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Edvige : l’indispensable révision

« Courage, suivons ! » reste très fort d’actualité concernant le fichier Edvige, avec la décision de révision prise hier soir par le gouvernement. Il n’est d’ailleurs pas certain que le Président de la République ait éprouvé une souffrance trop grande en demandant à François Fillon et plus encore à Michèle Alliot Marie de revoir la copie : ces deux ministres ne sont pas ses préférés, et Fillon prenait ces derniers temps des airs de chef qui ne pouvaient qu’indisposer l’Elysée. Révision oui, déchirante, probablement pas.

Ecran de fumée ou authentique victoire des milliers de pétitionnaires, de tous ceux qui comme moi ont tenté de faire entendre leur voix, de ceux qui ont déposé des recours… ? Nous le verrons aux résultats : le fichage des enfants, les renseignements « comportementaux », la durée de conservation des données, l’extension de la possibilité de fichage à l »environnement » de la personne (sa famille, ses amis) doivent être impérativement rééxaminés. Sans cela, la quasi totalité des Français sera victime d’ « embastillement électronique », comme le dit Michel Pezet, ancien commissaire de la CNIL.

La CNIL, justement… J’ai été seule, je crois, à attirer l’attention sur la modération de son rapport, et malgré cela sur son absence d’effet. « Modération » est lui même un mot… modéré. Mollesse serait peut-être plus juste, en tout cas rien à voir dans les termes concernant Edvige avec la vigueur avec laquelle est condamnée la moindre liste de patients que vous pourriez trainer dans votre ordinateur pour des fins scientifiques.

J’ai eu quelques explications hier : Président de droite (Alex Türk), représentants du parlement tous UMP, l’équilibre n’y siège pas. Sous Lionel Jospin, nos représentants parlementaires étaient pour moitié de droite et de gauche. Actuellement, ce sont 2 sénateurs et 2 députés de droite.

Un débat va avoir lieu à l’Assemblée : ce sera aussi l’occasion de poser ces questions.

Edvige est un fichier, c’est devenu un feuilleton : attendons, ou plutôt préparons, la suite).

Que faut-il penser du RSA ?

Du bien et du mal, comme souvent. Le diable niche souvent dans les plis de la robe du bon Dieu.

Côté bon Dieu, on ne peut que partager les principes du RSA (Revenu de Solidarité Active) : il s’agit d’une prestation sociale universelle garantissant un revenu minimum aux foyers à faibles revenus et croissant avec les revenus d’activité. Il permet l’amélioration du pouvoir d’achat des travailleurs pauvres et incite à la reprise d’un emploi en creusant l’écart entre les revenus du travail et ceux du non-emploi.

Côté diable, la version initiale du projet était lourdement plombée : elle prévoyait le financement du RSA par la suppression de la prime pou l’emploi (PPE) ; ce qui équivalait à faire porter l’amélioration de la situation des travailleurs pauvres par les moins riches. Dresser l’un contre l’autre smicard et rmiste relève carrément d’un Lucifer à la fois dangereux et à courte vue. Les hurlements de la gauche lors de la présentation du projet ont fait heureusement battre le gouvernement en retraite, au profit d’une taxe sur les revenus du capital. Démonstration de mon antienne favorite : les députés d’opposition sont quand même beaucoup moins inutiles que ceux de la majorité.

Une fois écarté le péché originel de la loi, elle n’en sort pas blanche pour autant.

– le RSA fait des victimes collatérales : les personnes exclues du retour à l’emploi.
Ceux qui bénéficient des minima sociaux mais ne retrouvent pas un emploi ne connaissent aucun bonus. Le RSA abandonne les plus pauvres, chômeurs et exclus, alors que leurs revenus se dégradent : le montant du RMI ne représente plus que 60% du seuil de pauvreté contre 70% en 1995. Les minima sociaux sont en France plus bas que ceux des autres pays européens et l’intensification de la pauvreté des plus pauvres va devenir une spécialité française.

– le RSA n’améliore le retour à l’emploi même s’il en améliore un peu les conditions financières. Ne peuvent améliorer le retour à l’emploi que des mesures relatives aux gardes d’enfant, au transport, politiques de suivis personnalisés…

– les plus riches, du fait du bouclier fiscal, sont seuls à ne pas participer au financement du RSA

– Dans une entreprise, deux personnes faisant le même travail et « normalement » payées au smic ne recevront pas en fait le même salaire : celle qui est passée par la case RMI aura un bonus par rapport à son homologue entrée directement dans l’entreprise.

– le plus grave : le RSA risque de constituer une trappe à précarité et à bas salaires En en compensant partiellement les conséquences financières, le RSA encourage le développement de l’emploi précaire, du temps partiel, et des salaires les plus bas.

– le RSA ne change enfin pas radicalement la situation des plus pauvres. L’économiste Thomas Piketty a fait le calcul.
Une personne seule sans revenu touche 450 euros par mois de RMI.
Si elle trouve un emploi payé au SMIC son salaire net mensuel sera de 600 euros à temps partiel (20 heures), et 1000 euros à temps plein.
Ce salarié modeste touche une Prime Pour l’Emploi de 50 euros pour un salaire de 600 euros et 80 euros pour une salaire de 1000 euros
Outre la PPE, ce salarié s’il est à temps partiel relève du dispositif d’intéressement qui lui permet de conserver 12 mois un complément de 150 euros au titre du RMI.

Que change le RSA par rapport à ce dispositif ? pour un salaire de 600 euros, le complément passe de 150 à 200 euros et il devient permanent (et non limité à 12 mois). Cela suffira-t-il à doper les sorties du RMI ?

Au total : il n’est pas question de contrer le RSA mais de le compléter ou mieux, de l’accompagner d’une vraie réforme fiscale.

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Edvige : l’interrogation après l’indignation

Edvige fait brusquement irruption dans le brouhaha politico-médiatique : c’est une très bonne chose puisqu’il s’agit de condamner les excès de ce fichier qui s’autorise d’engranger des renseignements sur les « comportements » de toute personne ayant une activité publique et ceci … à partir de l’âge de 13 ans et sans limitation de durée de conservation des données.

Mais pourquoi cette audience aujourd’hui, alors qu’au moment de la parution au journal officiel début juillet, puis après le rapport de la CNIL , il a été si difficile de se faire entendre ?

Le 11 juillet dans ce blog, puis le 27, j’ai manifesté mon indignation d’abord de la teneur du fichier puis de la modération du rapport de la CNIL, ainsi que de son efficacité quasiment nulle. A quoi sert la CNIL si le gouvernement peut s’exonérer de son avis ?

Seul le magazine « Têtu » a relayé mes communiqués, évoquant particulièrement la possibilité de voir enregistrés des renseignements concernant les préférences sexuelles et la santé.

François Bayrou, Hervé Morin et jusqu’à Laurence Parisot, longtemps après le PS, s’indignent aujourd’hui de manière étonnamment synchrone. Sans doute ont-ils attendus de voir la liste des pétitionnaires atteindre une longueur suffisante.

Courage, suivons !

Parti socialiste : la motion Roux-Combalusier

Il y a quelques billets de là (billets du 17 et du 26 août), j’admonestais (!) le Parti socialiste pour
– qu’il choisisse ses batailles
– qu’il formule ses enjeux de manière simple et lisible

Ni l’un, ni l’autre ne sont aisés. En particulier, la formulation de l’essentiel est un art difficile. Je m’y suis essayée dans le même temps que cette admonestation, et en tête de la liste sont venues deux exigences
-remettre en marche l’ascenceur social
-la santé, premier outil d’égalité et d’autonomie

Les deux sont liés, et le second est bien évidemment l’outil essentiel du premier. Pourquoi la mobilité sociale est-elle si importante ? Parce qu’elle est à la fois le moteur et le témoin du « moral » d’une population et la condition qu’y perdure un esprit pionnier. Dans ce sens d’ailleurs, le premier de ma liste (la mobilité sociale) est aussi l’outil du second (la santé) : les sociétés sans moteur social sont celles où les gens vont mal.

Les chiffres français sont médiocres, même si ce ne sont pas tout à fait les pires des sociétés occidentales (Royaume-Uni et Etats-Unis font plus mal). Plus de 60% des Français vivent dans un autre groupe social que leurs parents. Même si la majorité continue de progresser, ils sont toujours plus nombreux à prendre l’ascenceur social dans le mauvais sens. Vingt-cinq pour cent sont aujourd’hui embarqués dans le « déscenseur » contre 18% il y 20 ans. Dans une quinzaine d’années, les chiffres entre montée et descente s’égaliseront. Où est le progrès vers lequel tendent des années et des années de réformes, d’espoirs, de croissance ???

Le plus révoltant est que les femmes, qui ont pourtant de meilleurs résultats scolaires, sont plus nombreuses que les hommes à descendre (28,7% contre 21,9%), même si elles « montent » en même proportion qu’eux.

La démocratisation de l’enseignement (lente, difficile, inégale, mais réelle) n’a pas suffi à promouvoir l’égalisation des chances sociales. C’est un constat lourd d’interrogations.

Quoi faire pour y pallier ?

– La santé. Je sais, je radote. Mais : un enfant né dans une banlieue défavorisée de Glasgow a une espérance de vie de huit ans inférieure à un enfant né à moins de quinze kilomètres de là, dans un quartier huppé (source : OMS) .
– La redistribution des richesses : un enfant de dix ans a huit fois moins de chances de savoir lire s’il est issu d’un milieu aisé ou d’un milieu « ouvrier » (ministère de l’éducation nationale).
– L’éducation dans la petite enfance. Je reviens à l’exemple que je donnais dans les billets cités : nous devons férocement investir dans la formation des éducateurs de crèche et d’écoles maternelles, et favoriser ce mode de « garde » . Et bien d’autres mesures dans ce domaine.

Voilà en tout cas une motion que je signe des deux mains !

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Un très beau « lycée des métiers »

Xavier Darcos, dont l’intérêt pour l’Aquitaine se précise chaque mois (…), est venu hier en personne et en direct annoncer à l’équipe du lycée professionnel Toulouse-Lautrec qu’il était retenu au rang de « lycée des métiers ».

L’occasion pour moi de faire connaissance de cet établissement, avec le même bonheur que, quelques jours avant, le lycée Gustave Eiffel. Toulouse-Lautrec, situé en plein coeur de Bordeaux, est un lycée récent, construit il y a dix ans, et d’une belle qualité architecturale. Il est aussi bien doté en équipements qu’en encadrement : 78 enseignants, dont plusieurs professionnels, pour 600 élèves.

De salle en salle, d’atelier en atelier (photographie, tapisserie, prothèse dentaire, couture spécialisée…) la même impression : élèves ayant le goût de ce qu’ils font, enseignants « branchés », suivant au plus près les nouvelles techniques (c’est particulièrement nécessaire pour la photographie), équipements performants, cadre de travail « propre et bien éclairé » comme aurait dit Hemingway. Et surtout au bout du compte : insertion professionnelle garantie. Tous les élèves sont, à la sortie, assurés d’avoir un job.

Une particularité qui m’a touchée spécialement : parmi les élèves, un nombre important de sourds, avec pour les accompagner des instructeurs en langue des signes. J’ai appris à cette occasion que la langue des signes française était devenue une épreuve du bac.

Au passage, je livre une interrogation, à laquelle je n’ai jamais reçu de réponse satisfaisante : pourquoi la langue des signes, qui ne se base sur aucun vocabulaire, n’est-elle pas internationale ? Des sourds m’ont expliqué que quand ils voyagent, ils comprennent assez bien leurs homologues langagiers, mais malgré tout ce sont bien des langues différentes qui sont parlées selon les pays. Quelle merveille ce serait qu’une langue internationale, un esperanto des gestes et des mimiques que même les non-sourds pourraient apprendre !

Nous avons eu récemment à Perrens une belle initiative dont je suis assez fière : financer l’apprentissage par un psychiatre de la langue des signes et mettre sur pied une petite unité. Les sourds ont plus que les autres des difficultés psychiques et ils pourront ainsi être soignés sans intermédiaire, sans traducteur, une tierce personne n’étant pas facilitante entre le praticien et son patient.

Même le mot de « lycée des métiers » est beau, et Toulouse-Lautrec, son proviseur M. Hage et son équipe, répondent bien à ce beau mot.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel