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L’invité du blog est aujourd’hui Klaus Fuchs. La rétention de sécurité existe dans les pays germanophones. Il en explique les modalités. Au passage, remarquons que le droit allemand est fortement imprégné du droit romain. Le nôtre s’en est éloigné avec l’intervention de Napoléon et de son code.

J’admets que le nouveau projet de loi Dati sur la rétention de sûreté peut susciter des réactions fortes, vu la tradition française dans ce domaine. La réaction de Robert Badinter est en effet impressionnante. Mais il faut malgré tout essayer de voir objectivement si ce projet est condamnable en bloc. .A cet effet il est toujours utile de jeter un regard au-delà des frontières de l’hexagone pour connaitre les éventuelles expériences en la matière chez nos voisins européens.

Pour cela je me permets de présenter brièvement la situation dans un des trois pays germanophones, Allemagne, Autriche et Suisse, dont chacun connaît depuis longtemps des dispositions visant la protection de la société contre des personnes délinquantes demeurées particulièrement dangereuses après avoir purgé une peine (la « Sicherungsverwahrung » allemande (Art. 66 du Code Pénal), la « Unterbringung im Massnahmenvollzug » en Autriche(Art. 23 Code Pénal) et la « Verwahrung von Gewohnheitsverbrechern » (Art. 42 Code Pénal)). Ces dispositions sont largement comparables ; je peux donc me limiter au « modèle allemand ».

La droit allemand prévoit des « mesures de l’amélioration et sécurisation »pour protéger la société de délinquants dangereux. Elles consistent à priver de libérté le délinquant à l’issue de sa peine dès lors que la dangerosité persiste selon l’avis du tribunal et d’experts ou, dans certains cas, si la non-dangerosité n’a pas été mise en évidence incontestablement. La mesure peut être prononcée dans le jugement ; elle peut être prévue dans le jugement « sous réserve », ou elle peut être prononcée ultérieurement, sans avoir été initialement prévue, même « sous réserve ». Dans ce contexte,l’âge des délinquants peut jouer un rôle : la mesure n’est pas possible pour des jeunes délinquants entre 14 et 18 ans, elle peut être prévue dans le jugement « sous réserve » pour des personnes entre 18 et 21 ans au moment du crime. Les personnes non responsables de leurs actes peuvent être mises en hôpital psychiatrique. La condition pour que le jugement prévoie la mesure consiste dans un pronostic de dangerosité négatif : c’est le cas lorsque en tenant compte de la personnalité, de l’origine, de l’éducation, du parcours, des conditions de la vie familiale, de l’intelligence etc. ainsi de ses actes criminels on peut arriver à la conclusion qu’en raison d’une tendance à des actes graves la personne peut constituer un danger grave pour la société. Une expertise doit être établie pour un tel constat. Une autre condition doit être remplie : une condamnation d’au moins deux ans pour un crime avec préméditation ; préalablement, le délinquant doit avoir fait l’objet d’au moins deux condamnations pour actes avec préméditation d’au moins un an dans chaque cas ; le délinquant doit avoir déjà purgé deux ans de privation de liberté (prison ou mesure de sécurisation). Au cas d’une condamnation pour certains crimes spécifiques (d’abus sexuel, de lésion corporelle grave, de maltraitance de personnes protégées ou d’état d’ébriété totale en relation avec un crime) une seule condamnation pour un ou plusieurs de ces crimes à une peine d’au moins trois ans est suffisante. Voici les conditions essentielles ; des conditions différentes dans les détails sont prévues pour la prononciation d’une mesure a posteriori qui peut être décidée si la personne présente avant la fin de son emprisonnement certains comportements aigus et concrets, inconnus au tribunal au moment de sa condamnation et permettant de conclure à la persistance d’une dangerosité particulière pour la société.

