Une discussion peu amène s’est élevée à la suite des billets consacrés à la loi « maîtrise de l’immigration ». L’objet en est la présence des députés dans l’hémicycle, en particulier au moment des votes, et leur prise de parole.
Je tiens à y répondre avec rigueur, ne serait-ce que parce que j’ai été mise en cause, au demeurant avec une légère absence de mesure.
Il n’a échappé à personne que la gauche n’était pas majoritaire à l’Assemblée. Le groupe socialiste, républicain, citoyen compte 204 députés, le groupe « technique » associant communistes et verts une poignée supplémentaire, le modem 4 députés, tout le reste relevant de la droite de stricte obédience gouvernementale (UMP et « nouveau centre »).
A notre arrivée à l’Assemblée, les trois nouvelles girondines (Pascale Got, Martine Faure et ma pomme) ont eu la même bonne idée que l’un des commentateurs et nous nous en sommes aussitôt ouvertes à Jean Marc Ayrault, président de notre groupe : ne pourrions-nous arriver massivement au moment du vote d’un amendement ou d’un texte qui nous tient à coeur et faire pencher ainsi par surprise le vote en notre faveur ?
Nous étions étonnées que personne n’ait eu cette idée lumineuse avant nous…
Malheureusement, si ; les députés socialistes malgré le peu de bien qu’en pensent Franck ou rlje2 (les commentateurs les plus vifs à notre encontre) ne sont pas si peu éclairés ou si paresseux. Non moins malheureusement, le député UMP n’est pas non plus un poussin du jour…
En cas d’équilibre incertain dans l’hémicycle, un Président de groupe peut aussitôt demander une interruption de séance. « Elle est de droit », lui est-il, répondu. Pendant cette interruption de séance, le même président rappelle ses troupes en proportion de ce qui risque de manquer au vote. Car contrairement à ce que pense nos contradicteurs, le député, de gauche comme de droite, n’est ni à la plage, ni aux folies bergères. Un très grand nombre est tout bonnement dans son bureau.
L’opération « surprise » n’a réussi qu’une fois au moment du PACS. Lors de cette nouvelle session parlementaire, nous l’avons emporté une fois également d’une voix, grâce au vote inattendu de députées UMP avec la minorité de gauche et nous avons fait ainsi passer un amendement.
Pour le vote de l’ensemble de la loi, la revue des troupes est plus vigilante encore. Si les socialistes avaient été plus nombreux, les UMP l’auraient été plus encore. C’est attristant de sentir en effet que notre présence est de peu d’effet : aucun amendement n’est retenu par la droite (ce serait pourtant cela l’ouverture !). De plus, comme je l’ai exprimé, la loi sur l’immigration, à laquelle personne ne croit, est d’abord un affichage médiatique auquel nous sommes contraints de prêter la main par notre présence et nos interventions.
Le problème de la prise de parole maintenant. Un des commentateurs n’accorde un satisfecit qu’au député communiste Braouzec. J’ai passé une bonne part des séances à côté de lui, nous avons totalement convergé sur le fait que cette loi est destiné à fixer l’électorat bien plus encore qu’à diminuer l’immigration de quelques milliers. Ses interventions ont été convenues mais bonnes, il a pleinement rempli son rôle.
Cela a été plus encore le cas de notre rapporteur, George Pau-Langevin. Remarquable nouvelle députée de Paris, la seule députée de couleur (elle est antillaise) élue sur le continent. J’aurais eu plaisir à ce que la lecture de Franck soit élargie à sa prestation. Non, Franck, le ou la socialiste n’est pas systématiquement un toquard nanti et paresseux !
On ne prend pas la parole librement dans l’hémicycle. Un rapporteur, des intervenants pour expliquer les votes, commenter les articles et présenter les amendements sont désignés au sein de la commission dont relève le texte de loi. Pour l’immigration, il s’agit de la commission des lois.
La seule parole libre est la réponse aux décisions du gouvernement après présentation des amendements, encore faut-il qu’il n’y ait qu’un intervenant par groupe. On peut aussi quelquefois présenter des amendements, même s’il n’appartiennent pas à sa commission, après accord du rapporteur, ce qui a été mon cas pour la loi sur l’immigration.
Donc, cher Franck, cher irlje2, cher Michel, ne pensez pas forcément qu’un député socialiste qui ne parle pas est forcément au Fouquets ou à la chasse aux papillons. Toute bonne critique demande une bonne connaissance de fond des règles et des pratiques.