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Sud Ouest, le 28 août 2009

SOCIÉTÉ. Faut-il, à la faveur de la révision de la loi de bioéthique, légiférer sur la question des mères porteuses ? Les femmes en débattent

Gestation pour autrui. La formule n’est pas très heureuse – on a plus l’impression de parler d’une vache que d’une femme – mais elle a le mérite de la clarté pour qualifier le fait de prêter, de louer – ou de vendre – son utérus en vue d’accoucher d’un bébé pour le compte d’autrui. La femme enceinte, après implantation d’un embryon fécondé in vitro, devient alors ce qu’on appelle plus communément une « mère porteuse ». Le recours à de telles pratiques est actuellement interdit en France. Sauf si la révision de la loi de bioéthique en décidait autrement.

L’éthique de la vie

C’est pourquoi cette question revient régulièrement sur le tapis, depuis quelque temps, et c’est pourquoi l’Assemblée des femmes (1), réunie à La Rochelle les 26 et 27 août, l’avait inscrite au programme de ses débats. Notons aussi que l’association HES (Homosexualité et Socialisme) organise aujourd’hui un débat sur le sujet, en marge de l’université d’été du Parti socialiste

C’est à Michèle Delaunay, cancérologue, députée socialiste de la Gironde, qu’il appartenait, hier, de présenter à l’Assemblée des femmes les progrès en matière de procréation assistée. Ce dont elle s’est acquittée avec clarté et conscience. Soulignant en préambule que parler de bioéthique, c’est parler de l’éthique de la vie.

Les tests géniques, qui permettent aujourd’hui à tout un chacun d’identifier une filiation (fut-ce au prix de l’exhumation d’un cadavre, comme celui d’Yves Montand), les transplantations d’organes, les cellules souche embryonnaires, dont l’utilisation est interdite sauf dérogation au cas par cas pour recherche à des fins strictement thérapeutiques, la possibilité d’utiliser des embryons surnuméraires à des fins également thérapeutiques : toutes ces avancées de la recherche ont été évoquées par le professeur Delaunay.

Soucieuse de montrer, avant d’en arriver à la procréation assistée, que chaque progrès, chaque pas en avant a son revers. Il en est ainsi du don de sperme et du don d’ovocytes, avec le risque de marchandisation dans les deux cas.

L’enfant devient-il un droit ?

Et les mères porteuses ? « Les reines de France accouchaient en public pour qu’on soit sûr de la filiation », rappelle Michèle Delaunay, ajoutant : « Aujourd’hui c’est toujours l’accouchement qui fait la mère. S’agissant de la gestation pour autrui, ceux qui ont donné le sperme et l’ovocyte ne sont pas forcément ceux qui vont adopter l’enfant. Je sais, insiste-t-elle, que les couples homosexuels sont en attente, mais nous serions des bêtasses de nier que, dans ce cas, un couple féminin et un couple masculin, ce n’est pas la même chose ». Le moment semble venu d’invoquer « science sans conscience »…

Car le débat qui s’ensuit montre bien que les conséquences de la gestation pour autrui n’ont pas échappé aux femmes. Du moins à certaines. « C’est le devenir de l’enfant qui est en jeu », souligne une femme qui a travaillé dans une cellule d’adoption. « On fait de l’enfant un objet, est-ce qu’on peut d’emblée dire que l’enfant devient un droit ? Non seulement on marchandise encore le corps de la femme, mais on marchandise le corps de l’enfant. »

« La question se pose aussi pour les femmes ayant dépassé l’âge biologique de la procréation, remarque Michèle Delaunay, ces femmes peuvent-elles revendiquer le droit à l’enfant ? » Yvette Roudy, citant le cas d’une femme qui a défrayé la chronique, mère de jumeaux à 60 ans, apporte de l’eau à son moulin : « Elle vient de mourir et les jumeaux ont 2 ans. »

Une intervenante s’inquiète des revendications d’HES : « Pour eux, c’est « Pas de discrimination », qu’il s’agisse d’un couple féminin ou d’un couple masculin. » Et puis, une Parisienne impatiente : « Est-ce qu’on va être obligé de passer les frontières pour avoir accès à la gestation pour autrui ? »

Yvette Roudy, à qui il revient de conclure, s’adresse aux parlementaires présentes : « Quand vous discuterez de la loi de bioéthique à l’Assemblée nationale, pensez à nous. »

(1) Association Loi 1901 présidée par Yvette Roudy. L’Assemblée des femmes est fondée sur le bénévolat et ne reçoit pas de subventions

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel