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Port de Bordeaux : un enjeu économique et écologique

Les grognons qui veulent réduire le Port de Bordeaux à la dimension d’un port régional  passent à côté de son double intérêt à la fois économique et écologique.

Le premier est le plus aisé à comprendre : entreprises, producteurs agricoles -céréaliers en premier lieu-, exploitants de la forêt, importent et exportent par la mer. Les hydrocarbures irriguent notre région par  cette même voie.

L’enjeu écologique n’est pas de moindre importance. Transport maritime et transport fluvial sont les modalités les moins gourmandes en énergie et celles dont l’impact climatique est le moins important. Ceci constitue pour le présent comme pour l’avenir un atout considérable au regard de l’inéluctable raréfaction et de l’augmentation du coût des énergies fossiles. S’y ajoute la dépendance géopolitique dont elles sont la cause.

Le trafic du port de Bordeaux chiffre à 9 millions de tonnes, une grande partie correspondant à des conteneurs (60 000/an en moyenne). En l’absence de desserte portuaire ces 9 millions de tonnes devraient cheminer par camions. Chacun correspondant en moyenne à 20 tonnes, ce sont 450 000 camions qui devraient se charger de la marchandise importée ou exportée.

Cet enjeu portuaire se double d’un autre, également de grand intérêt écologique : la possibilité d’acheminer les marchandises au terminal portuaire (ou de les en éloigner) par voie ferrée et celui-ci est en ce moment particulièrement crucial pour les trois grands ports de notre région (Bordeaux, La Rochelle et Bayonne). Le réseau de fret nécessite un entretien régulier. Si celui-ci n’avait pas lieu, dans 5 ans un tiers des voies seraient inutilisables ce qui porterait un coup très lourd à l’activité du port, particulièrement à l’activité céréalière, le réseau routier autour des trois ports étant d’ores et déjà saturé. L’entretien et la gestion du réseau de fret doivent être repensés et surtout assurés: ce fut un des sujets majeurs de la visite récente du Ministre des transports Alain Vidalies (27 avril). La voie ferrée d’Ambès, particulièrement conditionnelle de l’activité du terminal du même nom, demande ainsi 20 millions euros d’investissement qu’il nous faut absolument soutenir.

Un dernier aspect de l’enjeu écologique portuaire est la nécessité d’un dragage constant. Le Verdon lui-même à l’entrée de l’estuaire a besoin de ce travail continu pour assurer l’arrivée de navires de tirant d’eau. Plus bas dans l’estuaire, s’il n’y avait pas dragage, 90% du trafic serait interrompu en moins d’une année.

L’aspect écologique de ce dragage continu est complexe. Remuant les fonds, faune et flore sont perturbés mais le dragage ayant toujours lieu au même endroit et presque selon le même sillon cet aspect est limité à cette zone étroite. A l’inverse, la dragage assure le débit nécessaire au renouvellement de l’eau nécessaire aux espèces piscicoles.

Bordeaux possède un trésor, sa position géographique, qui lui a valu outre son nom, sa prééminence commerciale au XVIIIe siècle. Ce trésor et sa déclinaison maritime et portuaire méritent quelque effort pour en défendre l’intérêt multiple dans la compétition des métropoles européennes.

 

 

 

Déclaration d’amour à la Garonne

J’utilise ce vocabulaire par dérision. Tant d’hommes politiques ont déclaré leur amour à leur ville pour n’avoir qu’une envie: la quitter. Je me souviens d’Alain Juppé décoré d’un T-shirt « Bordeaux à coeur », comme tous ses colistiers, pour quelques mois après remonter à Paris (est-ce vraiment « monter »?)  au contraire de ses promesses. Ce n’est pas le sujet.

La Garonne, ce long et lourd fleuve d’or brun qui traverse Bordeaux, après avoir fréquenté sa rivale Toulouse, donne tout son sens à notre ville. Son nom, bien que les historiens en discutent toujours, mais en tout cas son sens profond. Un homme de ma connaissance disait « la géographie l’emporte toujours sur l’histoire ». Ô combien il avait raison : non seulement elle l’emporte mais bien souvent en décide. Les Maires d’une ville qui méconnaissent cette règle trahissent leur territoire.

Bordeaux, sous une chaleur mauriacienne (personne, comme lui, n’a décrit la touffeur estivale de Bordeaux, et le mot était à moitié un alibi pour exprimer que le jeune Mauriac étouffait dans toutes les contraintes de cette ville, différentes de ce qu’elles étaient dans la description de « préséances » mais toujours réelles comme en témoignent bien des votes légitimistes de cette ville.

J’ai laissé dans le vide le début de ma phrase. Je n’en ai pas regret : c’est ce à quoi incite le cours d’un fleuve.

Bordeaux aujourd’hui ne respire qu’à cause de son fleuve. En bordure l’air file, rafraîchit les corps et élève les esprits. Sur le miroir d’eau, les enfants jouent et s’aspergent alors qu’ils grilleraient sur la pierre nue et leurs parents, en les quittant des yeux, ne peuvent résister au « fleuve impassible », son flegme apparent, ses courants qu’on devine et qu’il y a deux jours des nageurs ont affronté.

La Garonne, tantôt d’or comme le Tage, tantôt de bronze, mon fleuve élu, que tant de marins ont remonté ou descendu, que les navires n’ont jamais tout à fait quitté grâce à l’obstination de quelques-uns que je salue sans avoir besoin de les nommer.

L’un d’eux me dit souvent, une ville, un paysage sans fleuve, sans intimité avec l’eau, qu’il s’agisse d’une rive ou d’une voie, ne sont jamais tout à fait complets.

Une ville est par essence un port. Celui d’où l’on vient, auquel on aspire, que l’on quitte et que l’on retrouve, fût ce soir de sa vie.

 

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel