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Une heure dans le noir à écouter la voix de Moravia et celle de Brel (France-Inter, tout simplement). J’avais besoin de m’isoler, de n’être plus rien qu’un animal qui a besoin de se remplir des autres. Et Moravia disant -cent ans déjà-, « je vis pour savoir pourquoi je vis », c’est déjà être deux, reprendre force, rallumer la lumière et rallumer l’ordi.

Journée pleine, c’est à dire sans trêve, et dont je ne sens que le vide. Pourtant, combien de contacts signifiants : avec ces parents d’élèves oeuvrant pour la mixité sociale dans leur école, avec cet avocat m’expliquant que si les stages en cabinet sont trop chers, n’en feront plus que ceux qui ont le « capital social » pour en trouver…

J’interromps les exemples de ces rencontres du jour pour dire un mot de celle que je viens de citer : j’ai fait une question écrite au gouvernement, en ma qualité de députée, l’interpellant le ministre du travail sur la faible rémunération des stagiaires (380 euros mensuels, à compter du premier jour du quatrième mois de stage). Les jeunes sont démobilisés, décridibilisés d’être payés sur l’ensemble de la période 30% du smic. Mais me dit mon avocat : nous n’avons aucune obligation de prendre des stagiaires, et pourtant le stage est obligatoire pour valider le diplôme. Si le coût du stage devient trop important, n’en trouveront plus que les fils de collègues, l’ami de l’ami, et ceux, comme je le disais, qui ont un « capital social » leur assurant des relations et leur ouvrant les portes nécessaires. Aujourd’hui, seulement 60 % des jeunes futurs avocats trouvent des stages…

C’est un sujet important, ne serait parce qu’il faut toujours s’interroger sur les multiples faces de chaque problème. Les contraires ne s’excluent pas. La démobilisation des jeunes est vraie, le risque de sélection par le piston l’est aussi. Tout cela, je l’entends.

Je reviens au vide des journées trop pleines. Aujourd’hui, à plusieurs reprises, on m’a interrogé sur le pourquoi du petit livre que nous allons présenter demain à la « Machine à lire » : une année de mon blog, l’éphéméride de cette année de campagne qui a changé la donne à Bordeaux. Mais pas tout à fait que cela : une année de vie dans une vie dont on ne sait jamais combien elle en compte.

Pourquoi ? Pourquoi aimer l’écriture comme une amie, comme une amie dont on voudrait qu’elle devienne familière d’un autre qui l’écoute dans le noir ? (Oui, quand on lit, on est toujours un peu dans le noir, seul avec un autre qui parle, comme moi tout à l’heure).

J’ai cherché, comme Hemingway le conseillait, la phrase la plus simple, la réponse la plus vraie : pour retenir un peu entre ses doigts le sable de chaque journée.

Ce soir encore. Combien encore ?

Comments 18 commentaires

  1. 22/11/2007 at 22:50 jfpessac

    Une autre profession oblige ses futurs diplômés à effectuer un stage de 3 ans après 5 ans d’études préalables: ce sont les experts-comptables.
    Les stagiaires sont alors rémunérés à un minimum conventionnel légèrement supérieur au SMIC et leur salaire évolue généralement sur les 3 années en fonction de leur plan de carrière.
    Une enquête publiée en juin 2006 nous donne des informations sur la moyenne des salaires bruts annuels. En région Parisienne le salaire moyen d’un homme est de 28.000 € en 1e année et atteint 42.000 € en 3e année (pour les femmes 32.000 et 38.000 €). En régions les hommes débutent à 24.000 pour finir à 32.000 en 3e année (femmes: 25.000 et 26.000 €).
    Durant ces 3 ans il suivent également des formations obligatoires dont le financement est pris en charge par l’employeur.
    A l’issue de ces 3 ans il passent l’examen final qui permet de délivrer le diplôme.
    Pourquoi les avocats n’appliqueraient-ils pas ce système ?

    @ demain à La Machine à Lire

  2. 23/11/2007 at 09:31 Rosa et Missie

    Vous aimez les memes écrivains que moi. Moravia maintenant ! c’est presque agaçant !
    à ce soir quand meme.

  3. 23/11/2007 at 09:40 Annette

    Un autre matin: encore? …ou tant mieux? Encore tant de possible.
    Qu’importe ce que nous retiendrons: tout partira, en fumée, en poussière, qu’importe. Je ne retiendrai que l’échange, le sourire échangé, le regard qui réconforte et qui exprime cette solidarité de partager la même condition. Le reste: leurre, prétention…
    jusqu’au jour où on décide qu’il n’y aura plus d’autre matin
    parce que nous n’aurons plus besoin de chercher de réponse à la question d’A.Moravia.

  4. 23/11/2007 at 11:15 Gérard ELOI

    @ Michèle et Annette,

    Quand un style poétique et une saine philosophie illustreront tous les programmes politiques qui le mérite, l’humanisme aura fait un grand pas en avant.

    Comme le PS va gagner au printemps à Bordeaux, l’humanisme y aura fait un grand pas en avant.

    Amicalement

    GE

  5. 23/11/2007 at 12:02 dominique poirier

    "la vie n’est pas ce que l’on a vécu, mais ce dont on se souvient et comment on s’en souvient" Gabriel Garcia MARQUEZ
    Parfois un goût de folie ou de bonheur simple mais l’important c’est comme ce grand auteur colombien a intitulé un de ces livres "j’avoue que j’ai vécu"

  6. 23/11/2007 at 14:15 Eric

    merci à dominique de ce beau commentaire.

  7. 23/11/2007 at 14:38 Cécile

    Eh oui, il est plus simple de recruter tous les 3 ou 6 mois une personne déjà diplômée à bac +4 ou +5; j’ai moi-meme été stagiaire devant faire ses preuves pour un misérable 30% du smic . Certaines entreprises gagnent chaque jour de nouveaux marchés en valorisant leur responsabilité sociétale : "nous permettons à de nombreux étudiants de faire des stages et de se former chez nous." Les étudiants en seront d’autant plus reconnaissants lorsque toutes les entreprises joueront le jeu. En rémunérant des salariés très compétents (dits "stagiaires") à 30% du salaire minimum… on ne fait qu’accroître les inégalités entre ceux qui auront décroché le stage rémunéré grâce à papa et maman et ceux qui galèreront encore longtemps en se livrant corps et âme à une entreprise qui les méprise. Alors MERCI, Madame la Députée, de dénoncer cette injustice qui touche de nombreux jeunes aujourd’hui.

  8. 23/11/2007 at 18:00 Question

    C’est très bien de dénnoncer cela mais les anciens stagiaires devenus salariés (souvent cadres) ne participent-ils pas à ce système sans le dénoncer ?
    Dans la société où nous vivons, chacun d’entre nous a une part de responsabilité des malheurs des autres.
    Est-ce que nous combattons cela avec assez de force pour changer les choses ?

  9. 23/11/2007 at 19:01 Philippe V

    Mon fils ainé, en fin de 4° année d’école SUP INFORMATIQUE a du faire un stage de 3 mois pour valider son année. L’école est à Nice, il a trouvé un stage ( difficilement) à Paris ! 300 euros par mois, et on connait tous le prix du logement à Paris. C’était une société d’éditions : 2 directeurs, 1 salarié, et 13 stagiaires !
    Un des 2 patrons est avocat d’affaires. Les contrats de stage sont bétonnés.

  10. 23/11/2007 at 19:56 Lucas Clermont

    Ce qui paraît différencier un juriste d’un avocat c’est justement tout ce qui ne s’apprend pas, ou mal, dans un livre : la relation au client ; la gestion du stress lors des procès ; la négociation et la communication lors du procès ou en amont; la découverte que le droit n’est qu’un des aspects du métier d’avocat à côté de l’aspect administratif, financier, les ressources humaines, l’aspect commercial, bref les différentes fonctions d’une PME ; et cetera. Dès lors, le stage fait bien partie de la formation, en présente peut-être l’aspect le plus crucial. Prétendre à une rémunération lors de ce stage, autre qu’une légère indemnité, paraît peu fondé sinon à court terme. C’est ne pas voir qu’un stage bien négocié est un investissement précieux pour une vie professionnelle à condition que le cœur de la négociation soit l’enseignement qui peut en être retiré.

    On trouvera ce genre de débat sur les blogues d’avocats. je remets en lien celui d’Eolas, en particulier parce qu’il dit du mal du Nouveau Centre. À bon escient. http://www.maitre-eolas.fr/2007/...

    @ dominique poirier

    "Confieso que he vivido" serait plutôt l’autobiographie du poète et diplomate Pablo Neruda. Ce lapsus m’incline à penser que tu es Dominique qui, parle avec passion du Chili et de ses relation avec les opposants à la dictature d’alors. Cela m’aura fait passer avec plaisir une des ses longues journées à contrôler la régularité des élections.

  11. 24/11/2007 at 11:35 la fonction publique aussi

    à Cécile,

    La fonction publique reçoit aussi des stagiaires. Dans le meilleur des cas, dans ma structure, ils perçoivent une indemnisation qui est je crois le tiers du SMIC, et cela pour ceux qui ont le meilleur niveau (Bac + 5 ou 6). C’est frustrant mais il faut prendre en compte le réel apport de formation que peuvent être ces stages. Peuvent, car c’est irrégulier, en fonction de chaque offre, ou plutôt besoin ponctuel de la structure. Cette fonction publique, qui n’a que très peu de crédits à affecter à cela a parallèlement de grands besoins impliquant compétences. Les stagiaires nous sont très utiles sur le principe ; ils peuvent être une soupape de sécurité à notre cruel manque permanent de moyens stables. Cela implique que si nous participons à la formation d’étudiants, ce que décrit très justement Lucas Clermont, il nous faut absolument un retour. Pour ma part, j’aime beaucoup transmettre mon expérience, donner à de plus jeunes, et en même temps je n’ai absolument pas le temps de donner sans équilibrer par un réel apport. Je fuis donc cette seconde situation.
    Le manque de moyens, humains et matériel, est le vrai problème, la vraie question de fond. La réduction voulue de ces moyens, fallacieusement transformée en "réduction du train de vie de l’Etat", sans cesse prônée par le gouvernement en place, et si démagogique dans le vocabulaire, ne peut qu’accentuer cette situation.

    Je peux vous affirmer, Cécile, qu’il n’y a pas, pour autant, quelque mépris que ce soit des stagiaires de notre part, même si nous les voulons rentables, voire si parfois nous les exploitons en essayant d’obtenir la meilleure production possible, ce à quoi je participe. Ne pas croire cela, qui fausse le jugement et blesse sans raison les intéressés. Nous sommes simplement sous pression, pris nous-même à la gorge, voilà tout (si je puis dire ) Cette situation doit être similaire, souvent, dans le privé.

    Il faut donc faire la différence entre les situations. L’exemple donné par Philippe V est autrement parlant, semble relever de la vraie exploitation sordide. Il me rappelle une chef d’entreprise qui, très à l’aise, égoïste et cynique, me disait ne pas recruter puisqu’elle pouvait prendre des stagiaires gratuits. Elle avait même le choix parmi de nombreux postulants, prenait les meilleurs profils. Nos étions deux fonctionnaires à entendre cela, de deux administrations différentes, mais liées sur un même projet dont cette personne pouvait être l’un des bénéficiaires. hoqués, nous nous sommes promis de ne pas trop l’aider, mauvais usage des fonds publics.

    Par contre oui, totalement d’accord : ces stages peu ou non rémunérés, étant à considérer comme stricte formation, accentuent la sélection sociale. C’est flagrant et il est malhonnête de ne pas le reconnaître. Qui peut s’offrir cela, qui peut bénéficier des stages les plus formateurs, comment les reconnaître, les obtenir ? Mieux vaut être déjà dans les réseaux ! N’oublions pas qu’un étudiant sur deux travaille pour subvenir à ses besoins.

  12. 24/11/2007 at 13:12 superpado

    Allez, une bonne nouvelle c’est pas du luxe en ce moment!

    Les australiens ont donc donné la victoire aux travaillistes… coup de pied au cul à Bush? à l’OCDE? au sceptiques sur le réchauffement climatique?
    Les Australiens ont remercié les conservateurs battus par 54 contre 46%: Irak, lois sur le travail dictées par l’OCDE, scepticisme sur le changement climatique dans un pays soumis à des changements climatiques visibles. Tout cela a du jouer en même temps.
    Pour la forme, un souvenir: le chanteur de Midnight Oil, Peter Garett était le shadow ministre de l’environnement travailliste. Il devrait logiquement devenir ministre de l’environnement. Le Labour australien a promis de ratifier Kyoto: un coup de pied dans le cul de Bush?

  13. 24/11/2007 at 13:12 superpado

    Allez, une bonne nouvelle c’est pas du luxe en ce moment!

    Les australiens ont donc donné la victoire aux travaillistes… coup de pied au cul à Bush? à l’OCDE? au sceptiques sur le réchauffement climatique?
    Les Australiens ont remercié les conservateurs battus par 54 contre 46%: Irak, lois sur le travail dictées par l’OCDE, scepticisme sur le changement climatique dans un pays soumis à des changements climatiques visibles. Tout cela a du jouer en même temps.
    Pour la forme, un souvenir: le chanteur de Midnight Oil, Peter Garett était le shadow ministre de l’environnement travailliste. Il devrait logiquement devenir ministre de l’environnement. Le Labour australien a promis de ratifier Kyoto: un coup de pied dans le cul de Bush?

  14. 24/11/2007 at 14:24 superpado

    Comme je déteste que l’on s’approprie le travail des autres et qu’une manip de clavier m’a trahie je reposte le lien qui manque à mon post précédent
    http://www.intox2007.info/index….

  15. 24/11/2007 at 14:24 superpado

    Comme je déteste que l’on s’approprie le travail des autres et qu’une manip de clavier m’a trahie je reposte le lien qui manque à mon post précédent
    http://www.intox2007.info/index….

  16. 24/11/2007 at 14:56 James

    Pour montrer que beaucoup de chemins mènent à Rome ou que d’atres pays avec le même problème trouvent d’autres – et peut-être meilleures – solutions, je ne voudrais qu donner l’exemple allemand pour la formation des juristes. Ces derniers, après la fin de leurs études universitaires, poursuivent ler formation avec un statut de fonctionnaires "révocables" qui se termine automatiquement avec la fin des deux années de formation. C’est bien encadré et surtout c’est rémunéré à peu près comme un instituteur. Cela permet de vivre cette période de formation à laquelle tous ont droit dans des conditions matérielles convenables et indépendamment des situations financières familiales.

  17. 24/11/2007 at 16:01 James

    (suite)
    Toutefois depuis quelques années, les "avocats stagiaires" ("Rechtsreferendare") peuvent aussi dans certains länder allemands faire cette formation en dehors du fonctionnariat, avec un statut d’employés, mais avec des conditions materielles similaires.
    Notons toutefois que vu l’avalanche de jeunes juristes il peut y avoir des périodes d’attente de plusieurs mois, voire d’un an, et que la note obtenue de fin d’études peut dans ce contexte jouer un rôle important.
    Finalement, il faut prendre cette comparaison avec "grano salis" car les jeunes passent leur bac en général un peu plus tard que jes jeunes Français et qu’en plus les études durent souvent plus longtemps si bien que les juristes en fin de formation ont atteint 28 à 30 ans. Beaucoup son évidemment mariés à cet âge et ont des enfants; le soutien matériel public est d’autant plus important.

  18. 24/11/2007 at 16:01 James

    (suite)
    Toutefois depuis quelques années, les "avocats stagiaires" ("Rechtsreferendare") peuvent aussi dans certains länder allemands faire cette formation en dehors du fonctionnariat, avec un statut d’employés, mais avec des conditions materielles similaires.
    Notons toutefois que vu l’avalanche de jeunes juristes il peut y avoir des périodes d’attente de plusieurs mois, voire d’un an, et que la note obtenue de fin d’études peut dans ce contexte jouer un rôle important.
    Finalement, il faut prendre cette comparaison avec "grano salis" car les jeunes passent leur bac en général un peu plus tard que jes jeunes Français et qu’en plus les études durent souvent plus longtemps si bien que les juristes en fin de formation ont atteint 28 à 30 ans. Beaucoup son évidemment mariés à cet âge et ont des enfants; le soutien matériel public est d’autant plus important.

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