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Ah, les droits des femmes !

SuccesseurE de Chaban dans son siège de député et ayant eu le privilège de le connaitre presque familièrement, je me fais un for de participer aux cérémonies en sa mémoire.

Hier, au pied de la lourde statue sensée de représenter (il en frémit, lui qui fut si attentif à paraître toujours mince et alerte) , l’actuel Maire de Bordeaux se fit un devoir de déposer une couronne, très mortuaire d’allure. Il s’agissait du centenaire de la naissance de son prédécesseur,  si différent, et dont le souvenir fut longtemps laissé dans le silence. Une petite cérémonie suivit dans les salons municipaux où j’étais, il faut l’avouer, parmi les plus jeunes et surtout la seule représentante de la gauche bordelaise.

Chaban lui-même aurait eu à coeur d’en sourire et de le saluer. De faire hommage aussi au fait que j’appartenais à le gent féminine en cette veille de 8 mars. Y aurait-il eu meilleur hommage que de l’imiter, à défaut de l’égaler dans ces domaines ?

Ni saluée, ni citée dans notre quotidien. Eût ce été Gilles Savary ou Alain Rousset, le silence eût-il été le même ? C’est ce petit racisme quotidien qui témoigne d’un forte difficulté à considérer que les femmes ont même place en politique que leurs homologues masculins.

Pas grave mais un peu long, 70 ans après que les femmes ont enfin été appelées aux urnes.

 

Parité mal ordonnée

En 2013, le mode de scrutin cantonal a été modifié, de même que le découpage des cantons.

Le premier objet du nouveau découpage était d’harmoniser le nombre d’habitants au sein de chaque canton. Celui-ci pouvait jusque-là varier de.. 4000 à 40000, ce qui amenait à une disparité inacceptable de la représentation des Français. Le deuxième était d’élargir le territoire de chacun de manière à y élire non plus un, mais deux conseillers généraux (de plus en plus souvent nommés « conseillers départementaux », de même que le « conseil général » tend à devenir le « conseil départemental », ce qui va dans le sens de plus de lisibilité).

L’objet de l’élection dans un même vote et un même territoire est d’assurer la parité dans une Assemblée qui jusqu’alors en manquait gravement et durablement. La loi sur la parité elle-même n’avait permis qu’un frémissement paritaire et une faible progression des élues féminines.

En 2014, avant les prochaines élections, on ne compte en effet que 13% de conseillères générales. Autrement exprimé, il y a plus de 8,7 hommes pour 1,3 femme. En Gironde, ce sont seulement  12 femmes qui représentent leur territoire.

Atterrant. L’objectif du nouveau mode de scrutin cantonal doit donc être salué. Il permettra, en un seul scrutin, d’établir une parité qui sans lui aurait tardé plusieurs décennies. Pour mémoire en 1945, il y avait 6% de députées femmes. En 1995, 50 ans après, elles étaient 5%… La masculinitude a en politique (ailleurs ?) une force d’inertie considérable.

Sauf  que  l’objectif de parité ne se réduit à deux chiffres sur une feuille. Le mode de désignation des candidats risque fort de dévoyer le principe même de la parité, qui est bien évidemment l’égalité, non seulement en nombre mais en « droits et en dignité ».

On l’a vu, c’est parmi 87% de conseillers généraux sortants que l’on va trouver la grande majorité des candidats masculins. Hors grand âge et perte de motivation à poursuivre sa fonction, ces « sortants » bénéficieront de la prime de notoriété sur leur territoire -particulièrement en territoire rural où cette notoriété est grande-  ; bien sûr aussi de leur bilan et de leur connaissance des règles du jeu.

Craignons qu’il n’aient tendance à compléter leur binôme parmi les femmes qui leur sont proches, qui ont travaillé avec eux et envers lesquelles ils ont une confiance particulière. Ainsi beaucoup de candidates femmes risquent d’être majoritairement choisies par un homme, par la connaissance qu’IL a d’elles et l’estime qu’IL porte en ses qualités.

Ceci risque d’être particulièrement dommageable pour l’esprit même de la parité si le vote de désignation des candidats par les militants de chaque parti se fait lui aussi en binôme. Une femme nouvelle venue, accompagnée d’un homme qui ne sera pas un sortant, sera a priori très désavantagée au moment de ce vote.

Au contraire, si le vote a lieu individuellement, entre les candidats hommes d’un côté et les candidats femmes de l’autre, la personnalité de la femme, son expérience et son engagement propres, ses arguments propres seront seuls à jouer pour elles. Elle sera égale en dignité avec tout autre candidat, masculin comme féminin.

Disons-le plus concrètement : je ne me serais jamais présentée à une élection , cantonale ou pas, dans l’ombre d’un candidat masculin qui m’aurait sollicitée pour le « compléter « . J’ai affronté les votes de désignation comme individu plein et entier, me présentant avec ma personnalité, mon projet, mon programme propres à moi seule. J’exclus de cette prise de position les scrutins de liste où l’on se situe dans un groupe, tout en remarquant que les hommes en tête de la liste ne sont pas tous totalement pénétrés de l’esprit de parité.

Le binôme cantonal une fois installé dans la fonction (à l’issue de la désignation et du scrutin officiel), la femme élue dans le sillage d’un sortant ou d’une personnalité masculine déjà installée, aura grand mal à trouver sa pleine autonomie. Le temps risque d’être long où l’homme qui est venu la chercher, la considèrera peu ou prou comme une collaboratrice ou une assistante. Une fois encore, je ne généralise pas, mais la pratique du monde politique m’incite à une grande prudence.

La parité dans son essence même qui est l’Egalité et pas seulement l’identité de nombre, risque de pas y trouver son compte. Pas non plus celles qui depuis des lustres combattent pour qu’elle soit autre chose qu’un chiffre ou un mot alibi.

 

 

 

 

 

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