La mesure est appliquée dans un cadre séparé différent du cadre normal de l’exécution des peines. A cette fin, il faut soit construire des établissement spécifiques soit mettre à disposition des parties séparées d’ autres parties dans les établissements pénitentiaires. Les personnes concernées bénéficient de certains assouplissements par rapport aux prisonniers notamment en matière de vêtements et de literie personnelle ; il doit être tenu compte de leur personnalité spécifique lors de l’aménagement de leur cadre de vie. Tous les deux ans au moins il doit y avoir un examen de la persistance de la dangerosité. Si celle-ci n’existe plus, la mise en œuvre de la mesure est suspendue et la personne est libérée sous un contrôle particulier pendant cinq ans. Après dix ans la mesure peut être terminée sauf constatation d’une dangerosité pouvant entrainer des graves dommages physiques ou psychiques pour des victimes potentielles de nouveaux actes commis. Voici de façon non exhaustive l’aménagement de la mesure de sécurisation. En Allemagne, ces mesures concernent actuellement moins de 400 personnes.

Pour conclure, je voudrais dire que la philosophie allemande en la matière s’appuie sur le vieil adage selon lequel il doit y avoir des peines parce qu’il y a eu un crime et pour qu’il n’y en ait plus (« quia peccatum est nec peccetur »). Ce deuxième volet correspond tout à fait à ce qu’on entend par « défense sociale » (difesa sociale), une doctrine qui vise la protection de la société comme but absolument prioritaire du droit pénal.

K.F.

Comments 26 commentaires

  1. 12/01/2008 at 20:20 J-Ph. D.

    "Nullum crimen, nulla poena, sine lege" Cesare Beccaria in des délits et des peines. Fondamental.

    Plus simplement : Pas de peine sans crime que punit une loi.

    Tout à fait d’accord avec R. Badinter, Je le dis ici, même si cela vous surprend de ma part. .Cette loi remet en question bien des principes majeurs ancrés dans notre pays depuis des siècles et qui ont été repris par bien dautres pays. Le fait que l’on puisse demander l’internement d’office d’un individu ne justifie pas cette loi. D’ailleurs, pourquoi une telle loi, si cette possibilité existe déjà. Il y à là quelque chose de paradoxal.
    R. Badinter le dit comme toujours, de façon très concise : On ne condamne pas un individu pour ce qu’il rique de faire, mais pour ce qu’il a fait. Michèle, je compte sur vous pour trouver 59 autres collègues pour saisir le Conseil Contitutionnel. Je plaisante pas.
    Il est gonflé quand même ce Juppéiste…
    Pour le reste, je me demande si je n’ai pas fais battre le record de commentaire sous un billet de blog. Il n’a pas de gloire. Mais quand même… Je crois qu’il faut faire ce que suggère MV. Ne rien relever de mes propos et faire comme certains font quad il y a une conférence de presse du Chef de l’Etat, ne pas la regarder… Très costructif et pas sectaire pour un sou…
    Michèle, vous avez raison, enfin je crois bien. Abfab, inclinons nous, la phrase attribuée à Coluche, est sans doute extraite de L’Os à Moelle de P. Dac. En tout cas cela lui ressemble beaucoup. Errare…
    Sur ce point, ouf, tout est bien qui fini bien. Grâce à vous.
    Exterminer en latin selon les époques est parfois plus doux que détruire, n’est-ce pas Jacqueline, n’est-ce pas Michèle

  2. 12/01/2008 at 20:30 Gérard ELOI

    Bonsoir Michèle,

    Ce "modèle allemand" présente une allure fort efficace à la fois pour la sécurité de la société et pour l’humanisme des conditions de détention ou de rétention.

    Logiquement, avec une telle législation appliquée, le sinistre Dutroux (Belgique) n’aurait pas eu la possibilité de commettre les massacres qu’il a commis à partir de 1996…

    La "loi Dati" est-elle un tout petit pas en avant, ou un grand pas en arrière ? Je ne sais pas…
    Si ce n’est que généralement une "mesurette", en plus prise dans la précipitation, ne peut que conforter le chaos soigneusement entretenu par le pouvoir en place…

    Il faut, et c’est urgent, à la fois protéger la société (notamment les plus faibles) et traiter de manière digne ceux qui ont commis des délits.
    Il y a autant de délits ou crimes possibles qu’il y a d’hommes et de femmes, donc il n’y a pas de généralité.

    Il fallait (cf. Pacte présidentiel de Ségolène Royal), une rénovation des institutions, un plan "Sécurité" à la fois efficace et humaniste,…
    53 % des électeurs n’ont pas compris, ou n’ont pas voulu comprendre, aveuglés ou asphyxiés par la politique des paillettes artificielles…

    Que reste-t-il de nos idéaux ?

    Le "contre-pouvoir" que nous pouvons gagner en mars, aux municipales et cantonales. Insuffisant pour faire humaniser le système judiciaire ? Sans doute…
    Mais suffisant dans bien d’autres domaines.

    Bravo et merci pour la qualité de tes actions, Michèle,…Grâce à des personnes comme toi, il fera plus beau au printemps…

    Amicalement

    GE

  3. 12/01/2008 at 20:33 Jean - suite et fin-

    . exterminare « détruire, dévaster; faire mourir » mais plus classique « chasser, bannir »).
    Eluder, un sujet en disant que tel ou tel mot fût une métaphore est un peu léger. Détruire est un mot fort quoiqu’il en soit. Je prends note que l’on sera désormais prudent avec l’emploi du latin.

    Chère Jacqueline, pour ma part, sachez bien que l’on ne m’envoie pas. Cela n’est pas trop dans mon caractére. Il est curieux, vous qui voulez l’apaisement que vous parliez d’absolutisme religieux. Avant de parler et de vous poser en juge suprême et impartial, lisez ce que j’ai déjà pu écrire dans ce blog et choisissez miux vos mots
    Comme tout s’apaise et devient anodin quand on s’aperçoit dans tel camp que l’on n’avait pas forcément raison… Magique ! Tout devient alors « Sans fondamentale gravité ! »
    Je cite ici Michèle qui, j’en prends note, se cite parfois elle même…
    Lucas Clermont, vous savez bien que je n’ergote pas. Il y a des limites à tout. Vous l’avez vous même dit ici il y a quelques temps. Ne dites pas non plus ce que vous dites de vous même, on ne vous croirait pas… Vous savez très bien fair le tri entre le bon grain et l’ivraie.
    Michèle, pour le « Regard clinique », vous êtes médecin. En ce domaine vos propos prennent d’emblée un autre dimension. Je sais que vous me comprenez.
    Nous parlerez-vous un jour de la brillante prestation de Bertrand Delanoë hier soir sur Tv7. ? Hum, hum !

    Bonne soirée
    Ps N’oubliez pas d’intervenir sur la dernière loi de Madame Dati. J’aime pas du tout cette loi. R. Badinter a raison. Serais-je plus à gauche que vous ? Quel bazar !
    Promis, je ne reviendrai plus.
    J-Ph. D.

  4. 12/01/2008 at 21:21 Lucas Clermont

    @ J-Ph. D.
    Cela me surprend que vous vous qualifiiez de juppéiste. Pour votre gouverne, mon point de vue sur ce blogue est assez simple : il ne sert à rien dans la perspective des municipales.

    En revanche, pour pérenniser le mandat de député, c’est autre chose. D’abord parce qu’il me paraît être une évasion pour son auteur, et vous savez cette pression qui s’exerce sur les élus, pression constante, et difficulté à reprendre son souffle, donner de l’air à son âme. Je n’ai pas eu l’impression qu’elle vous rudoyait pour vos insolences, je n’en sais rien en tout cas de mon point de vue de lecteur, d’accord ou pas, c’est un plaisir de vous lire.

    Ensuite, la pérennité d’un mandat se construit par la richesse, la diversité du réseau que l’on tisse. Vous voterez pour M. Juppé dans quelques semaines, et alors ? C’est recevable, c’est un bon maire. Beaucoup d’entre nous voterons pour Alain Rousset pour sa compétence, ses orientations et les opportunités d’ancrer le Parti socialiste à Bordeaux. Mais après, sur les enjeux nationaux, avec un Parti socialiste réformé, social-libéral, européen… ? Et de toutes façons, vous semblez attaché aux valeurs essentielles de la démocratie, nous aussi, pourquoi simplement ne pas apporter votre grain de sel, vos nuances, vos indignations, avec l’idée d’enrichir Michèle Delaunay d’un point de vue autre. N’est-elle pas pleinement engagée dans sa mission ?

    À Bordeaux, j’aurais sans doute passé avec plaisir une journée d’élections à débattre avec vous dans un bureau de vote, mais je voterai par l’entremise d’un camarade qui m’a souvent rossé et que j’apprécie. Mais que préfèrons nous des vague de l’Atlantique qui nous cinglent ou de la soupe tiédasse de la Méditerranée à Palavas-les-flots ?

    P.S. Lisez-vous le blogue de Maître Eolas ?

  5. 12/01/2008 at 22:19 Lucas Clermont

    Merci à Klaus et à Michèle de présenter deux points de vue différents sur un thème qui me dépasse et dont on devine que la gravité oblige à ne pas se précipiter pour émettre une opinion. Je glisse quelques liens pour qui veux approfondir.

    La réaction de Badinter : tempsreel.nouvelobs.com/s…

    La réponse de Philippe Bilger, l’avocat général à la Cour d’appel de Paris qui désacralise Robert Badinter : http://www.philippebilger.com/bl...

    Le point de vue de Maître Eolas (notez que les deux liens précédents proviennent de son article, je ne me suis pas foulé) : http://www.maitre-eolas.fr/2008/...
    Avec une mise à jour :
    http://www.maitre-eolas.fr/2008/...

    Hélas, j’ai déposé un lien sur le site d’Eolas (à très forte visibilité) beaucoup trop tard pour que cela intéresse de nombreux lecteurs. Il me semble pourtant que l’on gagnerait en tant que citoyen à constamment jeter des passerelles entre les praticiens du droit et les parlementaires qui définissent en partie ce droit.

    P.-S. Il n’apparaît pas clairement que l’article est de Klaus Fuchs, du moins dans le cadre d’une lecture rapide.

  6. 12/01/2008 at 23:09 PSE

    qui pourrait nous donner la situation dans d’autres pays d’europe ?
    c’est mon reproche à ce blog, et au ps tout entier, de ne jamais s’ouvrir sur la situation européenne
    où est l’internationalisme du ps de jaures ?

  7. 12/01/2008 at 23:22 James

    @ J PhD
    Monsieur le vice-procureur: une "mesure" n’est pas une "peine". Mais peut-être cette distinction est trop difficile pour vous.

  8. 12/01/2008 at 23:27 James

    2. La remise en question de la peine de mort (une "tradition de plusieurs siècles") a bien été possible, la tradition, soit elle française, n’est pas un argument pour ne pas changer ou innover quand cela se fait selon les règles de l’art et en pesant très, très soigneusement non seulement les "contre" mais aussi les "pour".

  9. 12/01/2008 at 23:36 Ivan

    Alors notre pollueur attitré JPHD continue? Qu’il nous montre une fois pour toute où est apparu son mot fétiche "exterminer": c’est chez lui et cela le caractérise. C’est lui qui a fait le coucou pour pondre son oeuf pourri dans le nid d’autrui.
    Qu’il nous foute la paix avec ces c…

  10. 12/01/2008 at 23:56 Klaus Fuchs

    Je dois sans doute préciser que le droit allemand prévoit la condamnation par un tribunal à une peine assortie d’une mesure. Dans certains cas où la dangerosité l’exige, la mesure peut être décidée par un juge (car il s’agit d’une privation de liberté). Et évidemment tout se déroule sur la base d’une loi existante(car il s’agit d’une privation de liberté), si bien que la remarque "nullum crimen, nulla poena sine lege" n’est pas pertinente en l’occurrence.
    Affirmer que d’autres pays que les trois pays germanophones cités ne connaissent pas la même chose, ne saurait disqualifier ce que je viens de décrire pour l’Allemagne. Il y a plusieurs chemins qui mènent à Rome, ni celui choisi par l’Allemagne ni celui choisi par la France est le seul possible. J’ai fait cette expérience très importante et enrichissante pendant trente ans de vie professionnelle au service d’une organisation intergouvernementale paneuropéenne.
    Ce qui importe c’est de faire son choix en pleine connaissance de cause et après pondération des pour et des contre, des "strengths and weeknesses" des uns et des autres et d’être prêt à corriger son choix s’il s’avère inopportun ou faux.

  11. 13/01/2008 at 00:04 the contacts

    @J-Ph.D.

    Tout à fait, vous auriez pu ajouter, plus dans le contexte, "exiler", à chasser, bannir. Le Droit et de Montesquieu ne sont jamais très loin, encore moins dans le bordelais. Mais enfin, Gaffiot ou pas sous les yeux, ne croyez-vous pas qu’il serait grand temps de reprendre un peu la Bastille à la lueur de ces commentaires, et des liens qui s’y trouvent? Je trouve qu’à travers les médias, et une presse sous forte allégeance, la qualité argumentative demeure fort légère, et ce dans nombre de domaines, y compris économique, ce qui pas si paradoxalement que ça, sauf à être autiste, se produit sous nos yeux, et de façon très antérieurement prévisible. Il est vrai que les débats, où des questions posées par de prétendus journalistes, deviennent beaucoup moins ouvertes, et notemment télévisées. La pipolisation à outrance n’apporte rien sur les sujets de fond, elle les occulte. Il est d’ailleurs consternant de voir à quel point, l’on mélange tout. Les uns arguent le mot "transparence", alors qu’il n’en n’est rien. Ségolène préfère à juste titre, le mot "exhibitionisme", traduisible par "étalage de la vie privée". la liste de ces mélanges, de ces confusions, serait si longue, qu’il est n’est pas possible de l’aborder ici dans son ensemble. Alors que les choses méritent sur des sujets sensibles, graves : réflexion, mesure, et analyse approfondie. C’est tout l’inverse qui nous est servi. Et ça passe, comme une lettre à la poste. Je veux croire que la difficulté de la tâche, n’est pas si facile qu’elle en a l’air. Mais il me semble que beaucoup de concitoyens pourraient payer très cher un trop long silence. Je sais bien les travaux sur le cerveau (par IRM notemment) ont démontré que dans un monde inondé par les plaisirs immédiats, la concentration, la réflexion, et l’écoute attentive sont encore plus difficiles voire "dépressives", qu’elles ne l’étaient par le passé. Mais, je ne vois pas d’autres solutions que recaptiver, je ne sais comment, la conscience, l’attention tout simplement, de bon nombre de concitoyens déjà empêtrés dans la difficulté de leur vie. Il est de notre devoir, de se pencher sur une plus grande qualité argumentative de plus en plus difficile à faire passer, sans doute aussi.

  12. 14/01/2008 at 10:25 M.V.

    Si vraiment on veut protéger la société de tous les individus nuisibles ou susceptibles de l’être, on doit se méfier et prendre des mesures à l’encontre de 40% de la population (chiffre d’experts). La politique de précaution et la prévention sont donc sujettes à hésitation, il faut s’en méfier; elles peuvent amener des dérives dignes de régimes totaliyaires;
    Prôner une politique des victimes est dangereux, cela exacerbe la haine de l’autre, le désir de vengeance et remet en scène la loi du Talion. La seule loi qui ait une valeur est celle qui instaure qu’un individu ne doit pas être condamné pour ce qu’il n’a pas encore fait. C’est une règle absolue.

  13. 14/01/2008 at 10:33 M.V.

    (suite)
    En ce qui concerne le travail de deuil, les experts du mental affirment qu’un jugement et une condamnation du criminel n’ont aucun effet thérapeutique sur la victime, et les experts du Droit précisent que la justice et les tribunaux n’ont pas vocation à soigner.
    Pensons au courage et à la hauteur de vue de F.Mitterrand qui a fait front à l’opinion publique tout entière, pour déclarer son opposition à la peine de mort.
    Ayons le courage de dire qu’ un pédophile doit d’abord être soigné.
    C’est le soin qu’il faut légiférer et non la punition préventive. Je lutterai de toutes mes forces pour défendre cette position.

  14. 14/01/2008 at 11:15 M.

    L’inconvénient de l’organisation allemande réside, pour moi, en ce que l’on ne peut prévoir l’évolution d’une personne (c’est pour cela entre autre qu’il est bon de retarder le plus possible l’orientation solaire). Cela échappe à toute mesure. C’est bien le piège qui nous guette aujourd’hui de vouloir tout quantifier et tout évaluer; l’humain n’est pas évaluable. Voilà l’évaluation de retour.
    Laisser une chance aux gens, ou les prédéterminer. Voilà la question; oû est l’humain?
    Nous sommes dans la tendance d’une société de sécurité, or il est impossible de réduire tous les dangers. La sécurisation totale comme principe fondamental traduit un refus de la mort, sa non acceptation (c’est la réaction infantile des américains). Adoptons une autre philosophie, plus raisonnable.
    Prévoir et miser sur l’évolution de l’autre, se protéger du tout menaçant, autant de solutions qui ne feront pas avancer la civilisation.

  15. 14/01/2008 at 11:55 Klaus Fuchs

    Puisqu’on ne peut prévoir avec une certitude absolue l’évolution d’une personne, il faut introduire une évaluation régulière pendant la mesure pour établir si la dangerosité persiste. Et c’est ce que prévoit le système allemand. Il ne s’arroge pas de prévoir pour des décennies ce qui peut changer ou pas chez une personne. Surtout si elle se fait soigner pour diminuer voire faire disparaitre la dangerosité. Donc l’équilibre entre droits de l’individu et droit de la société est assuré, me semble-t-il.

  16. 14/01/2008 at 13:59 M.V.

    Je préfére "l’observation" à "l’évaluation"(qui est sournoise et représente un grand danger actuellement). J e préfére le soin à la punition. Je préfére la construction de bibliothéques, d’écoles et d’ hopitaux à la construction de prisons, même spécialisées.

  17. 14/01/2008 at 18:46 Klaus Fuchs

    @ M.V.
    je ne comprends pas le lien de votre commentaire avec mon commentaire. La mesure dont il y est question n’est pas une "punition". En plus, pendant que le délinquant purge sa peine précédant la mesure de sécurité, il y a possibilité de soins. Et le caractère spécifique de la mesure impose qu’on organise des locaux de rétention spécifiquement adaptés, puisqu’il ne s’agit plus de purger une peine en prison. C’est pourquoi il existe des assouplissements: en matière de vêtements, de literie, d’aménagements de locaux personnalisés. Ce ne sont pas des "prisons" spécialisées, mais des espaces spéciaux en dehors des prisons, ou bien dans des murs des prisons mais bien séparés de la partie réservée à la détention des prisonniers. Enfin, s’agissant de l""évaluation", il s’agit d’un examen approfondi permettant de conclure dans quelle mesure la personne en question est encore dangereuse. Si tel n’est plus le cas , elle sera libérée.
    Je crois que votre rejet influé par la tradition française (qui comme cela a été expliqué, n’est pas gravée dans le marbre!) détermine un peu trop votre commentaire…
    (PS. en dehors de la discussion sur la mesure, je pense aussi que ce qu’on fait actuellement en matière d’"évaluation" qu’on met à toutes les sauces, on suit un peu trop le style anglo-saxon de management dans le privé. On "évalue" n’importe quoi !)

  18. 15/01/2008 at 21:12 M.V.

    @Klaus Fuchs
    Vous parlez bien de privation de liberté, et même si l’aménagement des locaux est décent et adapté, une prison dorée reste toujours une prison.Sous toutes les latitudes et à toutes les époques la privation de liberté a toujours été utilisée comme punition. C’est ce que souligne R.Badinter quand il intitule son article "la prison après la peine" (Le Monde-28/11/07).
    R.Badinter s’inquiète du coup porté aux principes fondamentaux ("le roc des principes") du droit pénal français, avec la loi Dati. Puisque la décision de rétention serait prise au motif d’une SUPPOSITION de dangerosité (d’acte, il n’y en a pas encore, il pourrait y en avoir…), "le lien entre une infraction commise et l’emprisonnement de son auteur disparait"; Badinter dit encore "nous quittons la réalité des faits (le crime commis) pour la PLASTICITE des HYPOTHESES,(le crime virtuel qui POURRAIT être commis par cet homme dangereux"), et "que reste-t-il de la présomption d’innocence?". La loi allemande est critiquable pour ces mêmes raisons.
    Autre torsion du Droit français: "ce n’est plus à l’issue d’un procès public, oû les droits de la défense auront été respectés" que la décision de rétention serait prise, mais au vu des conclusions d’un comité d’experts. Quels experts, pour quel examen? Aucun expert n’est jusqu’à nouvel ordre en position de droit pour déterminer une punition au nom de la société. Je redoute que les experts cognitivistes et comportamentalistes ne s’introduisent dans le système avec leurs grilles d’évaluation stéréotypées capables d’envoyer en rétention des séries de gens pour un certain profil. Toutes les dérives sont possibles. La loi allemande est-elle bien prudente?
    Je ne privilégierai jamais le groupe au dépend de l’individu. Je ne pense pas que cette position me soit imposée pa ma nationalité française. Il faut dépasser cette idée, car nous parlons de valeurs et principes universels. Ils le sont depuis "Les Lumières" (c’est bien ainsi que les despotes éclairés les concevaient; Frédéric de Prusse et Catherine de Russie lisaient les philosophes et invitaient Diderot, Voltaire à séjourner près d’eux).
    Je récuse l’idée qu’un monde moderne exigerait qu’on s’adapte à lui quand des acquis de la civilisation sont attaqués. Je crois qu’en France les socialistes y résistent. En tout cas, personnellement, je m’emploierai à dénoncer toutes les dérives et atteintes au droit , à la liberté, au respect de l’individu.

  19. 16/01/2008 at 10:48 Lucas Clermont

    Quelques éclaircissement pourraient être apportés par Klaus ou Michèle.

    D’abord sur la procédure d’urgence qu’adopte le gouvernement pour faire voter ce texte. Y-a-t-il urgence à légiférer quand la loi ne pourra entrer en vigueur qu’autour de 2023, soit pour la sortie des condamnés à des peines supérieures à 15 ans après son adoption. Qu’est-ce que cette procédure d’urgence entraîne pour le travail des parlementaires ?

    Au sujet des lois du modèle allemand, comment est décidée la rétention après la fin de la peine ? Des experts donnent certes leur avis, mais y a-t-il une procédure contradictoire devant des magistrats où la défense et le ministère public peuvent apporter leur vision. Plus généralement, qui, du point de vue politique, conteste ce modèle ?

  20. 16/01/2008 at 10:48 Lucas Clermont

    Quelques éclaircissement pourraient être apportés par Klaus ou Michèle.

    D’abord sur la procédure d’urgence qu’adopte le gouvernement pour faire voter ce texte. Y-a-t-il urgence à légiférer quand la loi ne pourra entrer en vigueur qu’autour de 2023, soit pour la sortie des condamnés à des peines supérieures à 15 ans après son adoption. Qu’est-ce que cette procédure d’urgence entraîne pour le travail des parlementaires ?

    Au sujet des lois du modèle allemand, comment est décidée la rétention après la fin de la peine ? Des experts donnent certes leur avis, mais y a-t-il une procédure contradictoire devant des magistrats où la défense et le ministère public peuvent apporter leur vision. Plus généralement, qui, du point de vue politique, conteste ce modèle ?

  21. 17/01/2008 at 20:01 Klaus Fuchs

    @ Lucas Clermont:
    "après la fin de la peine":
    pour pouvoir décider à une mesure après la fin de la peine, il faut que pendant l’exécution de la peine l’autorité pénitentiaire constate des "faits" qui permettant de conclure à "une dangerosité considérable" du condamné pour la société après la fin de sa peine de prison. La procédure en ce cas doit être lancé au moins 6 mois avant la fin de la peine. Le tribunal doit traiter la question dans une procédure analogue à celle applicable dans un procès pénal normal, avec toutes les garanties pour le condamné, y compris évidemment une défense dans une procédure contradictoire.
    Le tribunal s’appuie naturellement sur des experts; il interroge aussi , si besoin est, des témoins.
    La mesure "après" a été incorporé dans le code pénal en 2004
    sous l’impact de graves crimes. Je n’ai pas connaissance d’une grande contestation. Il faut dire que la sensibilité est grande en Allemagne en ce qui concerne les droits de l’individu si bien que les garanties de la personne dans la procédure sont particulièrement fortes. Comme dans tous les cas d’une mesure de rétention de sécurisation il existe surtout un réexamen régulier sur la persistance de la dangerosité. Le pronostic d’une dangerosité présuppose toujours un haut degré de probabilité de nouveaux actes criminels graves.

  22. 18/01/2008 at 10:07 Lucas Clermont

    La loi allemande paraît plus drastique encore que le texte français en discussion au Parlement. En particulier, le texte français concerne des criminels condamnés à des peines supérieures à 15 ans, quand la loi allemande ne nécessite qu’une peine préalable de deux ans (après une réitération et un emprisonnement d’au moins deux fois un an).

    Ce seuil de deux ans m’interroge. Après réitération d’un délit et de précédentes incarcérations on peut très vite être condamné à deux ans de prison. Quel type de délinquant est concerné ? On semble très loin du criminel pathologique. Là semble être la dérive ; pourtant il n’y a pas de contestation majeure.

    Les apports de la petite communauté allemande de Bordeaux sont précieux par la différence des points de vue.

  23. 18/01/2008 at 10:46 Klaus Fuchs

    Lucas Clermont, il faut relire mon texte initial qui montre que le critère n’est pas la durée de l’emprisonnement mais la dangerosité. En plus le droit allemand précise bien certains types de crime donnant lieu à la mesure de sécurisation. Et il faut la gravité des crimes et de l’impact sur les victimes. Ce ne sont pas des petits criminels (voleurs escrocs) qui récidivent et peuvent vite être condamnés à deux ans et plus qui sont visés mais les criminels GRAVES.
    Les criminels sont à examiner sous tous les angles de leur personnalité et c’est surtout les "Hangtäter" (ceux qui commettent des crimes et ont un penchant, une inclination dans ce sens) qui font l’objet de la mesure.

  24. 18/01/2008 at 11:05 Lucas Clermont

    @ Klaus

    Il n’y a aucune ambiguïté. La durée de l’emprisonnement n’est pas le critère principal, en France non plus. C’est un seuil au delà duquel ce type mesure peut s’appliquer (si d’autres conditions sont satisfaites, dont la permanence de la dangerosité). Je ne sais que penser du texte français, sinon qu’il est précipité, en revanche dans la loi allemande, ce seuil très bas m’interpelle parce qu’il ouvre les portes à toutes les dérives. Comment peut-on à la fois définir un seuil aussi bas et affirmer que la loi vise des criminels dont on veut se prémunir de la dangerosité ?

    (Note que j’ai conscience que ton article est une synthèse des lois pénales de trois pays et que tu ne peux rentrer dans les détails)

  25. 18/01/2008 at 14:14 Klaus Fuchs

    @ Lucas Clermont: il faut lire mon texte et les réponses ultérieures attentivement. Il sont d’ailleurs tous des synthèses de la situation allemande et ne contiennent aucun détail des autres pays germanophones.

    Finalement, et j’aimerais bien conclure sur cela: il y a très peu de cas (bien moins de 400)de cette mesure globalement et très très peu des mesures "réservées" ou "après la peine". Les "dérives" sont impensables dans une Allemagne qui est autrement sensibilisées aux abus possibles après la triste période du hitleriosme.

  26. 20/01/2008 at 17:19 M.V..

    La PRESOMPTION d’INNONENCE est une de nos plus belles conquêtes d’humain. La loi Dati va la mettre à mal, c’est ce qui nous gêne.
    Il est impossible de mesurer et de prévoir la dangerosité, on peut toujours avoir une surprise, et il faut miser sur la situation la plus favorable; les évaluateurs de dangerosité sont bien pédants, à moins qu’ils n’aient une idée de derrière la tête; mais on leur accorde la présomption d’innocence.

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