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Une société bloquée au stade oral ?

Les Français mangent trop salé, trop « industriel » et bougent de moins en moins. C’est ce que confirme la 3ième étude de l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation*). Confirmation aussi de ce que nous voyons s’aggraver à l’occasion de chaque étude : les comportements alimentaires deviennent, aujourd’hui plus encore qu’hier, des marqueurs sociaux.

En réalité, même s’il n’y a pas de mot breveté pour le dire, c’est l’ensemble des comportements oraux qui sont questionnés, en restant bien évidemment dans le domaine de l’alimentation, de la boisson et du fait de fumer . Il est d’ailleurs significatif que les mots justes manquent. Si j’avais écrit « inhalation » au lieu de « fait de fumer » personne n’aurait pensé au tabagisme, à la vape, au cannabis mais aux sprays médicamenteux.

Le « manque » de l’étude de l’ANSES est la mise en relation de l’alimentation avec ses « voisins », quelquefois ses équivalents, alors que nous connaissons le lien entre alcoolisme, tabagisme et comportements alimentaires. Le lien entre oralité et abus des écrans est plus simple  : les écrans, en nous bloquant sur place, réduisent notre activité physique et anesthésie l’envie que nous pouvons en avoir.

Parallèlement au « mal-manger » ou au « trop-manger », le tabagisme touche préférentiellement les publics à faible niveau d’éducation et de revenus, ainsi que les populations en difficulté. L’obésité est un marqueur social, comme l’est le tabagisme. Chez les jeunes, le sujet est encore plus grave. On connaît les liens entre diktat de maigreur, anorexie mentale et tabac : les jeunes filles fument bien souvent d’abord pour ne pas grignoter et grossir ; elles entrent ensuite dans l’addiction. De même, lors des « soirées » , de plus en plus nombreux sont les jeunes qui boivent beaucoup et vite mais ne consomment aucun aliment ; ceci dans un double prétexte : que l’alcool agisse d’autant plus rapidement sur leur état mental -comme le fait une drogue- et que l’absence de nourriture compense les calories dues à l’alcool.

L’obésité est généralement parallèle du mal-manger avec une forte représentation du gras, du sucré et des produits industriels riches en l’un et l’autre. Là aussi deux explications : financière et psychologique, le sucré ayant un rôle de « récompense » (comme disent les neuro-scientifiques) que les légumes verts ou les viandes blanches sont loin d’atteindre.

La consommation d’aliments, de boissons ou de produits fumés agit comme une sorte d’anesthésique et de compensation au manque ; manque d’activité gratifiante, manque d’estime de soi, ennui, anxiété, dépression .. Je ne veux pas entrer dans une analyse psychologique ou psychiatrique qui serait obligatoirement sommaire. Ce n’est pas le rôle de nos grandes agences, ni de santé publique france, de le faire non plus, mais au moins de poser la question globalement et de proposer des pistes d’action.

 

La dénutrition : un vrai sujet mais un sujet méconnu

C’est un sujet méconnu mais lourd de conséquences que nous avons présenté avec mon confrère pédiatre Claude Billeaud et l »équipe du « manifeste de lutte contre la dénutrition ».

Beaucoup plus souvent qu’on ne croit elle frappe les jeunes enfants et parfois même les foetus quand la mère ne s’alimente pas correctement. Il s’en suit des enfants de petits poids, qui ne se développent pas normalement alors qu’il suffit de les peser régulièrement pour faire le diagnostic et remédier à ce trouble.

Plus nombreuses encore sont les personnes âgées dont l’appétit diminue bien souvent en vieillissant. Quand elles vivent seules, elles perdent l’envie et l’habitude de se préparer de vrais repas. Quand ceux-ci sont livrés, ils finissent souvent en grande partie dans le réfrigérateur et la dénutrition s’installe.

Chez les grands âgés, en particulier atteints de déficit cognitif, d’autres facteurs s’ajoutent à la diminution de l’appétit : les repas en établissement sont souvent servis sur des plateaux qui sont remportés sans que l’on fasse une suffisante attention à ce qui n’a pas été consommé. Quand la cuisine est externalisée, il manque au moment des repas, de l’odeur appétissante des plats chauds. Enfin, le mauvais état bucco-dentaire, la sensibilité très fréquente des gencives, décourage les grands âgés de manger suffisamment.  Il faut dans tous les cas exiger que les résidents soient pesés une fois par semaine, pour renforcer l’alimentation avant que les conséquences s’installent (grande fatigue, faiblesse rendant difficile même de manger seul).

Pour les malades d’Alzheimer, on a mis au point des bouchées, aux couleurs attirantes, à la saveur renforcée, que l’on pose sur un petit plateau à côté des fauteuils. Et le plus souvent, automatiquement, ces malades piochent dans l’assiette au cours de la journée et renforcent ainsi leur prise alimentaire. Ce « manger main » est malheureusement trop peu connu et répandu, et très peu de traiteurs en préparent pour les malades vivant à domicile.

Un vrai grand sujet de santé publique et je vous invite à signer la pétition* destinée à alerter les pouvoirs publics pour qu’une meilleure information soit faite, et une prise en charge plus systématique des patients dénutris.

 

  •  www.luttecontreladenutrition.fr

 

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