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Eh bien, parce que c’est, à plusieurs niveaux, une supercherie. Et, plus gravement encore, parce que c’est la démission de la politique.

Supercherie d’abord dans le choix de l‘expression. La règle d’or a un passé, intemporel, inscrit jusque dans l’inconscient des peuples. La règle d’or, dans toutes les religions et les philosophies dont elle constitue une base universelle, correspond à la règle « ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse ». L’expression n’a pas été choisie pas hasard, mais très clairement pour faire passer pour de l’or et de la morale, ce qui n’est qu’un vil caillou.

Supercherie dans la réalité de la vie politique. Une « règle d’or » était déjà présente dans le programme de Nicolas Sarkozy de 2007. Elle ne correspondait pas vraiment à la version actuelle, mais qu’importe : pendant plus de 4 ans, rien n’a été fait en ce sens et c’est quelques mois avant les présidentielles et un assez probable changement d’équipe qu’une illumination atteint le cerveau sarkozien.

Car il s’agit bien d’une illumination : l’inverse absolu de ce qu’il a mis en pratique pendant toute la durée de son mandat, comme pendant les six années de pouvoir de la droite qui l’ont précédé, creusant ainsi le déficit public et la dette bien au delà des seuls effets de la crise. Je rappelle que le Conseil d’Etat a établi que l’augmentation de la dette depuis 2007 relevait pour deux tiers de la gestion sarkozienne et pour un tiers seulement de la crise. Autre petit rappel : la dette publique était de 52,9% du PIB quand la gauche a quitté le pouvoir, elle approche aujourd’hui les 85% du PIB, soit la modeste somme de 1650 milliards d’euros. « Faites ce que je dis, pas ce que je fais » : on est assez loin de la version biblique de la Règle !

De quoi s’agit-il concrètement ? D’inscrire dans le marbre de la constitution l’interdiction de dépasser un niveau d’endettement supérieur à 3% du PIB. Au demeurant cette règle existe déjà depuis 2004 dans les traités européens signés par la France. Avec le succès que l’on sait.

Je donne la parole à un « expert » « Ce sera extrèmement compliqué (…) et ne consisterait qu’à se faire plaisir. On expliquera à la première crise grave que des circonstances exceptionnelles font qu’il n’y a plus d’autre moyen que de violer la constitution. » Cet homme qui ne « croyait pas trop » a été depuis lors converti : il a accédé au poste de Numéro 2 de l’Etat.

Les experts, les vrais, sont encore plus pessimistes : ils comprennent que cette règle d’or reviendrait à interdire toute politique de relance par l’investissement public, voire même tout soutien de la croissance et du pouvoir d’achat. Là est le piège : interdire tout choix politique à la prochaine majorité. Car cette règle, si un « Congrès » , réunissant les deux chambres, venait à la voter comme c’est de règle pour une modification constitutionnelle ne pourrait s’appliquer qu’en 2014. Voilà le prochain gouvernement bras liés au motif de donner dans l’esprit des Français un certificat de bonne moralité à Nicolas Sarkozy.

Le fond du problème est d’une extrème gravité : la « Règle d’or » signe la démission définitive de la politique. Ce n’est pas le Parlement, ni même le Président, qui choisiront s’ils doivent prioriser le budget de la Santé ou de l’Education, s’engager dans une relance, soutenir le pouvoir d’achat des ménages pour assumer le transfert du nucléaire vers les énergies renouvelables (ce qui ne pourra se faire sans augmentation du coût de l’énergie, investir dans l’innovation et la recherche… Ce sont les juges du Conseil constitutionnel qui trancheront et qui raboteront autant que nécessaire les budgets en cause. Voter la « Règle d’or » c’est pour un acteur politique se faire harakiri et renoncer aux marges de pouvoir qui sont les siennes.

Point n’est question aujourd’hui de tout promettre, non plus que de ne pas ramener les déficits dans les clous européens : nous savons qu’il va falloir prioriser, choisir, accepter d’attendre dans beaucoup de domaines, mais la direction, la décision entre le couple rigueur/récession ou le triplé contrôle des dépenses/augmentation des recettes/relance partielle, ce sont les politiques que nous aurons élus dans moins d’un an qui doivent le faire !

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