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C’est grâce à Dominique Dat qui a su faire de la bibliothèque du Grand Parc un repaire (et un repère) de culture que j’ai découvert que ces deux jeunes gens. Simone de Beauvoir et Cicéron, au même âge exactement qui se trouve être le mien, ont écrit sur « la vieillesse ». Je connaissais le livre de l’un(e), j’avais de vagues souvenirs de version latine concernant le livre de l’autre (« De Senectute »), mais je n’avais pas eu l’heureuse idée de les rapprocher comme l’a fait Véronique Le Ru dans le très beau livre qu’elle présentait au Grand Parc.

L’un est un homme, l’autre est une femme et vingt siècles les séparent : rien que cela justifie l’intérêt.

Quand Cicéron écrit, un an avant sa mort, il se range lui-même parmi les « senex » ; on dirait maintenant, dans une langue bien peu cicéronienne les « rangés des voitures ». On se doute que cela ne fait guère son affaire, lui dont la parole était écoutée au Sénat et influençait César. La belle madame de Beauvoir s’accorde trois ans avant de faire partie des « vieux », groupe dont elle fixe l’accès à 65 ans. Elle mourra 16 ans plus tard.

Rien que cela nous amène à questionner et le mot, et le fait. Qu’en est-il aujourd’hui ? Les conscrits de Cicéron et de Beauvoir, sont à la fois très jeunes et déjà « senex ». Ils ont près d’un quart de siècle de « vie devant eux » (selon le réconfortant principe que, plus on vieillit, plus l’espérance de vie s’allonge) et la grande majorité d’entre eux sont en bonne forme, même s’ils découvrent à cet âge que la machine n’est plus sans défaut et que la révision des 60 000 km s’impose ; pourtant s’ils venaient à chercher du travail, inutile de dire qu’on les considérerait depuis longtemps « comme rangés des voitures », tout en étant bien heureux de compter sur eux pour faire vivre les associations -qui elles-mêmes bien souvent pallient aux carences de l’Etat- , soutenir les familles, s’engager politiquement et socialement…

On le devine, je ne suis pas une adepte farouche de l’âge couperet de retraite. Aujourd’hui, le motif de discrimination dont on parle le moins mais qui est le plus commun est l’âge et aucune occasion de le dénoncer ne doit être manquée.

Autre sujet d’extreme intérêt, l’abord différent du sujet par nos deux auteurs. La vieillesse cicéronienne est une vieillesse auguste, intérieure, dominée par la sagesse. Maurice Tubiana, dans un superbe ouvrage ( » Le Bien Vieillir »), alors qu’il avait 80 ans a retrouvé cette posture. La vieillesse de Simone de Beauvoir est sociale, combattante et politique.

Tous deux (tous trois même avec Tubiana) ont pourtant bien des points d’accord et ces invariables doivent aujourd’hui encore fonder la politique de l’âge.

Les revenus ont une place essentielle. On vieillit plus mal et plus vite dans la pauvreté. Quelle interpellation quand on sait qu’aujourd’hui 4 millions de retraités vivent avec moins de 1000 euros par mois et que près d’un million sont au dessous du seuil de pauvreté ! J’incite notre gouvernement a relire Cicéron. Disons-le tout de go, j’enverrais bien un exemplaire du « De Senectute » à Carla, pour qu’elle puisse le mettre avec la princesse de Clèves sur la table de nuit de Nicolas.

Les liens sociaux, la vie au milieu de toutes les générations aident au bien vieillir, à défaut du « pas vieillir du tout ». Et, tout autant, la capacité de se projeter dans l’avenir. Il est de ce point de vue spectaculaire que Cicéron comme Beauvoir, et entre eux Montaigne et tant d’autres, prennent pour symbole la plantation d’un arbre. Les espaces s’étant restreints, c’est un abrégé de cette belle activité, le jardinage, qu’a retenu comme facteur de prévention du vieillissement l’étude de la cohorte Paquid du Pr Jean François Dartigues.

Ni Cicéron, ni Beauvoir, ne citent « écrire un livre ». Ils font beaucoup mieux puisqu’ils en donnent l’exemple.

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