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Nous parlions hier avec Odile, membre très actif du Réseau Education Sans Frontières, des dossiers que nous avons en commun, dont plusieurs sont humainement très éprouvants. Un des pires exemples de la politique d’Immigration du gouvernement est pourtant parisien. Un jeune homme, Baba Traoré, venu en France pour donner son rein à sa soeur. Les médecins n’avaient pas trouvé de donneur compatible, et il a été fait appel à son frère qui est venu en France spécialement pour l’intervention.

On imagine les liens que cela crée entre un frère et une soeur. Baba Traoré est resté chez sa soeur en France et il travaillait ; malgré cela et malgré le contexte familial, le permis de séjour lui a été refusé.

Il s’est jeté dans la Seine. La suite de ce billet est le récit du drame.

La mort d‚un Malien renforce les critiques contre la « chasse aux sans-papiers » https://www.educationsansfrontieres.org/?article12714

Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées sous la pluie, dimanche 6 avril, à Joinville-le-Pont (Val-de-Marne) pour rendre hommage à Baba Traoré, sans-papier décédé vendredi en se jetant dans la Marne pour échapper à un contrôle de police.

Malien, Baba Traoré était âgé de 29 ans. Il était arrivé en France en 2004 pour donner un rein à sa soeur, aujourd‚hui âgée de 40 ans, qui souffre d‚une insuffisance rénale. C‚est le professeur Christophe Legendre, chef du service de transplantation rénale à l‚hôpital Necker, à Paris, qui l‚avait fait venir pour effectuer cette transplantation. Célibataire, il habitait chez sa soeur et travaillait pour des entreprises de nettoyage et du bâtiment. Mais son autorisation de séjour avait expiré il y a un an et son renouvellement, qu‚il avait demandé pour raison médicale, lui avait été refusé. En septembre et en décembre 2007, il avait déjà été interpellé avant d‚être relâché. Mais depuis janvier, il était sous le coup d‚une obligation de quitter le territoire.

Vendredi, Baba Traoré se rendait chez un ami lorsqu‚il a été contrôlé à la gare RER de Joinville-le-Pont, par des personnels de la RATP et des policiers venus leur prêter main forte, comme cela se fait régulièrement dans le département. Le jeune homme présente sa carte Navigo, seul document en sa possession. Et ne peut donc justifier de l‚identité qui figure sur son titre de transport. Les policiers lui demandent de bien vouloir l‚accompagner dans leur véhicule pour consulter leurs fichiers. Baba Traoré prend alors la fuite et court en direction du pont de Joinville, à 400 mètres de là. Les policiers se lancent à sa poursuite. Arrivé sur le pont, le jeune homme enjambe la rambarde et saute. L‚île Fanac est toute proche et lui paraît peut-être un abri possible.

Alertée, la brigade fluviale le repère quinze minutes plus tard, dérivant dans les eaux de la Marne. Baba Traoré est ramené sur la berge sans connaissance. Le SAMU 94 le réanime mais c‚est dans un état critique qu‚il est transporté à l‚hôpital Lariboisière à Paris, où il succombe à une crise cardiaque. Le jeune homme a probablement été victime d‚une hydrocution. La température de l‚eau était de 6 degrés.

Une enquête pour recherche des causes de la mort a été ouverte et confiée à l‚inspection générale des services (IGS, le police des polices). A ce stade, pour le préfet du Val-de-Marne, Bernard Tomasini, et le procureur, rien ne peut être reproché aux policiers : ceux-ci n‚ont pu qu‚appeler les pompiers après avoir assisté au saut du jeune homme, derrière lequel ils couraient sans l‚avoir rattrapé. « D‚après nos informations, il n‚y a eu, au cours de la fuite, aucun contact entre les policiers et la personne », insistait lundi matin le préfet.

Samedi, plusieurs milliers de personnes ont manifesté en France pour dénoncer la politique d‚immigration du gouvernement. A Paris, où le défilé a rassemblé entre 15 000 et 20 000 personnes selon les organisateurs, 4 200 selon la police, la mort de Baba Traoré était dans tous les esprits. Nombre de participants ont dénoncé la « xénophobie d‚Etat » et ses conséquences meurtrières, rappelant que Baba Traoré n‚était pas la première victime de « la chasse aux sans-papiers ».

En août 2007, Ivan, un enfant de 13 ans d‚une famille russo-tchéchène déboutée de l‚asile, est resté quelque temps dans le coma après avoir tenté avec son père de fuir, par le balcon, la police venue à leur domicile. En septembre, Chulan Zhan Lui, une femme chinoise, est décédée après s‚être jetée par la fenêtre de son immeuble, prise de panique à l‚arrivée de policiers venus interroger son logeur. En février, John Maïna, un Kenyan, s‚est pendu après avoir appris le rejet définitif de sa demande d‚asile.

Absent de la manifestation parisienne, le Parti socialiste a cependant dénoncé après la mort de Baba Traoré « le climat de terreur » que fait, selon lui, régner le gouvernement chez les sans-papiers, en pratiquant une « politique absurde du chiffre ».

Vendredi soir, le directeur de l‚association France Terre d‚Asile avait appelé « solennellement » le gouvernement à un « moratoire sur la politique d‚éloignement ». « La France, estimait-il, à trois mois de prendre la présidence de l‚Union européenne, ne peut pas donner l‚image d‚un pays où l‚on meurt pour un défaut de titre de séjour. »

Laetitia Van Eeckhout Le Monde du 07/04/08

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