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Sud Ouest, le 2 novembre 2009

Michèle Delaunay, la Députée PS de Bordeaux, ne partira pas aux régionales. Favorable au mandat unique, elle explique les difficultés que cela engendre.

« Sud Ouest ». Vous avez décidé de ne pas être présente sur la liste des régionales alors que vous étiez, je reprends votre terme, « pressentie ». C’est Alain Rousset qui vous l’a demandé ?

Michèle Delaunay. Non, c’est Ludovic Freygefond et Vincent Feltesse qui m’en ont parlé. C’était un beau challenge mais c’était incohérent par rapport à ce que je défends. J’exclus en effet d’être en discordance avec ce que j’essaie de porter, à savoir le mandat unique. Je pense qu’il est du devoir d’un élu de se consacrer entièrement à la tâche qui est la sienne. Et puis, les électeurs supportent de moins en moins le cumul. Cette vérité correspond à la situation du pays. La nécessité du mandat unique s’impose pour des raisons politiques mais aussi d’emploi. L’élu a cette responsabilité particulière d’être en phase avec la situation française.

Vous pourriez accepter de figurer sur la liste des régionales en position non éligible ?

Je ne crois pas que ce soit nécessaire. Je serais de toute façon présente dans la campagne pour aider Alain Rousset à mettre les pendules à l’heure. On a une revanche à prendre sur Bordeaux. Au-delà du résultat des municipales qui fut une épreuve, je pense que Bordeaux a besoin d’Alain Rousset pour insuffler une dynamique à cette ville en panne économique. Regardez le taux de chômage. La ville souffre car elle n’a pas innové et ce n’est pas un grand stade qui va nous aider. Juppé pousse le projet pour faire plaisir aux supporteurs en mettant les collectivités locales dans la seringue. Si elles ne jouent pas le jeu ou pas suffisamment, il pourra ainsi dire que le projet est planté à cause d’elles. C’est vrai, la ville a été embellie, mais maintenant elle doit rentrer dans le concert des métropoles et ce n’est pas Darcos qui va y contribuer.

Mais Alain Rousset est tête de liste tout en étant député…

Il est le président sortant ; c’est une tête de file considérable, il a été président de la CUB. Ensuite, s’il me demande mon avis, je lui conseillerais de ne pas se représenter à l’Assemblée nationale en 2012. Son rôle à la Région est plus important. Il y abat un travail considérable et la Région est aujourd’hui au coeur de la survie des territoires avec la politique de Sarkozy.

Vous êtes députée mais également conseillère générale. Ce n’est pas vraiment le mandat unique…

C’est vrai. Si je n’avais pas eu un mandat durement acquis dans un canton de droite, personne ne m’aurait demandé sans doute d’en briguer un autre. Dans certains cas, quand vous avez une assise locale, vous avez plus de facilité d’être élu. Mais quand vous avez déjà un mandat, il est extrêmement inopportun de démissionner. J’apporterai un autre moderato : quelqu’un qui a un mandat unique, surtout de député, se met en situation de fragilité car il n’a pas la communication des dossiers, il n’est pas au fait des différents arcanes. C’est pourquoi, j’ai abandonné mon siège de conseillère municipale avec beaucoup de regrets.

Après les municipales, vous auriez pu abandonner votre siège de conseillère générale pour devenir leader de l’opposition municipale. Pourquoi ne pas avoir fait ce choix ?

Affronter directement Juppé m’aurait donné une meilleure visibilité, c’est vrai. J’ai fait un choix austère avec la pleine conscience que ce n’était pas le plus porteur.

La question va forcément se reposer, non ?

J’ai décidé d’aller au bout de mon mandat de conseillère générale. Je n’ai jamais mené de batailles opportunistes. Je n’exigeais pas de gagner. En outre, je ne me suis jamais posé en candidate aux municipales et on ne sait pas ce que seront les prochaines. Entre-temps, il y aura eu la présidentielle. Il peut se produire un « rebrassage » insoupçonné, surtout si nous trouvons l’incarnation des valeurs fondamentales de gauche, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Alain Juppé ne ménage pas ses critiques envers le président Sarkozy. Ne craignez-vous pas que cela l’aide lors des prochaines échéances ?

Remarquons qu’il ne se démarque qu’à petits pas. On ne l’a pas entendu sur le bouclier fiscal, par exemple. Sur les autres points, cela ne mange pas de pain comme on dit. Il ne prend jamais de position décisive. Sur la réforme territoriale, il a fait marche arrière au bout de 48 heures.

Plus sur le ton que sur le fond, non ?

Quand on est un homme d’État comme lui, on pèse ses mots. Je pense qu’il avait bien étudié sa gamme. Je ne suis pas une opposante systématique à Alain Juppé, j’aurais préféré l’admirer. Mais je ne trouve pas sa crédibilité très grande. Ses dissonances entretiennent une possible ambition nationale. Il nous joue l’éventuel et éternel retour.

Serez-vous candidate en 2012 face à lui ?

Si mon parti me désigne et si les petits poissons ne me mangent pas en route. Nul ne sait de quoi demain sera fait. Il faudra en tout cas quelqu’un qui ait la taille du job car c’est une circonscription très difficile.

Et pour votre canton, renouvelable en 2011 ?

Je voudrais qu’on ait les meilleures chances de ne pas le perdre. C’est un canton de droite qu’il faut prendre par surprise. En tout cas, c’est un mandat qui constitue un superbe apprentissage de la politique, pour peu qu’on soit pugnace. Cette élection peut être un bon moyen d’ouvrir la porte à un renouvellement.

Revenons à votre mandat de députée. Cela ne doit pas être facile d’exister dans ce département et dans ce contexte ?

Au sein de mon parti et dans ce territoire, il y a de fortes personnalités à la tête d’exécutifs qui marquent la politique de leur empreinte. Un député n’a que l’essence de sa mission, on ne gère aucun budget. On n’est que dans la politique. J’essaie de porter les dossiers. Légiférer est un acte très important, il faut faire entendre sa voix, montrer ce que nous faisons et ce que nous ferions si on était au pouvoir. Il me faut rapporter cela ensuite aux Bordelais. Je n’oublie pas que la majorité d’entre eux ont voté à gauche lors de la dernière présidentielle. Ces Bordelais ont besoin que l’exigence qu’ils portent soit présente dans le débat.

Quelles actions pouvez-vous mener sur le plan local ?

On peut s’engager. Je l’ai fait pour la défense de Santé navale, j’ai interpellé le gouvernement. J’essaie d’être la mouche du coche. Ensuite, je me suis positionnée par exemple contre le pont Bacalan-Bastide. Je suis aussi contre le grand stade car je pense qu’il y a mieux à faire avec une telle somme. Mais il est vrai que je dois aussi ménager mes amis qui sont dans les exécutifs et pris dans la seringue. Je me sens parfois hors sol, ce n’est pas facile mais dans une période aussi décisive, on a le devoir de se manifester, de se faire comprendre.

Alain Juppé bien sûr ne vous aide pas dans cette mission mais ses rapports plutôt bons et parfois complices avec Vincent Feltesse à la tête de la CUB ne vous gênent-ils jamais ?

Alain Juppé ne m’aide pas… À ce point, ce n’est pas raisonnable. Je n’ai jamais la parole. Sans en faire une affaire personnelle, je suis sans doute la seule députée d’une circonscription urbaine à ne pas pouvoir travailler avec le maire, à n’être jamais à côté ni sur les photos ni dans certains dossiers. J’avais écrit à Alain Juppé pour lui proposer d’être avec lui pour défendre Santé navale. Il ne m’a jamais répondu. L’entité député est un concept nouveau, un primeur au sens agricole du terme, à Bordeaux puisque mes prédécesseurs dans cette circonscription étaient aussi les maires.

Concernant la CUB, Vincent Feltesse ne peut que respecter le contrat de départ. Dire que cela m’emballe tous les jours, serait mentir. La cogestion est un mauvais système qui ne permet pas à Vincent Feltesse d’exprimer pleinement ses engagements.

Propos recueillis par Anne-Marie Siméon

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel