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Addiction

Ouf, je vous retrouve et je retrouve le blog comme un compagnon familier avec lequel on vient converser. Vingt-quatre heures de séparation (mon « wanadoo volant » refuse obstinément ses services) qui s’achèvent enfin grâce à l’installation d’un vrai grand ordinateur dans mon bureau de l’Assemblée.

Trois jours à Paris pour un texte très important, improprement appelé « continuité du service public ». Je lui consacrerai un billet tout à l’heure. Ma fenêtre est ouverte sur un grand mur blanc et au dessus un grand morceau de ciel d’un bleu pur. Au delà, on entend très confusément le rumeur de la ville, le roulement estompé des voitures. C’est très drôle d’être ici, à la fois à Paris, dans un des plus beaux bâtiments de la République, et pas à Paris, n’importe où quelque part dans le monde où se trouverait ce bâtiment.

Demain soir, je partirai sans avoir rien vu d’autre que mon bureau et le bâtiment principal de l’Assemblée qui se trouve de l’autre côté de la rue. Tout à l’heure, j’ai reçu une candidate au poste d’assistante parlementaire et je l’ai pilotée pour un bref tour des lieux. Je lui ai montré la collection de Marianne(s) dont les photographies viennent par groupes sur le photoblog.

Voilà, je voulais juste bavarder, dire comme on l’entend bien souvent dans les portables « je suis arrivée, je vais prendre le train », toutes ces choses rien-disantes qui sont juste là pour faire un signe, pour dire que nous sommes tous des humains, et tous un peu paumés quelque part dans un monde étrange dès qu’on se met à le regarder.

Devinette

Un muscle mou qui travaille plus dur que tous les autres.

Qu’est donc ce drôle d’organe que tout aujourd’hui concourt à anesthésier, à endormir, à déjouer quand il faudrait au contraire le développer, l’entretenir, l’aguerrir, l’entourer de soins et de vigilance parce qu’à tout prendre, il reste le meilleur de nos outils ?

Le cerveau bien sûr. Il ne faut pas en faire toute une histoire : un organe comme un autre, juste un peu plus malin et plus complexe, qu’il il faut protéger de l’ excès de tout ce qui n’a d’autre objet que de l’atrophier ou de l’anesthésier : la télé, les jeux stupides, les drogues, l’alcool, le grignotage toute la journée… A des degrés divers, tous ceux-là ont d’abord cette fonction, vider la tête, détourner la pensée d’elle-même.

Quand il y aura pour l’entretien de ce muscle autant de magasins, d’articles variés, de substances diverses, que pour tous les autres muscles, nous irons mieux. A quand un immense décathlon de la tête, un José Bové de la mal-bouffe intellectuelle ?

A vrai dire, pour ce dernier exemple, je me sens assez bien dans le rôle et je pose clairement ma candidature.

L’injonction de soins

Du jardinage -presque de l’agriculture, tellement mes efforts sont largement dispensés- au blog. Je m’approche du petit clavier fourbue et terrue comme au retour du binage des pommes de terre. « Terrue » n’existe pas, mais il me parait parfaitement appropriée à la situation. Les mots ainsi formés (chenu, ventru..) sont des mots plein de réalisme, légérement mais amicalement dépréciatifs. Terrue me parait digne d’accéder aux dictionnaires, pour le moins au dictionnaire des mots du jardin.

Il n’est en tout cas pas du tout le sujet de ce billet, comme le titre l’indique. En exposant les trois piliers de la loi de lutte contre la récidive (voir billet du 17 juillet), présentée à l’Assemblée par Rachida Dati, je m’étais réservée de parler plus tard du troisième, tant il est complexe et problématique. Ce troisième point, c’est l’ injonction de soins : en cas de faute grave, si un expert déclare que le prévenu est atteint de « troubles », la loi impose automatiquement de le soigner. Le juge peut, s’il motive sa décision, écarter cette disposition, mais relativement à l’état précédent, la règle est inversée. C’était, précédemment, le juge qui décidait si l’expertise devait amener au soin et non s’il ne devait pas automatiquement y conduire.

On pressent l’ambiguïté de la situation déjà dans les termes : qu’est-ce que le soin ? De quelle nature est-il ? Qui va l’administrer ? Implique-t-il un traitement ? De quelle nature là-aussi ?

La loi ne répond pas sur ces points. On pense bien évidemment d’abord au suivi psychiatrique. On sait que le plupart des délinquants souffrent de troubles psychiques ou de véritables maladies psychiatriques. Doit-on faire entrer les drogués dans cette catégorie ? Et qu’en est-il des délinquants sexuels ?

Les psychiatres, qui se sont exprimés par la voix de la Fédération de psychiatrie, sont opposés à cette mesure d’injonction de soins. La base de leur opposition (je schématise) est qu’un traitement ou un suivi psychiatrique n’a la moindre chance de succès que s’il est volontaire ou pour le moins librement consenti. C’est aussi la base même de la médecine : les médecins proposent, ils ont même obligation de le faire (« mettre à disposition les moyens de la médecine »), ils n’imposent jamais, hors l’urgence vitale où ils se substituent au patient.

