Identité nationale
Moment de franc amusement, ce matin dans ma voiture, à l’écoute de France info. Laurent Joffrin s’oppose à Syllvie Pierre-Brossolette dans le « duel » quotidien qu’organise la chaîne.
Le débat porte sur l’identité nationale. On dérive, comme d’hab’, sur les jeunes des banlieues qui ont un problème d’identité, n’étant ni de là-bas, ni d’ici, que l’on fustige quand ils sortent les drapeaux à l’occasion des victoires au foot de leur pays d’origine etc; etc;
Laurent Joffrin rassemble le débat :
« J’en connais qui ont un problème plus grave encore avec l’identité nationale, et auxquels on ferait bien de faire chanter la Marseillaise chaque matin en arrivant dans leurs bureaux …
Silence intéressé du journaliste qui appelle à poursuivre.
« Eh bien oui, ce sont les banquiers qui investissent ici ou là sans se soucier de l’impact sur l’économie de leur pays. Et puis aussi, ceux qui mettent leurs capitaux en Suisse. Ceux-là ont un vrai problème d’identité nationale. Est ce qu’il ne faudrait pas leur apprendre les valeurs de la République et voir un peu s’ils connaissent les paroles de notre hymne national avant de les laisser continuer d’éxercer? » …
Le spectacle des banquiers consignés à chanter la Marseillaise ou à écouter la lecture de la lettre de Guy Môquet à intervalles réguliers ne manque ni de pertinence ni de sel. Joffrin a mis tous les rieurs de son côté. Les rieurs n’étant pas ceux qui ont envie de rire, mais ceux qui en ont besoin. Il a rallié 100% des Français.
Réforme n’est pas relance
Le projet de loi « portant réforme portuaire », voté en 2009, prévoit le détachement du personnel de manutention et le tranfert des outillages aux opérateurs privés locaux. Ce projet a été « vendu » dans l’hémicycle au prix d’un plan de relance de nos grands ports, immédiatement sonnant et trébuchant en terme de financement et en retombées sur l’activité de chacun.
Nous nous sommes portées vendredi dernier, avec ma collègue Conchita Lacuey à la rencontre des syndicats et des salariés et nous avons visité les installations de Bassens et les ateliers de Bordeaux-Bacalan.
Ce n’est pas sans une pointe d’émotion que nous sommes entrées dans « les ateliers de charpente », marqués aux armes de Bordeaux auxquelles est surimprimée une ancre de bateau. A côté d’eux, les ateliers de maintenance, très modernes, tous les deux abritant un savoir-faire qui a été salué dans l’hémicycle au cours de la discussion de la loi.
A Bassens, nous avons pris la mesure de ce que sont « les outillages » : des grues monumentales, des portiques, chiffrant chacun à plusieurs millions d’euros. Les conditions de leur transfert intéressent au plus haut point les élus : ils ont en effet été financés en grande partie par les collectivités territoriales (Conseil général et Conseil régional), partenaires du port et impliquées dans son avenir.
Or, à ce jour, nous ne connaissons rien des conditions financières de ce transfert et nous allons interroger précisément le gouvernement sur ce point.
45 salariés sur 75 vont être détachés à une société formée par les deux opérateurs locaux (Sea Invest et Balguerie), où le Port conserve une minorité de blocage de 20%. Les 30 autres vont bénéficier (comme on dit) de « mesures d’âge ».
Le bât blesse grandement en ce qui concerne la « relance » qui était supposée porter la « réforme ». Aucun des sept Grands Ports Maritimes n’en a vu à ce jour l’impact en terme de projets et d’activité. Quant à l’enveloppe financière, prévue à hauteur de 170 millions d’euros, elle est chichement distribuée. L’Etat, impécunieux comme on sait, mesure ses allocations au prétexte « qu’il faut attendre les projets pour pouvoir financer ».
Ceci est entièrement faux, pour le moins en ce qui concerne Bordeaux. Les 14 millions demandés par le Port le sont pour des investissements fondamentaux, structurels qui ne dépendent aucunement du type d’activité, mais ils en sont conditionnels (accès à l’estuaire, aménagement des passes, viabilisation du foncier..). A ce jour, 5 millions d’euros seulement sont inscrits à destination de Bordeaux.
Cela pourrait être le slogan de la politique gouvernementale : nous avons la réforme, nous ratons la relance. « Le choc de croissance », promis en juillet 2007 pour faire passer la loi TEPA, s’est traduit comme on sait par un mouvement de récession.
La crise a bon dos, mais elle n’explique pas cette panne. En ce qui concerne les ports, la médiocre situation de la France qui perd régulièrement des marchés au profit des ports espagnols et des ports du nord de l’Europe, en pleine croissance, est particulièrement démonstrative. L’Etat n’investit pas en fonction de la productivité économique, il fait des cadeaux à ses amis.
Le déclin des ports français alors que tous les autres prospèrent, comme le fait d’ailleurs le transport maritime en général, est un véritable cas d’école de la politique de notre pays depuis une décennie, voire davantage. Raison de plus de les défendre, localement et au plan national.
(voir aussi le compte rendu de la rencontre portuaire du 5 février en pages Bordeaux de ce blog)
« Je pense, mais suis-je ? »
L’imagerie cérébrale et les neurosciences sont en passe de poser les problèmes les plus cruciaux de la bioéthique parce qu’ils touchent à la plus fascinante singularité de l’homme : la conscience.
Une travail récent publié dans le New England Journal of Medicine fait état d’une expérience qui remet en question la définition même du coma et des états végétatifs, les uns et les autres caractérisés par l’absence de toute réactivité.
Un homme dans le coma depuis plus de cinq années est invité à imaginer deux situations : dans l’une, il participe à un match de tennis, dans l’autre, il se promène dans sa maison. Son cerveau, enregistré par Imagerie à Résonance Magnétique, s’illumine successivement dans des zones identiques à celles qui réagiraient chez un homme normal.
On l’interroge ensuite sur le prénom de son père. « Votre père s’appelle-t-il Thomas ? » « Votre père s’appelle-t-il Alexandre ? ». Dans le premier cas, la réponse est « oui » et dans le deuxième, c’est « non », mais l’IRM ne sait pas à ce jour identifier les zones correspondant à « oui » ou à « non », sans doute trop complexes, trop infimes, ou peut-être variables selon la question.
On l’incite alors à imaginer le match de tennis pour « oui » et la promenade dans sa maison pour « non ».
Et l’homme, sans aucune réaction cliniquement décelable, donne la bonne réponse. Enfin, pas lui : son cerveau.
Cette expérience est à la fois fascinante et terriblement effrayante. Ce cerveau, depuis cinq ans, continue donc de fonctionner dans une sorte de noir et d’immobilité infinie qui ne manque pas d’évoquer une prison intérieure. Ce fonctionnement est-il assimilable à une « conscience », comme le laisse penser le fait de répondre ?
A l’hôpital, par une sorte de présomption qui s’avère presque une prémonition, j’ai toujours interdit que l’on prononce autour d’un malade dans le coma quelque parole que ce soit’ ‘qu’on ne voudrait pas qu’il entende » . Pas de « il est temps que ça finisse » ou autre variante. Au contraire, j’invitais les familles à ne pas se priver de paroles ou de gestes d’affection.
Pascal comparait le savoir à une chandelle et l’homme à un curieux explorateur qui s’enfonçait, chandelle à la main, marche après marche dans l’escalier sans fin de l’inconnu. Arriverons-nous un jour à demander à une personne en état végétatif « Voulez-vous que l’on vous débranche ? Pour oui, pensez au tennis… etc..
Service civique : un pas en avant, où les mots pèsent de tout leur sens
Je planche demain dans l’hémicycle sur le Service civique, petit frère, je l’espère plus fortuné, du Service civil qui ne concerne chaque année que 3000 jeunes Français quand il y en a 200 000 en Allemagne qui s’engagent sur un programme comparable.
C’est un sujet qui me tient à coeur. D’abord, parce que j’ai pu mesurer sur le terrain », l’engagement et l’utilité des jeunes et de l’associations « Unis-cité » qui les encadre. Plus encore, parce que je crois en la valeur fondamentale de ce qu’il représente.
Le mot « civique » n’est pas innocent. Trop oublié, il est là pour rappeler ce qu’est un engagement citoyen, bâti autour des valeurs de partage et d’échange.
Le mot « service » non plus. Le service civique n’est pas un emploi au rabais, mais une période où l’on se met au service des autres. Etymologiquement, on en devient le « Ministre ». Ah, si les Ministres savaient ce que le mot veut dire !
Le texte dont nous débattons demain est issu d’une proposition de loi de la gauche. Reconnaissons (pardon, M le Haut Commissaire) que Martin Hirsch a un peu trop tendance dans sa communication à en faire « son » projet. Mais non, Martin, le service civique c’est nous ! Projet de loi d’abord, proposition ensuite, c’est la gauche et encore la gauche qui a enfoncé le fer à plusieurs reprises pour venir en recours de la hâtive suppression du Service National.
Demain donc, nous débattons du contenu, de l’étendue, des ambitions mais aussi du financement du Service civique.
L’ambition est de voir 10% d’une classe d’âge en bénéficier. Mais aussi de faire comprendre des jeunes, tous les jeunes, les paumés comme les culturés, que l’engagement civique peut constituer une « unité de valeur » dans un cursus universitaire ou professionnel et davantage encore, une chance de trouver sa voie et de se réaliser dans un job auquel on n’avait pas pensé, qu’on n’avait même pas imaginé possible.
Avec Unis-cité et les jeunes du Service civil, j’ai pu financer un projet d’accès à l’informatique de trois maisons de retraite et EHPAD de Bordeaux. Les jeunes expliquent, animent et c’est un succès. Les âgés communiquent avec leur famille, reçoivent les photos des petits enfants et des nouvelles de la vie sociale et politque de la ville et sont dix fois plus heureux qu’en écoutant des chansons de Pascal Sevran.
Rien n’est parfait. Nous aurons demain des exigences en terme de diffusion de l’information, de valorisation, d’extension au niveau européen et à celui de la coopération décentdralisée.
Mais c’est un pas. Et, pour une fois, pas un pas en arrière.