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C’est une des annonces de François Hollande  lors de sa conférence de presse du 5 février. En réalité, l’annonce tient dans le fait de le souligner et d’en faire clairement un objectif : depuis qu’elle existe, l’école maternelle a pour objet l’apprentissage des savoirs fondamentaux dont la langue maternelle fait partie en tout premier lieu et la socialisation. C’est un remarquable outil d’équité sociale et tous les efforts doivent être faits pour la soutenir et la généraliser.

L’apprentissage de la langue est le premier outil de tous les apprentissages. Il est à l’âge maternel grandement facilité par l’incroyable capacité d’acquisition des jeunes cerveaux et l’on sait que dans des couples mixtes, l’acquisition de 2 voire 3 langues peut être de type maternel.

L’inspectrice générale Alice Delaunay, ma mère, avait lancé dans les années 70 la bilinguisme dès l’école maternelle avec le plein soutien du linguiste Claude Hagège. Ce fut un succès mais malheureusement les crédits ne suivirent pas pour « transformer l’essai » et développer à l’école primaire les acquisitions déjà faites. L’Europe aurait bien fait de s’emparer de ce projet qui eût grandement contribué au sentiment de citoyenneté européenne.

L’annonce du Président prend un sens particulier quand on sait qu’un très grand nombre d’enfants parlent aujourd’hui une autre langue que le français à la maison. Le plus souvent, un des dialectes arabes, quelquefois la langue turque, le tamazight, le romani… Ou bien sûr une des grandes langues européennes.

C’est donc renouer avec cette notion que les premières années sont favorables à l’apprentissage précoce des langues, et ce peut être deux langues, dont l’une doit être le français si l’on veut donner toutes leurs chances à des enfants qui vivent en France et dans leur grande majorité sont français.

La langue -ou plutôt sa mauvaise connaissance- est le premier facteur de ségrégation sociale et professionnelle. Chanter, réciter, jouer en français, c’est apprendre le français. J’ai été très surprise d’entendre ce matin le sociologue de l’éducation François Dubet s’étonner de l’annonce du Président « on n’apprend pas le français à deux ans ! » . Mais si, bien sûr et même avant ! Les premières phrases d’un enfant qui commence à parler sont souvent plus complètes et plus complexes qu’on ne l’imagine. Les enfants ne les comprennent d’ailleurs pas toujours dans leur complexité mais la langue a pour autant fait son chemin et elles s’éclaireront d’elles mêmes.

Demander aux institutrices maternelles de s’assurer de cet apprentissage précoce n’est nullement une non reconnaissance de ce qu’elles font déjà mais au contraire une manière d’en souligner le caractère fondamental. Telle Shiva, j’applaudis de toutes mes mains. Accompagnons ces institutrices en parlant aux enfants dans un français riche et correct.

 

Comments 10 commentaires

  1. 06/02/2015 at 10:39 Luz

    Encore faut-il que les adultes, à commencer par les politiques ( madame bravitude est aujourd’hui ministre etc …) mais aussi les maitres et maitresses de maternelle, sachent parler correctement le français.

    C’est aux adultes aujourd’hui qu’il convient de donner des cours de français, et je ne parle pas des adultes « étranger », eux ont au moins pour eux la maitrise d’une autre langue que le français.

    Non non, c’est aux adultes « français » qui ne maitrisent souvent pas bien les langues étrangères, qu’il faudrait urgemment faire faire des stages de remise à niveau en français.

    Ce qu’on entend aujourd’hui ce sont des phrases du type « Je suis sur Paris », au lieu de « Je
    suis à Paris », « Je suis dans le positif » au lieu de « Je positive », « C’est moi qui a fait ça » au lieu de « C’est mois qui ai fait ça »…

    Et combien de fautes d’orthographe à l’écrit, tous niveaux de diplômes confondus, toutes professions confondues ?

  2. 06/02/2015 at 10:41 Luz

    Moi même j’ai fait une faute qu’il convient de corriger « C’est moi qui ai fait ça » (et non mois)

  3. 06/02/2015 at 12:53 Chavanne

    S’il ne s’agit pas d’une non reconnaissance de notre métier d’enseignants, alors de quoi s’agit-il exactement ? ?
    Auprès de qui est-il besoin de souligner le caractère fondamental de l’apprentissage du langage à l’école ? ??
    Apprendre aux futurs citoyens à bien parler est fondamental, oui.
    Mais encore faut-il leur apprendre la valeur du langage, sans quoi ils rejoindront la grande communauté des parleurs à la langue de bois parfaitement maitrisée et à la pensée creuse…
    Fort heureusement, les enseignants sont là pour y veiller.

  4. 07/02/2015 at 13:24 alphonse

    Moi aussi, et mes petits camarades à part quelques rares exceptions, en sortant de « l’école gardienne » en ’53-’54, nous « savions » lire, écrire et calculer, ou presque: pour l’instituteur qui nous prenait à l’âge de 6 ans, le terrain avait été largement défriché par notre « petite chère soeur Zoé » …

    Oui, oui, Louis! des soeurs « de la doctrine chrétienne », maison-mère à Nancy.
    Ce qui ne m’a pas empêché, mais plutôt servi, après bien d’autres immersions théologiques, à devenir le meilleur athée du canton…

    Rien à voir avec l’Institut mus(h)u(l)maniste Averroès (à quelles sauces n’a-t-on associé ce nom?!) de Lille et son contrat (et caution?!) d’Etat.
    (Un lycée musulman lillois porte plainte pour diffamation
    AFPPar AFP | AFP – il y a 17 heures)

    Bien lire à ce propos l’interview d’Elisabeth Badinter dans Marianne ce 3 février; je cite un peu:
    « …je suis juive : l’histoire familiale m’a appris que l’on avait tout intérêt à ne former qu’une seule humanité. Je regrette d’ailleurs que, en réaction à l’abdication de la laïcité face à l’intégrisme musulman, la partie communautariste des juifs se soit renforcée, développant le port de la kippa en public, et que certains catholiques réagissent de même, comme on vient de le voir à propos des crèches dans les mairies. »….
    « Je ne pardonne pas à la gauche d’avoir abandonné la laïcité »
    Mardi 03 Février 2015 , dans Marianne…

    Hors sujet?…!…sauf de l’utilité d’une alphabétisation la plus rapide possible. Pour elle-même!

  5. 07/02/2015 at 13:38 alphonse

    «  »Le verbe est une chose insignifiante en soi, un souffle infime, rien de plus. Toutefois, c’est dans et par le mot que nous prenons d’abord conscience de notre humanité. Tant que nous aurons à notre disposition les mots, nous pourrons rejoindre autrui au sein d’une chaîne de voix qui ne seront jamais bâillonnées. C’est notre unique, notre modeste, notre durable garantie en ce monde et contre ce monde. Tant que ce sera possible, je parlerai, je ne pourrai pas me taire ». »
    André Brink, immense écrivain en lutte contre l’apartheid (le vrai, qu’on commence à découvrir…en France) décédé ces jours-ci. Voir in lalibre.be

  6. 07/02/2015 at 16:01 Alain

    Curieux qu’en ces temps de susceptibilité exacerbée des genres, on continue de qualifier sans contestation de « maternelles » la langue des parents et les premières années de l’école primaire, avant le cours préparatoire. Comment, aujourd’hui, un enfant élevé par deux pères peut-il comprendre qu’il apprend avec eux sa langue dite maternelle ? N’est-il pas de la même façon incongru qu’un jeune enfant soit confié à une école dont le nom semble indiquer qu’on n’y trouve que des maîtresses, alors qu’il a lui-même un maître ? Il est aisé de comprendre ce qui a justifié à l’origine cette appellation pour l’école : non obligatoire, elle était un lieu de refuge ou de substitution pour des enfants dont l’âge justifiait normalement qu’ils demeurent avec leur mère à la maison. Les mères se sont émancipées depuis par le travail et le père n’est plus trop occupé à la chasse de nos jours, du moins quand il a la chance d’avoir un emploi. Peut-être le moment est-il donc venu d’adapter la langue aux réalités du siècle. Il suffit pour ça, comme le chantait Trenet, d’un peu d’imagination.

  7. 07/02/2015 at 17:54 alphonse

    De l’imagination, certes, et quel que soit le maître…

    Encore dans Marianne, Keller du Grand Orient, en remet une couche:

    « L’école est aussi le lieu où chacun doit accéder à la liberté, c’est-à-dire avant tout la liberté de l’esprit. Cela passe par un enseignement qui mette en perspective le chemin qu’ouvre l’exercice de la liberté de conscience : il doit favoriser l’éclosion de l’esprit critique, l’aptitude à mettre à distance ses propres opinions et préjugés. Mais l’enseignement doit aussi favoriser une réflexion sur toutes les entraves et inégalités qui fragilisent le pacte citoyen, à savoir les discriminations, les inégalités entre les hommes et les femmes.

    Réaliser une telle ambition repose sur quelques prérequis nécessaires : la maîtrise du langage et de l’écriture chez l’élève demeure le fondement indispensable à l’exercice d’une raison éclairée. Expression du caractère libérateur du savoir, cette maîtrise est nécessaire à toute construction d’une sociabilité fondée sur le dialogue. »

    La maîtrise du langage et de l’écriture…en rouge dans le texte…
    ‘(Rappeler ce qu’est la laïcité
    Jeudi 05 Février 2015
    Daniel Keller)

  8. 08/02/2015 at 13:41 maurin

    chère madame ,
    Ayant fait mes études d’orthophonie à Bordeaux il serait bon de demander l’avis des spécialistes de la petite enfance et du langage de l’institut d’audiophonologie
    voir mon post sur FB salutations
    JC maurin orthophoniste en centre et libéral ayant travaillé en relation avec les diverses instances scolaires publiques ou sanitaires cmi cmpp de ces quartiers
    car vous soulevez un réel problème mais la solution est-elle la meilleure ????

  9. 09/02/2015 at 10:48 Marie

    A l’antenne de France Info ce matin dans l’émission « Le vrai du faux », Najat Vallaud Belkacem cite une étude américaine qui a montré en 2003 qu’en une heure, un enfant de parents qui vivent d’allocations entend en moyenne environ 600 mots, contre 1.200 dans une famille modeste et plus de 2.000 mots pour un enfant de parents riches.

    La langue est donc un véritable marqueur social et son apprentissage en est d’autant plus primordial… autant à la maison qu’à l’école qui doit trop souvent se substituer à des parents qui ne « nomment » pas suffisamment les choses.

    Et quand on voit la facilité et la vitesse à laquelle un jeune enfant – qui ne parle pas encore ! – comprend et assimile les mots et les significations, ce serait dommage de s’en passer !

  10. 09/02/2015 at 11:55 Maya

    Petite leçon de vocabulaire par un enfant de 9 ans :
    Sa soeur pleure sur la mort d’une araignée, ce qui finit par faire réagir son père : « arrête, des insectes, il y en a des milliards ! »
    Et une petite voix assurée s’élève du fond de la chambre voisine : « une araignée, ce n’est pas un insecte ! c’est un arachnide ! ».
    Outre la leçon ( et aussi la fierté des parents), ça a eu pour effet de clore le sujet !
    🙂

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