apporter nourriture, éducation, soins en même temps que dogmes, préceptes et anathèmes pour satisfaire en même temps les besoins matériels et combler le vide créé par le désordre et le désarroi.

Pour terminer un constat. Les Tunisiens réfutent avec raison le terme de « révolution du jasmin ». Cette fleur fragile n’y est pour rien, elle n’a jamais été l’emblème d’autre chose que de la douceur des étés et l’odeur de la liberté est sans doute plus âcre et plus violente. Cette révolution est en réalité la première révolution internet, comme la chute du mur de Berlin fut l’œuvre de la télévision de l’ouest.

Dans un pays, le nôtre, où des Ministres ont accusé mediapart de méthodes fascistes, sommes-nous si loin que cela du même urgent besoin de liberté et de changement ?

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