Le problème des délinquants sexuels est d’une complexité particulière : on sait qu’en France, la « castration chimique » (par des substance anti-hormonales) ne peut se faire que sur demande expresse du malade. Mais la loi, ici, n’exclut pas radicalement cette possibilité du cadre de l’injonction de soins.

On pourrait écrire des pages par les problèmes posés par cette article de loi. Très objectivement, Rachida Dati ne m’a pas parue en mesure de les affronter. Notre questionnement a été écarté sans trouver de réponse.

Un point encore, mais il est majeur : les psychiatres de service public manquent cruellement. Les psychiatres libéraux n’ont aucunement ni l’envie, ni d’ailleurs la formation, de pallier à ce type de prise en charge. Questionnée sur ce point Rachida Dati, a dit péremptoirement « je m’engage à ce qu’ils soient en nombre suffisant en 2008 ».

Il faut douze à quinze ans pour former un psychiatre… J’ai pris la parole , de manière un peu osée je l’avoue, pour dire, que pour obtenir le résultat annoncé par le ministre, je ne voyais que la reproduction des psychiatres entre eux.

Une fois encore, la charrue a été mise avant les boeufs (on remarque que je reviens habilement à un thême agricole). La prise en charge médicale devait être pensée, renforcée, avant la loi, pas le contraire. Et sur le plan des principes, il me semble que la décision du juge, adaptée à chaque cas, était plus opportune que la rigueur obligatoirement générale de la loi.

La politique racontée aux enfants

Un nouvel épisode de « La politique racontée aux enfants » dont Nicolas Sarkozy est friand : il dément ce matin toute relation entre la libération des infirmières Bulgares et la signature dès le lendemain d’un protocole d’accord livrant aux libyens les clefs du nucléaire civil, et demain militaire.

Totalement incrédible. La décence aurait au moins voulu qu’on attende quelques jours entre la visite « paravent » de Cecilia et la démonstration de ce qu’a été la réalité de la transaction. Les Français sont décidément pris pour des gogos qui ne lisent que gala.. Les chancelleries européennes, Allemands, en tête sont dès aujourd’hui, moins crédules et dénoncent un accord « problématique » mettant de plus en cause les intérêts allemands ; un accord avait été précédemment signé entre ce pays et la Libye concernant le développement des énergies renouvelables.

Les grandes associations écologistes s’étranglent : il n’existe pas de réacteurs nucléaires capables de désaliner l’eau de mer. Car c’est pour ce louable motif que le petit Nicolas livrerait son réacteur. Décidément plus fort qu’Harry Potter car personne ne semble au courant de cette possibilité technique. Nicolas, oui, et le petit magicien, après avoir libéré les gentilles infirmières va irriguer le désert Libyen de bonne eau douce…

Joan Kathleen Rowling n’a qu’à bien se tenir : le petit Nicolas est encore plus fort et plus imaginatif que son petit Harry !

Universités, suite

L’Assemblée a donc voté hier à la majorité le texte de loi « libertés et responsabilités des Universités ». Aucun des amendements présentés par l’opposition n’a été retenu et cela pose un problème véritable à l’encontre d’un pouvoir qui se targue d’ « ouverture », mais aussi sur la place du parlement et le fonctionnement démocratique de nos institutions. J’y reviendrai.

Un des problèmes posés par ce texte est la place des enseignants, chercheurs ou toute autre fonction, recrutés par contrat, et non selon les lois de la fonction publique. Qu’une plus grande souplesse soit introduite dans ce type de recrutement est une bonne chose : il permet, dans des secteurs en panne, ou insuffisamment dynamiques, d’embaucher dans les labos des chercheurs prestigieux, en pointe dans leur domaine. Il permet également des recrutements hors des compétences habituelles de l’Université et l’on comprend par exemple qu’une Université qui a choisi d’assurer la propriété et l’entretien de ses bâtiments puisse avoir besoin d’un architecte.

Mauvais au contraire que nous n’ayons pas obtenu que ce type de recrutement soit encadré et limité à un pourcentage de la masse salariale. Il risque sans cela d’en accaparer une part prédominante, et disons le mot, ouvre la voie à la privatisation de l’Université. Si le recrutement des chercheurs issus de l’industrie ou des labos privés devient majoritaire , la recherche publique risque d’y perdre plus que son âme.

Je suis intervenue pour exprimer que cette possibilité de recrutement extérieur, dynamisante si elle concerne un nombre restreint de cas, devient délétère pour la dynamique interne de l’Université si Universitaires et chercheurs se voient régulièrement préférer pour occuper les postes les plus prestigieux des candidats venus d’ailleurs. Ils n’auront alors plus qu’à ronronner devant l’absence de toute perspective valorisante. A droite comme à gauche, des têtes ont opiné mais la proposition n’a pour autant pas été reçue. Elle ne mettait pourtant pas en cause l’esprit du texte et ne compromettait pas son objectif, au contraire, qui est de dynamiser nos Universités et notre recherche.

Voilà un exemple parmi bien d’autres dans ces trois jours de débat. Et une fois encore, une vraie interrogation sur notre rôle et nos possibilités d’action.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel