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Le Progrès, le 24 octobre 2008

Un reportage en caméra cachée montrant des personnes âgées dépendantes victimes de mauvais traitements met en lumière la manque de formation et de moyens dans les établissements spécialisés..

Une caméra cachée qui montre des actes de maltraitance répétés dans une maison de retraite de Seine-et-Marne. Le reportage diffusé mercredi soir sur France 2 dans l’émission « Les infiltrés » a suscité beaucoup d’émoi.

Patricia Gitton, infirmière et représentante du personnel mis en cause regrette de ne pas avoir eu le droit à la parole mais ne nie pas qu’il y ait des dysfonctionnements. Elle a convenu que certains salariés pouvaient être épuisés, et que d’autres pouvaient manquer de formation.

Pour les spécialistes de la question, élus, médecins ou associations familiales, « ce reportage ne reflète pas toute la réalité loin de là, mais il témoigne d’un malaise réel et de situations récurrentes liées au manque de formation et de moyens ». Selon Michèle Delaunay, auteur d’un rapport sur la question, il existe deux formes principales de maltraitances : « la première vient souvent de l’ignorance :  certains personnels ne savent pas aborder le grand âge et veulent aller vite. Quand ils ont devant eux des personnes qui ont des troubles psychiques, ils peuvent avoir une attitude qui paraît être de l’agressivité, et qui énerve le patient, qui en retour, reçoit de la brutalité. Je l’ai vu. »

La deuxième forme de maltraitance est beaucoup moins visible : c’est l’abus de médicaments. Michèle Delaunay raconte : « c’est très facile de forcer les doses. Le patient est plus docile. Sur le long terme, c’est une perte d’autonomie et de présence au monde. Il y a aussi une maltraitance tue : la limitation de la possibilité d’aller et venir. C’est le cas de 800 000 personnes vivant dans des établissements. Souvent, c’est par soucis de sécurité. Mais ces mesures prises par les établissements ne dépendent d’aucun avis, pas même médical. »

Andrée Barreteau ( Fédération hospitalière de France) estime de son côté que « beaucoup de maisons retraite en zone rurale, isolées, sont dans la même situation », mais « personne ne peut dire combien elles sont, faute d’étude claire et transparente sur la situation des maisons de retraite ».

Il est plus qu’urgent de s’en préoccuper. Dans 15 ans, quand les générations du baby-boom atteindront 80 ans, un ménage européen sur cinq sera confronté à cette situation dans sa famille.

L’établissement allait fermer dans 4 mois

Valérie Létard, la Secrétaire d’Etat à la solidarité, s’est efforcée hier de minimiser l’impact des images du reportage diffusé sur France 2. « L’établissement visé comme un cas isolé. Il fait partie d’une structure hospitalière intercommunale éclatée sur trois sites, encours de restructuration. Les personnels et résidents de la maison Saint-Jean doivent déménager en février dans des locaux rénovés. 16 postes d’infirmières et 16 postes d’aides-soignants ne sont pas pourvus. Une cellule de recrutement va procéder à ces embauches. La restructuration en cours devrait permettre d’améliorer l’organisation de l’établissement, notamment de faire en sorte que les personnels soignants soient là où ils doivent se trouver. Il ne s’agit pas de dédouaner les personnels, il s’agit juste de dire que nous sommes dans un établissement en pleine restructuration qui a besoin d’être accompagné ».

INTERVIEW : Michèle Delaunay (députée PS, médecin spécialiste de la dépendance)

Le reportage de France 2 suscite une forte émotion. De tels agissements vous surprennent-ils ?
Les personnes âgées sont des êtres fragiles que le personnel ne sait pas toujours comment aborder. Il est en outre très insuffisant. En tant que médecin, j’ai vu de services de 60 lits fonctionnant de nuit avec une infirmière et une aide-soignante. Et ce n’est pas exceptionnel ! Ceci n’excuse pas la maltraitance, mais met en avant le fait que nous sommes à la moitié des normes européennes pour ce qui est du nombre de personnel dans les établissements.

Quelles sont les solutions ?
La première, c’est de recruter plus de personnel. La deuxième, c’est la formation et c’est la pièce majeure : la prise en compte de méthode comme l’humanitude, une série de pratiques plus douces. Cela passe par une revalorisation de la gériatrie. Peu de jeunes infirmières veulent travailler dans ce type de services ou d’établissement. La troisième, c’est la réglementation pour établir un équilibre entre la sécurité et la liberté. Les problèmes du grand âge sont connus mais suscitent de la crainte. Les politiques ont une réticence à aborder cette question qui avec le vieillissement de la population est une priorité. On nous parle du cinquième risque, mais on ne sait toujours pas comment on va le financer.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel