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Le Point.fr, le 18 juin 2007

En terrassant Alain Juppé sur ses terres bordelaises, Michèle Delaunay (PS) a déclenché un séisme dans une circonscription détenue par la droite depuis la Seconde Guerre mondiale.  Rencontre avec celle qui, avant d’acquérir une notoriété nationale, n’a longtemps été que la rivale du maire de Bordeaux.

Le Point.fr : Dans quel état d’esprit vous trouvez-vous maintenant, quelques heures après avoir remporté cette élection législative ?
Michèle Delaunay : J’éprouve de la fierté à être celle qui concrétise le vent de liberté qui souffle depuis un certain temps sur Bordeaux et que nous percevons de scrutin en scrutin. J’ai mené une campagne de proximité pour montrer aux Bordelais que, dans cette circonscription, le temps de l’alternance était venu. Je suis fière d’y être parvenue.

A l’issue du premier tour, vous accusiez un retard de 12 points sur Alain Juppé. Comment expliquez-vous ce renversement de tendance ?
Alors que, entre les deux tours, j’ai essayé de mobiliser les abstentionnistes, le taux de participation est demeuré faible. Pourtant, j’ai réussi à combler mon retard. Je pense donc que les électeurs qui se sont rendus aux urnes pour ce second tour n’ont pas été tout à fait les mêmes que ceux du 10 juin. Et je tiens à remercier les Verts et la gauche extrême qui, dès le premier tour et sans souci d’appareil, ont exprimé leur volonté de concourir à cette victoire. Mais je veux aussi remercier le candidat du MoDem, Ludovic Guinard : il n’a pas cédé aux pressions qui ont été exercées sur lui pour qu’il rallie l’UMP et il n’a pas donné de consigne de vote. Je pense qu’une partie au moins de ses électeurs se sont portés sur moi.

Pensez-vous que la visite amicale que Ségolène Royal vous a rendue entre les deux tours ait beaucoup joué en votre faveur ?
Sans aucun doute ! Elle a incontestablement donné un élan. D’autant que cette visite a pris la forme d’une manifestation très spontanée : après avoir marché avec elle dans les rues de Bordeaux, nous nous sommes retrouvés un millier place de la Bourse, où nous avons parlé en nous juchant sur un banc. C’était beaucoup plus chaleureux et naturel qu’un meeting !

Avez-vous le sentiment que la gauche ait progressé durablement à Bordeaux ?
La progression de la gauche est durable car elle est progressive. Nous avions déjà constaté des avancées significatives à l’occasion des précédents scrutins : en 2004, je n’ai perdu la législative partielle qui m’opposait à Hugues Martin que de 566 voix et, au second tour de l’élection présidentielle, Ségolène Royal a rassemblé ici plus de 54% des suffrages. Mais jusqu’ici, la gauche bordelaise avait de la timidité à s’exprimer dès lors qu’Alain Juppé était en lice : au cours des scrutins précédents, j’ai souvent entendu des électeurs dire qu’il était inutile de se déplacer car l’élection était jouée d’avance. Heureusement, cette fois-ci, la gauche bordelaise a cru la victoire  possible.

Alain Juppé a déclaré qu’il allait remettre sa démission au chef du gouvernement et qu’il allait rapidement réunir son conseil municipal. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Alain Juppé avait choisi avant cette élection de demeurer à la tête de la municipalité. Personnellement, je trouve que ce n’est pas une bonne chose : je suis contre le cumul des mandats. De même, j’ai regretté qu’il fasse peser sur ce scrutin une pression supplémentaire en brandissant le spectre de sa démission du gouvernement. Mais je pense qu’il ne faut pas tout mélanger : il a certes perdu hier, mais il reste le ministre d’un gouvernement désigné par un président de la République légitimement élu.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel