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Déontologie de la presse

La Une du quotidien SudOuest le 13 septembre :  « le chien de Michèle Delaunay mord un petit garçon »,  évoluant en page 14 vers « le chien de Delaunay mord un enfant » (pleine page), m’a amenée à me questionner une fois encore sur la déontologie de la presse. Celle-ci, on s’en souvient, a été rudement malmenée lors de « l’affaire Baudis » qui transforma l’alors Maire de Toulouse en prédateur sexuel : celui-ci fut innocenté après des mois de calvaire dû au risque judiciaire mais, plus encore, à l’opprobre qu’il encourut.

Depuis lors, combien de fois, des faits non démontrés ont entaché l’image de l’un ou l’autre politique. Plusieurs médias s’entourent d’immenses précautions et d’une vérification des preuves pour avancer des faits généralement graves. Beaucoup d’autres, au contraire, utilisent l’ambiguïté des titres, l’allégation et l’insinuation pour donner aux faits une gravité que rien ne pourra plus effacer. Le soupçon pour un élu l’emporte en conséquence sur la condamnation (quand elle advient). Ceci enfle d’années en années en raison du relais par les médias sociaux qui touche un nombre beaucoup plus grand d’abonnés que les journaux eux-mêmes.

Je reviens un instant à mon chien. Titrer qu’il a « mordu » – ce qui est faux et donc diffamatoire – ne lui porte pas en premier lieu préjudice : le chien a été reconnu lors de la précédente législature comme « doté de sensibilité » mais non comme sujet de droit, bien que dans des circonstances gravissimes (sans relation avec l’incident relaté, non plus qu’avec la minuscule blessure de l’enfant qui a chuté sur le gravier) il puisse lui en coûter l’euthanasie. Le titre, évidemment, ne vise que sa propriétaire, bien que ce n’était pas elle qui tenait la laisse et qu’elle se tenait très en arrière de l’animal. Ce n’était pas le chien qu’il s’agissait de diffamer mais sa maîtresse. Je dois avoir grand crédit, puisque la situation et la taille des caractères de l’annonce en Une du meurtre horrible d’une femme enceinte de 23 ans (édition du 15 septembre) ont été les mêmes à la Une de SudOuest que ceux de la forfaiture de Dixie (13 septembre).

SudOuest a fait en l’occurrence bonne pioche: 165 commentaires sur le facebook du journal pour cet article, 130 partages, et 172 commentaires pour SudOuest en ligne. On les consultera avec profit : ils démontrent que l’objet du papier est bien, non le chien, mais sa propriétaire dont les commentateurs demandent qu’elle soit « piquée », soit avec le chien, soit à sa place ; en outre, ces commentaires mettent en avant le lectorat qui est visé.

Quelles conséquences pour ma vie quotidienne : être interpellée sur l’incident à tout moment, comme hier à l’aéroport de Bordeaux. Cela va, du pas trop méchant « alors, ce chien féroce…? », au plus grave « quand on est irresponsable, on en tire les conséquences », ou au pire « c’est bien vous qu’on devrait euthanasier ».

Mitterrand avait eu une belle formule s’agissant de ce type de publications, vraies ou fausses, mais en tout cas des suites de leur seule publication: »jeter l’honneur d’un homme aux chiens ». En l’occurrence, il s’agit de deux « femmes », moi et ma chienne Dixie, que je ne pourrai plus sortir sans que l’on s’approche de moi avec animosité, ce qu’elle perçoit immédiatement.

La déontologie de la presse est comme beaucoup de nos règles, chartes et lois : adaptable selon le bénéfice financier qu’on en espère.

 

 

 

 

 

 

 

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