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Sud Ouest, le 22 septembre 2009

PRISONS. Des parlementaires socialistes ont visité hier la maison d’arrêt de Gradignan (33), théâtre récent de deux suicides, et dénoncé l’incohérence de la politique gouvernementale. La visite devait avoir lieu au mois de septembre. Mais deux suicides survenus à quelques semaines d’intervalle ont précipité les choses.

Hier matin, les députés de la Gironde, Michèle Delaunay et Alain Rousset, accompagnés du sénateur Alain Anziani, le rapporteur du projet de loi pénitentiaire à la Haute Assemblée, ont frappé à la porte de la maison d’arrêt de Bordeaux-Gradignan. Les trois parlementaires socialistes sont restés près de deux heures à l’intérieur de ce site considéré comme pilote par le ministère de la Justice.


« Humiliation »

Près de 640 détenus s’entassent dans cet établissement qui dispose d’un peu plus de 400 places. Depuis l’an passé, la surpopulation de Gradignan a quelque peu reculé du fait, notamment, de l’ouverture du centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan. Et l’administration a mis en oeuvre plusieurs des dispositifs préconisés par l’Union européenne : création d’un quartier arrivant, séparation entre prévenus et condamnés, parloirs du week-end, apparition d’interphones dans les cellules…
Alain Rousset s’était déjà rendu à Gradignan en 2008. Il n’a pas jugé que les changements intervenus depuis son premier passage avaient amélioré les conditions d’incarcération entre ces murs, qui font toujours figure de point noir sur la carte pénitentiaire. « Rien n’a changé. C’est toujours une humiliation pour la République. La prison, c’est fait pour punir mais aussi pour réinsérer. Ici, on n’a pas le sentiment que ce soit un lieu de réinsertion. Les tensions sont palpables. Et ce sont des populations déjà fragilisées qui se trouvent encore plus affaiblies du fait des violences qu’elles vivent au quotidien. La surpopulation carcérale n’est pas une réponse aux questions relatives à la sécurité. »

Politique illisible

« L’état de nos prisons est une honte. » L’aveu de Nicolas Sarkozy devant le Parlement, le 22 juin dernier, masque mal les impasses et les incohérences de la politique menée tambour battant depuis deux ans. Les juges appliquent aujourd’hui sans ciller les textes répressifs voulus par le chef de l’État et impulsés par Rachida Dati, dont les fameuses peines planchers. Un peu partout, les maisons d’arrêt explosent. Plus de 63 000 personnes sont actuellement sous écrou, alors qu’il n’existe que 52 000 places.
Quoique ambitieux, le programme de construction de nouvelles prisons n’est pas de nature à répondre à l’emballement de la machine à incarcérer. Au rythme actuel d’augmentation de la population carcérale, l’administration pénitentiaire table sur 71 000 détenus en 2012 et plus de 80 000 en 2017. Si tel est le cas, l’entrée en vigueur de la règle de l’encellulement individuel – imposée par l’Europe et que la France ne cesse de repousser – n’est pas près de voir le jour.

L’Hexagone peine à se mettre en conformité avec les 108 règles du Conseil de l’Europe relatives aux droits des détenus. Par manque de moyens mais aussi parce que certaines de ces mesures contredisent le cap sécuritaire affiché officiellement. Même s’il y a parfois loin de la parole aux actes. Les tribunaux sont, en effet, soumis à forte pression de la part du ministère de la Justice pour aménager le plus possible les peines et réduire les temps d’incarcération. Plus de 5 000 délinquants, pourtant sanctionnés par de la prison ferme, sont désormais sous bracelet électronique. Leur nombre est appelé à croître. Asphyxié, plombé par les défaillances de l’informatique et les pénuries de personnel, l’appareil judiciaire croule sous un stock de 82 000 condamnations non exécutées. En France, près de 20 % de jugements prononçant des peines inférieures à un an de prison ne sont pas suivis d’effet.

Au printemps dernier, lors du vote du projet de loi sur la réforme pénitentiaire, le Sénat a d’ailleurs tiré les leçons de cette incurie. Il a adopté une disposition stipulant qu’en dessous de deux ans de prison, il n’y aurait plus incarcération mais assignation à résidence et bracelet électronique. « Ce texte était urgent, mais depuis, on n’en entend plus parler. On ne sait toujours pas quand l’Assemblée nationale l’examinera », déplore le rapporteur socialiste au Sénat, Alain Anziani. Hier, un nouveau suicide a été annoncé à la prison de Nîmes. C’est le 84e depuis le début de l’année.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel