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Peu comprennent ce que veut dire « descendre de charge », appartenir à un groupe et brutalement en être exclu, voir, en plus de ses revenus, son identité moins affirmée, comme une image qui passe de la couleur au noir et blanc.

Eh bien, c’est ce que vivent une majorité des retraités. N’être ni tout à fait un autre (toujours en bonne forme, plein d’idées et de capacités..) , ni tout à fait le même en voyant se fermer comme un battant de porte le champ où l’on appliquait ses connaissances, son savoir-faire et où l’on avait aguerri son intelligence.

Tout d’un coup, en retraite c’est-à-dire en retrait.

Oui, il y a le sentiment de libération, de pouvoir enfin faire ce que l’on n’a jamais eu le temps de faire. Oui aussi, il y a les métiers pénibles où l’on s’usait et qu’il était grand temps de quitter. Je sais tout cela.

Mais combien sont là, descendant au bistrot le matin prendre un café et voyant tous ceux qui leur ressemblent à l’identique, regarder leur montre, lire rapidement les gros titres du journal et vite, organiser leur journée. C’était hier. Hier matin et c’est désormais demain et encore demain. Ceci pour 30 années, voire davantage.

Une page inoubliable du livre de Maurice Tubiana « Le bien vieillir » décrit ce moment. Le premier jour du reste de sa vie. L’expression n’est pas de lui, elle est au fond de chacun de nous. La veille, il a travaillé jusqu’à 22 heures pour mettre à jour tout son courrier, visé les derniers projets, signé les derniers comptes-rendus. Et puis il a fermé la porte derrière lui de l’Institut Gustave Roussy.

Le lendemain, rien. Cela n’a duré pour Maurice Tubiana que quelques jours, quelques semaines. Médecin un jour, médecin toujours. Chercheur, de même. Sachant écrire aussi et c’est pour cela qu’il a si bien décrit et fait partagé ce moment brutal du « départ en retraite ». Les deux mots disent tout.

Quand saura-t-on dire qu’il faut aménager les carrières de fin de parcours ? Qu’il faut fluidifier l’âge du départ en retraite ? Qu’il faut faire bouger les lignes ? Qu’il faut favoriser et valoriser l’engagement des âgés dans la vie publique quelle qu’en soit la forme. Quand  le Parti qui est le mien -le PS- s’attèlera-t-il à ce nouveau défi ?

Quand la République saura-t-elle montrer fortement à ces âgés/retraités que la République a besoin d’eux ? Qu’ils ne sont pas exclus mais attendus ?

Quand la retraite deviendra-t-elle synonyme d’une troisième vie, active,  créatrice, responsable, référentielle, honorée, forte, désirée pour tout cela ? Je hurle chaque fois que j’écoute des Maires apeurés parler du coût de l’aménagement des rythmes scolaires. En rangs serrés, les retraités (enseignants, membres d’associations sportives ou culturelles..) sont venus me voir:  « Mais pourquoi vous faites tant d’histoires… On va vous les faire ces activités périscolaires! » Pour rien ou quasi et sans prendre la place d’autres professionnels (3 heures de travail par semaine, en alternance d’activités, est légal et ne prend pas l’emploi d’un autre).

La loi que j’ai préparée porte en germe cette transition sociale majeure qui constitue un des piliers de la transition démographique que nous devons concevoir, penser, préparer à l’égal de la transition énergétique. Et qui, comme elle, est porteuse de croissance, d’emplois et d’innovation sociale.

Et si on s’y mettait, tous sans oeillères et sans tabous ? Si on portait cette idée qui ne sera suivie par les décideurs de tous ordres que si elle est portée par l’opinion.

Pour la France et parce qu’il est grand temps de devenir révolutionnaires.

 

Comments 7 commentaires

  1. 30/04/2014 at 11:17 citoyen

    Excellente observation qui va aussi à l’encontre de tous ceux qui évoquent dans un grand malentendu le « droit à la paresse » de Paul Lafargue…
    Ceci étant, je me réjouis tout particulièrement de l’annonce de Manuel Valls que la loi que vous avez préparée pendant les deux années de votre ministère sera soumise au conseil des ministres et par la suite au Parlement avant l’été. Votre travail n’aura donc pas été pour rien et tous ceux qui l’accompagnaient attentivement peuvent enfin être rassurés. C’est un grand pas en avant, bien que la deuxième partie de la législation en faveur des âgés, touchant le problème extrêmement important de la prise en charge financière de la perte d’autonomie, nécessitera un grand effort à faire d’ici la fin du quinquennat. Espérons que l’horizon budgétaire s’éclaircira et que la volonté politique sera au rendez-vous…

  2. 01/05/2014 at 12:16 Alain

    Le « Peu » qui ouvre votre billet me semble largement exagéré. Sur qui et sur quoi s’appuie-t-il ? Il me semble caractériser essentiellement des personnes qui se sont investies à 100% dans leur travail, au détriment de toute autre activité. Plus nombreux que vous ne l’affirmez, ceux qui se sont préparés mentalement à la sortie du monde du travail, comme ils s’étaient préparés à y entrer – ne se reconnaîtront pas dans la brutale exclusion – expulsion – que vous dépeignez.

    Les retraités qui souhaitent s’insérer dans la vie active trouvent aujourd’hui mille façons de le faire, sans forcément s’investir dans des activités en relation avec le métier qu’ils ont exercé, ce qui me semble une excellente chose pour continuer d’apprendre et de s’émerveiller. A ce propos, je ne suis pas sûr par exemple, loin de là, que d’anciens enseignants soient tous les plus qualifiés pour encadrer des activités périscolaires dans l’esprit de la réforme qui se met en place. Qu’ils le pensent est une autre affaire.

    En résumé, sans réfuter le fond de votre billet, gardons-nous de présenter le départ à la retraite comme une violence injuste assimilable à celle du chômage. C’est pour la plupart le moment de l’ouverture, sans volonté d’enfermement dans ce qu’ils ont toujours fait. Quant à ceux qui n’en sont pas capables, aidons-les à sortir de leur entreprise comme on aide (ou devrait aider) des prisonniers à sortir de leur lieu d’incarcération. Aidons-les, en détournant un titre de Julien Gracq, à vaincre leur peur d’entrer dans la « La Liberté grande », qui n’a rien à voir avec le vide.

  3. 03/05/2014 at 11:54 Alain

    Y a quelqu’un ?

  4. 05/05/2014 at 10:21 emma

    oui, bien sûr, j’aime votre humanisme –
    les retraités (comme tous ceux qui n’ont pas ou plus de pouvoir/argent/entregent) sont considérés d’abord comme des vaches à lait par les industriels et investisseurs spécialisés, (voyages, croisières, résidences idylliques -sur la plaquette..) puis comme des assistés, mais rarement vus comme potentiellement encore utiles à la société, ce qui les en exclut de fait.
    Cela fait longtemps que je ne crois plus à ces belles idées, parce que l’administration elle même peut se comporter avec la plus grande cruauté envers ceux qu’elle est censée protéger, comme la CRAM qui sous un prétexte fallacieux refuse de me régler 4 ans de retraite pour laquelle j’ai cotisé… alors à quoi croire ?

  5. 06/05/2014 at 22:03 Claude Billeaud

    Chère Michèle
    A quelques mois de mon départ à la retraite je la redoute car je suis en bonne santé et plein de projets de recherche aussi bien avec l’Industrie qui fourni à l’hôpital l’argent nécessaire pour faire vivre notre CIC pédiatrique , qu’avec des projets institutionnels (PHRC National) .
    Je souhaite ardemment poursuivre mon engagement à l’hôpital et je n’aspire pas à quitter ce fourmillement de projets qui m’occupent l’esprit.
    Amitié
    Claude

  6. 09/05/2014 at 19:54 Louis

    Oui, parlons autrement de la retraite. Voir la retraite dorée anticipée de Vincent Feltesse, recasé à l’Elysée après éjection de Bordeaux, de la CUB et du Palais Bourbon ! La politique est décidément un bon métier …

  7. 11/05/2014 at 19:26 Jean

    @ Louis

    Pardon ? A ma connaissance, Vincent Feltesse est toujours à Bordeaux, conseiller municipal et communautaire. Vous auriez souhaité qu’il partît au Québec ?

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