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Je connais un peu -peut-être même un petit peu plus- Christiane Taubira pour avoir pendant cinq ans partagé le même couloir. Nous nous y retrouvions fréquemment et fréquemment aussi c’était l’occasion de discussions, de plaisanteries amicales ou d’échanges sur notre quotidien. Ce couloir se trouvait au 4ième étage du 3 rue Aristide Briand où se trouvent une partie des bureaux parisiens des députés.

Christiane est fondementalement une femme libre, libre de sa parole et,  je le crois, de sa vie. A un journaliste qui la questionnait il y a quelques jours sur son intention de se présenter à la primaire de la gauche en vue de 2017, elle a répondu par un « non » franc et massif. Le journaliste insistait : « Vous êtes enregistrée, êtes-vous bien sûre de ce « non » ? »; elle a répondu superbement : « Monsieur, je sais ce que je veux faire de ma vie ».

Sa démission du Gouvernement, bien que du domaine du prévisible, a surpris. Aussitôt, beaucoup se sont précipités, cherchant à utiliser cette décision à l’encontre du Gouvernement et du Premier Ministre. Des élus ont été mis en demeure de se prononcer et de s’offusquer au nom de la « vraie gauche ». Ils ont voulu mal entendre ses paroles, belles une fois encore: « Parfois, résister c’est partir ». Pour elle, en tout cas résister, ce n’est pas détruire. Christiane ne construit pas sa statue sur des décombres mais sur la seule force de ses engagements et de son verbe.

Existe-t-il plus grande liberté ? Christiane n’est pas de celles qu’on utilise.

J’ai un souvenir particulier lié à elle. Nous étions en 2003, le 10 mai, journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions ». Alain Juppé, sous la pression des associations locales (hommage particulier à Karfa Diallo porteur d’un projet de mémorial) avait décidé de marquer cette journée par l’inauguration d’une salle réservée à l’esclavage et à la traite au Musée d’Aquitaine.

Christiane Taubira avait fait le déplacement. On se souvient que la journée nationale était issue de la « loi Taubira » du 21 mai 2001 et que, sans elle, rien ne marquerait ce passé tragique. Voyant qu’il ne lui était réservé ni une place d’honneur à côté du Maire, ni surtout une prise de parole, je m’adressais au Maire et aux autres autorités pour m’en offusquer. Rien n’y fit : Alain Juppé parla seul.

Il y quelques mois, Christiane avec laquelle j’évoquais ce souvenir me dit: »Ce jour-là, j’ai pensé qu’en comparaison de toi, j’étais une femme trop pondérée… ». C’était un clin d’oeil plein de gentillesse, alors qu’elle avait été très blessée.

Nous regrettons Christiane et sa belle liberté. Mais elle ne demeurera pas longtemps sans la mettre au service de ce qu’elle croit.

 

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Comments 4 commentaires

  1. 30/01/2016 at 10:19 Michèle Delaunay

    Mes propos et la loyauté de Christiane viennent d’être réaffirmés par elle meme : arrivant à New York, acclamée, sa première prise de parole a été pour assurer François Hollande de son plein soutien

  2. 30/01/2016 at 10:50 citoyen

    Alain Juppé a cette particularité de vouloir toujours , et en tout lieu, être seul à prendre la parole. Ceci au mépris du protocole et de la simple courtoisie. Vis-à-vis de l’ancien ministre, auteur de la loi, qu’était alors Christiane Taubira, c’était une véritable faute.

  3. 31/01/2016 at 12:43 Fredde

    Le lendemain de son départ, @chtaubira était à New york où elle a reçu 5 minutes de standing ovation d’un amphithéâtre principalement universitaire. @lemonde.fr cite ses paroles « que cela vous plaise ou non, je resterai loyale à l’égard du Président de la République, et cela pour 2 raisons : la 1ere c’est que lorsqu’un pays est en difficulté comme la France l’est, nous avons besoin d’institutions fortes, ensuite parce que le Président de la République mérite de l’estime et que j’ai pour lui de l’estime »
    La première raison devrait être méditée par ceux qui comme dit MD utilisent christiane Taubira en la prenant pour bannière.

  4. 01/02/2016 at 10:30 francis

    Christiane Taubira est une femme suffisamment libre pour avoir, après avoir débuté avec des sympathies indépendantistes, voté le confiance à Balladur en 1994, participé avec Tapie à la déstabilisation de Rocard aux élections européennes de 1994, contribué, avec le soutien de tapie encore, à faire chuter Jospin au premier tour en 2002…
    Il faudra mesurer sa loyauté en fonction de ses actions à venir,
    a moins que le conseil constitutionnel, un placard doré, ne vienne la conforter.

    Pour son action depuis 2012, chacun la jugera à son aune, et il faudra voir dans le moyen terme, mais je n’ai pas le sentiment d’un meilleur fonctionnement de notre Justice.

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